Les prix
insupportables des nouveaux médicaments !
Les
prix de certains nouveaux médicaments pour le cancer sont exorbitants : de
25.000 à 34.000 euros par an par malade, pour certains types de cancer.
Les bénéfices en santé justifient-ils ces prix? Comment allons-nous
financer ces coûts? Est-ce bien raisonnable? A quels soins devrons-nous
renoncer ?
L'envolée du marché des anticancéreux
est spectaculaire. Selon certaines projections, le traitement du cancer
représentera le premier marché pharmaceutique en 2008. Le chiffre
d’affaires atteindrait 41 milliards de dollars ! A quel prix ?
Nouveaux
médicaments à prix astronomiques
Pour atteindre ces chiffres d’affaires, les
firmes pharmaceutiques proposent de nouveaux médicaments à des prix
(artificiellement?) très élevés. Exemple : le 23 janvier, le ministre
propose de rembourser un médicament pour un certain type de cancer au-delà
des indications actuellement reconnues. Il s'agit d'une indication qui est
encore en cours d'évaluation par l'EMEA, l'agence européenne officielle
chargée de l'enregistrement des médicaments. Cette proposition ne comporte
aucune mesure sur le prix, alors que le nombre de bénéficiaires
"traitables" passerait, par an, de 250 actuellement, à plus de 1.250 pour
l'ensemble des deux indications. Le prix actuel de ce nouveau médicament
est extrêmement élevé: 34.000 euros par an par malade, soit un
budget d'un peu plus de 42 millions d'euros par an pour 1.250 malades,
pour un gain, en termes de survie, qui reste encore à déterminer pour la
nouvelle indication. Vu l'importance du budget, et le fait que la nouvelle
indication n'est pas encore acquise, le Comité de l'Assurance de l'INAMI a
demandé plus d'information sur la sécurité et sur les mesures prévues pour
maîtriser le coût, avant de donner son feu vert…
D'autres
médicaments, remboursés depuis le 1er août 2004 pour des maladies dites
"orphelines", qui visent des affections extrêmement rares, coûtent 50.000
euros, 200.000 euros, voire 300.000 euros par patient. Ces «nouveaux» prix
sont-ils justifiés? Comment allons-nous pouvoir les financer?
Des prix
sans mesure entraînent des choix irrationnels
Pour expliquer les prix très élevés des
nouveaux médicaments, l’industrie pharmaceutique invoque le coût énorme de
la recherche et le fait que ces médicaments sont tellement ciblés qu’ils
ne concernent qu’un très petit nombre de patients. Comme ces médicaments
sont en général importés nous ne disposons généralement d’aucune
information sur les composants, tel que la recherche, expliquant le coût
élevé de ces médicaments. A défaut d’information sur les coûts précis de
ces nouveaux médicaments, les résultats financiers publiés par les grands
groupes pharmaceutiques donnent quelques indications. Le magazine Fortune
classant les plus grandes entreprises à l’échelle mondiale évalue le coût
de la recherche par industrie pharmaceutique à 11% du chiffre d’affaire
et le coût de la publicité et du marketing à 26 % ! Les profits oscillent
entre 15 et 20 %. Alors qu’est-ce qui coûte cher dans les prix des
médicaments?
Un prix
élevé est aussi invoqué par le petit nombre de patients concernés par les
nouveaux médicaments. Mais si par la suite, les indications sont élargies
et que l'on multiplie par 5 le nombre éventuel des personnes concernées,
il serait normal de diviser le prix du médicament par 4 ou 3, mais là rien
ne bouge. On atteint ainsi 42 millions d'euros pour traiter 1.250 malades.
Par ailleurs, en réduisant le prix, on pourrait offrir le médicament à
bien plus de malades.
Cet argent,
on ne pourra pas le dépenser deux fois. Le budget de l’assurance maladie
obligatoire est fixé. Pour certains, avec une croissance de 4,5 % (en
termes réels) par an, il augmente déjà beaucoup trop. Pour financer ces
nouveaux médicaments, nous devons donc renoncer à la couverture d’autres
besoins : le sous-financement des hôpitaux, la création de places en
maisons de repos et de soins, un meilleur remboursement et traitement de
la douleur chronique, la revalorisation des actes intellectuels, le
soutien de la prévention, une meilleure couverture des besoins primaires
des malades chroniques … Avec 42 millions d’euros on peut financer 1.100
emplois permanents pour satisfaire ces besoins. Alors le prix élevé des
nouveaux médicaments est-il justifié ?
Les prix
élevés des médicaments doivent être au centre d'un débat politique
Les prix
annoncés pour les nouveaux médicaments aujourd’hui et à venir risquent de
conduire notre système d’assurance maladie à la faillite. Il est urgent
de remettre les questions d’intérêt général au centre d’un débat politique
vital pour le maintien de l’accès aux soins essentiels : Qui choisit les
domaines de recherche ? L’industrie pharmaceutique ou la société ?
Qui fixe
les prix en toute transparence et avec quel profit ? Qui informe les
médecins ? Les délégués des firmes ou un service publique ? Qui peut
prescrire des médicaments chers ?
Qui
contrôle le bon usage de ces médicaments? Qui évalue en toute objectivité
les bénéfices et les effets secondaires des nouveaux médicaments ?
Les prix élevés
des nouveaux médicaments minent les fondements de notre système social
d’assurance maladie. Les autorités politiques doivent ouvrir le débat. Il
est temps de reprendre l’initiative pour éviter que les intérêts
financiers de l’industrie pharmaceutique prennent le pas sur l’intérêt
général dans le domaine de la santé.
Jean Hermesse
Secrétaire National