Éditorial
(21 décembre 2006)
Bilan en demi-teinte
Nous voici au terme de l’année 2006. C’est l’occasion pour
moi de présenter mes meilleurs vœux pour les fêtes de fin d’année et pour l’an
nouveau qui se présente. Je peux le faire dans une certaine sérénité car l’assurance
maladie se porte bien.
Après une année 2004, désastreuse les comptes 2005 et 2006
de l’assurance maladie s’avèrent être en boni et les perspectives sont bonnes
pour 2007. C’est une bonne chose pour ceux qui sont malades car cela veut dire
que notre assurance maladie leur garantira des soins de qualité accessibles.
D’autant plus que lundi soir, médecins et mutuelles ont pu
se mettre d’accord à l’unanimité sur la formule d’indexation annuelle de 1,65%
des honoraires médicaux à laquelle s’ajoutent quelques adaptations de tarifs et
notamment une extension des honoraires de disponibilité pour les médecins
généralistes qui assurent les gardes en semaine. Le système des conventions
conservera donc son efficacité l’an prochain.
C’est le moment d’insister sur l’importance de ce système
des conventions et de la concertation qui y est liée. Ils permettent d’assurer
une gestion efficace du système de soins car ce qui est décidé dans la
concertation est mieux respecté et le système y gagne en qualité et
accessibilité.
Quelques grands défis
Tout va-t-il donc pour le mieux? Certes pour l’instant mais
quelques grands défis plus problématiques se profilent à l’horizon 2007. J’en
retiendrai essentiellement trois.
Le premier défi concerne le financement de l’assurance
maladie. Malgré tous les efforts réalisés et à faire en matière d’économies,
les dépenses augmentent un peu plus vite que la croissance de la richesse
nationale. Il faut donc pouvoir ménager chaque année des ressources
complémentaires pour faire face à cette croissance engendrée par le
vieillissement de la population, le coût croissant des techniques de pointe, la
hausse du coût de la main d’œuvre, etc…. C’est une inquiétude car si le
financement n’est plus stable et sûr comme aujourd’hui, basé sur les
cotisations sociales, il peut chaque année être remis en question avec les
conséquences pour les malades qui devraient payer plus pour leurs soins.
Le second défi concerne les menaces de scission de
l’assurance maladie. Cette scission est réclamée avec des degrés d’urgence divers
par tous les partis politiques en Flandre et elle est rejetée par tous les
partis francophones. Elle entraînerait des conséquences graves pour tous tant
au nord qu’au sud ainsi qu’un imbroglio parfaitement insoluble à Bruxelles. Au
nord, car il est probable qu’avec l’exemple hollandais, on s’orienterait vers
une mise en concurrence des Mutuelles avec les compagnies d’assurance
commerciales. Au sud, car des recettes moins importantes provoqueraient des
coupes sombres dans les budgets. Quant à la situation à Bruxelles, personne ne
sait comment cela pourrait fonctionner si deux systèmes devaient se superposer
dans un même espace géographique.
Il circule aujourd’hui une variante modérée de cette
scission qui consisterait à maintenir les recettes en commun et à les répartir
suivant des critères dits objectifs entre les communautés qui pourraient alors
mener les politiques qu’elles décident. Cette variante n’arrange rien pour
Bruxelles. Elle est très difficile à mettre en œuvre car les critères de
répartition des recettes sont complexes à établir. Elle est surtout très
éphémère car, après un certain temps, comme on le voit dans le financement de
l’enseignement, on évolue progressivement vers un financement lié au Produit
Intérieur Brut qui élimine toute solidarité et aboutit à terme à une scission
complète.
Cette variante n’est donc qu’une fausse solution dans
laquelle il ne faut pas se laisser entraîner. La Mutualité chrétienne veut
maintenir la solidarité fédérale dans les matières liées à la sécurité sociale
et donc dans l’assurance maladie.
Le troisième défi que nous avons à relever est celui que
nous pose l’Europe. En effet, la Commission européenne, hélas fortement dominée
par les partisans du libéralisme économique dans tous les domaines, cherche à
réduire le plus possible le champ de la sécurité sociale qui échappe
normalement aux règles de la pratique du commerce. Le péril est sérieux car les
mises en demeure de la Belgique et d’autres pays se multiplient. Elles émanent
des directions générales Marché intérieur et Commerce. Elles visent à empêcher
les Etats à réguler correctement l’organisation des soins et à organiser les
protections sociales à l’abri du marché. Le but est d’évoluer vers un système
de type américain dont il ne faut pas décrire les effets désastreux. Il est
clair que les citoyens n’ont rien à gagner de ces évolutions mais, à défaut
d’un sursaut politique important, le péril est sérieux. Les premières victimes
en seront ceux qui, malades, handicapés, ou simplement affaiblis par l’âge,
n’auront plus accès aux soins de qualité. Mais en fait, toute la population en
subira les conséquences car l’exemple américain est là pour nous montrer qu’en
l’absence de régulation d’ensemble, tous les coûts de santé explosent.
Les Mutualités elles-mêmes sont aujourd’hui menacées dans
leurs activités d’assurance complémentaire qu’elles organisent pour leurs
affiliés sur des bases solidaires. C’est le résultat de plaintes introduites
contre elles par des compagnies d’assurance commerciales qui supportent difficilement
de voir des couvertures sociales et solidaires assurer des remboursements
équivalents aux leurs pour des prix inférieurs de moitié.
Le bilan et les perspectives se présentent donc en
demi-teinte, j’ajouterais comme toujours. Notre système d’assurance maladie, un
des meilleurs du monde comme on se plaît à le dire, ne peut se maintenir et se
développer sans une vigilance de tous les instants.
Edouard Descampe
Secrétaire général
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