Éditorial (2005)
Un budget 2006 en demi-teinte
Les finances de l’assurance-maladie se portent mieux : 2005 serait en
équilibre et la fixation du budget 2006 n’a pas nécessité d’importantes
mesures d’économie. Dans ce contexte plus favorable, la négociation avec les
acteurs devrait être chose plus aisée, pourtant ils sont frustrés, certains
même démotivés.
Le
10 octobre le gouvernement a communiqué au conseil général réunissant le
gouvernement, les employeurs, les syndicats et les mutualités le budget 2006
: 18,4 milliards d’euros. Il a surtout aussi réparti ce budget de manière
détaillée entre les différents secteurs de soins : médecins, hôpitaux,
maisons de repos, médicaments, kinés, soins infirmiers… Cette décision met
un point final à une longue procédure commencée en mai. Depuis, les
prestataires de soins et mutualités discutent et évaluent les nouveaux
besoins dans chaque secteur. Toutes ces demandes et estimations ont ensuite
été additionnées et finalement confrontées à la norme de croissance du
budget des soins de santé de 4,5%.
Mutualités et prestataires de soins ont pris leurs
responsabilités
L’addition de tous les besoins conduisait évidemment à un dépassement
important par rapport à la norme de croissance de 4,5%. Des choix devaient
être faits et sous l’impulsion des mutualités chrétiennes et socialistes,
une proposition du budget raisonnable a été soumise au comité de
l’assurance. Et c’est là que les gestionnaires de l’assurance maladie,
mutualités et prestataires de soins ont pris leur responsabilité en
approuvant ce budget réaliste et modéré à une majorité des deux tiers.
Cette proposition équilibrée permettait de répondre aux besoins essentiels
des généralistes, dentistes, pharmaciens, infirmiers. Toutefois, la
couverture des besoins de base tels que l’indexation, le nouvel accord
social, une partie du sous-financement des hôpitaux, le coût des nouvelles
initiatives prises en 2005 et l’augmentation due au vieillissement, ne
laissait en fait qu’une marge de 160 millions d’euros (sur un budget de 18,4
milliards d’euros) pour financer de nouvelles initiatives ou rencontrer de
nouveaux besoins.
Et malgré l’étroitesse de la marge pour les nouveaux besoins un accord a pu
être obtenu aux deux-tiers !
Le gouvernement agit en soufflant le chaud et le
froid.
La tâche du gouvernement n’était pas aisée. Il fallait tout d’abord gagner
le pari du financement du budget de la sécurité sociale et en particulier
des soins de santé dans un contexte économique peu favorable aux recettes en
provenance des cotisations sociales. Et en cas de déficit par manque de
recettes on pouvait craindre le pire. Finalement, le ministre fédéral de la
Santé a obtenu un refinancement de la sécurité sociale grâce à l’affectation
de nouvelles recettes en provenance de l’impôt sur les biens mobiliers.
Gageons que cette nouvelle source de financement soit structurelle offrant
ainsi des perspectives de stabilité financière à long terme à la sécurité
sociale.
Il fallait aussi gagner le pari d’un budget qui ne dépasse pas la norme de
croissance alors que les besoins et attentes sont énormes. Et pour ce faire
le ministre lui-même a changé la procédure en donnant d’abord une chance aux
acteurs eux-mêmes de relever ce défi. Pari réussi ! On peut dès lors
comprendre la frustration et le désappointement des acteurs quand le
gouvernement tout en reconnaissant la valeur de la proposition du comité de
l’assurance impose son budget avec d’autres calculs, d’autres priorités,
d’autres économies.
A trop vouloir diriger, on finit par démotiver et
susciter de l’indifférence
Le budget des soins de santé est l’addition de milliers de prestations
réalisées par des dizaines d’acteurs différents aux intérêts, formations,
attentes différents. Pour qu’ils respectent les tarifs et leurs conditions
d’application, ceux-ci doivent être le fruit d’une négociation, d’un
équilibre entre les possibilités budgétaires, les objectifs de santé
publique et les besoins et les intérêts des acteurs. Mais si les tarifs et
conditions sont imposés, que les nouvelles initiatives sont dictées sans
concertation ni explication claire alors on risque de provoquer la rupture
et l’indifférence. A quoi bon négocier, participer à l’élaboration du
budget, faire des choix, établir des priorités si de toute façon un groupe
de travail interministériel formé d’experts imposera ses priorités et
mesures.
Une attitude trop dirigiste, le manque de confiance dans la responsabilité
des acteurs peuvent avoir des conséquences en termes de sécurité tarifaire.
Quand une marge déjà étroite (entre 100 et 160 millions d’euros) est en plus
entièrement décidée par le gouvernement, à quoi bon conclure des accords de
conventions, tout est écrit à l’avance. Mais sans accord il n’y a pas de
sécurité tarifaire.
Le budget 2006 est suffisant. Son financement est assuré. Bravo! Espérons
que l’affectation de ce budget ne soit pas entièrement dictée par le
gouvernement. Mutualités et prestations sont prêts à prendre leurs
responsabilités. La concertation est le meilleur gage pour obtenir le
respect des tarifs médicaux.
Jean Hermesse
Secrétaire National
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