Éditorial (15 septembre 2005)
Pourquoi les médecins manifestent?
L’Association Belge des Syndicats Médicaux (Absym)
appelle les médecins à manifester le 24 septembre contre la politique de
santé du ministre Demotte. Honoraires insuffisants, tracasserie
administrative, étatisation croissante… Selon eux, le rationnement des soins
a commencé. La situation est-elle donc si grave ?
Confronté
à un sérieux déficit en 2004 (plus de 514 millions d’euros) le gouvernement
devait prendre des mesures pour éviter un nouveau dérapage en 2005 au risque
d’entraîner la faillite de la sécurité sociale. Des efforts ont été demandés
dans plusieurs secteurs de soins : médicaments, soins à domicile, dialyse,
revalidation et honoraires des médecins. Ces économies, indispensables pour
l’équilibre de l’assurance maladie, vont-elles conduire au rationnement des
soins ?
Les honoraires des médecins n’ont-ils pas
suivi la croissance économique ?
De 1995 à 2004, la masse totale des honoraires médicaux remboursés par
l’assurance maladie est passée de 3,3 à 5,1 milliards d’euros, soit une
croissance annuelle de 4,7 %. Pendant cette même période, la croissance
économique (inflation comprise) était de 4 %. Globalement, les honoraires
médicaux remboursés (sans les suppléments) ont donc suivi la croissance
économique.
Toutefois, la poursuite de la croissance des dépenses constatée en 2004
aurait entraîné un sérieux dépassement en 2005, malgré un budget en
augmentation de 4,3 %. Pour éviter ce dérapage, le ministre de la santé,
Rudy Demotte, a décidé de geler provisoirement l’indexation des tarifs. Les
médecins contestent cette mesure. Et pourtant, malgré le gel des tarifs, les
honoraires médicaux augmentent encore de 3,3 % en 2005.
Une saine gestion de l’assurance maladie implique la fixation de budgets,
ensuite le suivi des dépenses et d’économies, si nécessaire. Ces budgets ne
peuvent pas être trop limités, mais avec une norme de croissance réelle de
4,5 % par an (hors index) on peut affirmer que le budget de l’assurance
maladie n’est pas rationné, surtout dans le contexte actuel de
ralentissement économique.
La prescription des médicaments sous haute
surveillance, pourquoi ?
La hausse des dépenses de médicaments est la principale cause du déficit.
Est-ce inévitable ? On peut agir sur les prix des médicaments, surtout sur
le prix des anciens médicaments. Mais encore faut-il que ces médicaments
moins chers ou génériques, tout aussi efficaces, soient prescrits par les
médecins.
La consommation et le choix des médicaments relèvent de la responsabilité
des médecins. Si bon nombre d’entre eux ont compris cet enjeu en prescrivant
de manière plus rationnelle des médicaments moins chers, comment amener tous
les médecins à participer à cette maîtrise ?
Rendre la prescription de certains médicaments très compliquée par des
règles administratives n’est sans doute pas la meilleure formule. Parler des
schémas thérapeutiques dans les cercles locaux de médecins ne semble par
porter beaucoup de fruits. Alors le ministre propose de mettre sous
surveillance les médecins dont le profil de prescription s’écarte de manière
sensible de la moyenne. Mais cela provoque de vives réactions chez certains
médecins.
C’est sûr, cette méthode est imparfaite et peut être ressentie comme
rudimentaire. Mais alors que faire ? Face au défi essentiel de la maîtrise
du budget des médicaments, les médecins ont une grande responsabilité. Et
s’ils n’y participent pas, peut-on reprocher à l’État, ou demain aux
assurances privées, de prendre des mesures linéaires ?
Adapter l’organisation des soins est un défi
permanent
L’évolution médicale, les innovations, l’informatisation, la politique
salariale, les nouvelles pathologies… Ces changements constants obligent à
adapter en permanence l’organisation des soins. Sans adaptations
permanentes, l’offre de soins risque d’être en décalage par rapport aux
besoins et ne peut intégrer des modes d’organisation plus efficaces.
Forfaitariser en partie les médicaments en milieu hospitalier, rationaliser
les équipements et les services médicaux lourds, offrir un réseau d’échange
sécurisé des données médicales à l’attention des prestataires ou encore
revoir les tarifs de la nomenclature en fonction de la réalité des coûts
pour entre autres mieux rémunérer les actes intellectuels, ces initiatives,
ces projets sont à situer dans ce souci d’adaptation permanente.
S’opposer à ces projets en adoptant une attitude d’immobilisme ou de défense
des droits acquis risquerait à terme de conduire à des réformes plus
radicales.
La qualité de notre système de soins repose sur le modèle de la
concertation mais dans un cadre budgétaire défini. Ce budget est suffisant
mais des choix doivent toujours être faits. Les médecins sont des acteurs
essentiels pour ces choix. Après la manifestation, on les invite pour une
concertation responsable.
Jean Hermesse
Secrétaire National
Retour à l'index Éditoriaux 2005
|