Éditorial
(17 mars 2005)
L’emploi au centre de la politique de
santé
Alors
que l’assurance maladie et la sécurité sociale sont dans le rouge, le
gouvernement a conclu un accord social représentant pour les travailleurs de
la santé un investissement qui atteindra 470 millions d’euros au bout de 5
ans! C’est le prix à payer pour attirer suffisamment de personnel soignant
et garantir ainsi des soins accessibles et de qualité. Mais il faudra aussi
garantir son financement !
Après
plusieurs jours de grève et quelques manifestations, le gouvernement a
finalement ajouté une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros (pour
atteindre les 470 millions d’euros en 2010), afin de soutenir l’amélioration
des conditions de travail du personnel soignant. Par cet accord, qui doit
encore être ratifié par les employeurs, le gouvernement veut répondre, pour
les 5 prochaines années, aux demandes justifiées des travailleurs de la
santé en matière de charge de travail, d’équilibre entre vie professionnelle
et vie familiale, de rémunération du travail et de pouvoir d’achat après la
fin de la carrière.
Le cinquième accord social depuis 1989
Depuis
1989, c’est le 5ème plan pluriannuel mis au point en faveur du personnel
soignant. Face aux difficultés récurrentes de trouver du personnel qualifié,
chacun de ces plans vise à revaloriser le statut du personnel soignant afin
de le rendre plus attractif.
Les avantages octroyés dans
ces plans successifs ont progressivement amélioré toutes les conditions de
la profession. Au niveau financier, outre des augmentations générales
linéaires de tous les salaires, les prestations irrégulières (week-end et
nuit) ont été valorisées, le pécule de vacances et la prime de fin d’année
ont été augmentés. Les barèmes d’application dans les maisons de repos et
pour les soins infirmiers à domicile ont été harmonisés au niveau des
hôpitaux. Plusieurs milliers d’emplois supplémentaires ont été créés de
manière à réduire la charge de travail et à répondre aux besoins nouveaux.
Et le dernier accord prévoit encore la création de plus de 7.000 emplois
supplémentaires. Afin d’éviter des départs trop rapides du personnel
infirmier et soignant, le temps de travail a été progressivement diminué à
partir de 55 ans, puis à 50 ans et enfin à 45 ans, l’objectif étant de
maintenir les personnes plus longtemps au travail. Les possibilités de
formation ont également été étendues. Enfin, le dernier avantage obtenu est
celui de la création d’un fonds sectoriel pour l’octroi d’une pension
complémentaire (2ème pilier).
L’évolution des besoins et
les créations d’emploi, les réductions du temps de travail et les embauches
compensatoires ont fait que l’emploi global dans le secteur de soins de
santé a augmenté de plus de 50% en 20 ans, dépassant les 300.000 personnes
et représentant près de 7 % de la population active.
Les ressources humaines sont
au cœur des soins de santé. Les gains de productivité y sont minimes : toute
réduction du temps de travail ne peut pas être compensée en “accélérant” les
soins pour soigner plus de patients à l’heure.
Après ce cinquième accord
social, applicable jusqu’en 2010, nous en connaîtrons certainement d’autres
impliquant de nouvelles valorisations financières et plus d’emplois. D’après
le bureau du plan 90.000 jobs supplémentaires seront nécessaires d’ici 2009
en raison du vieillissement de la population et des exigences de qualité.
Et, si la société ne reconnaît pas la nécessité d’améliorer les conditions
de travail dans le secteur des soins, parallèlement à celles des autres
travailleurs, nous risquons d’avoir trop peu de personnel soignant et
infirmier à l’avenir. La pénurie réduira l’accès aux soins et entraînera une
surenchère salariale ou extra-salariale entre hôpitaux et entre maisons de
repos en vue d’attirer un personnel raréfié. Cette surenchère, c’est
finalement le patient qui en fera les frais, obligé de payer des suppléments
nécessaires au financement de ces “meilleures” conditions. Cette perspective
est déjà, en partie, devenue réalité dans le secteur des maisons de repos.
Le prix d’hébergement plus élevé demandé dans certaines maisons de repos
permet en effet de financer un meilleur encadrement du personnel soignant
qualifié et d’offrir des soins de meilleure qualité.
Investir dans la gestion des ressources humaines est capital
La
reconnaissance du personnel soignant et infirmier par la société est donc
essentielle pour maintenir l’accès à des soins de qualité pour tous. La
gestion des ressources humaines est un enjeu capital pour l’avenir des soins
de santé.
Cela nécessite une attention
permanente sur plusieurs aspects.
Vu les besoins croissants, il
faut tout d’abord attirer suffisamment de jeunes et adapter constamment les
études aux nouveaux métiers. Ensuite, au sein des hôpitaux, il faut de
nouvelles formes d’organisation et de coordination du travail suite à la
multiplicité des statuts, des possibilités d’aménagement du temps de travail
et des fins de carrière. Enfin, les nouveaux avantages acquis pour les
travailleurs de la santé au niveau fédéral vont certainement susciter des
revendications dans les secteurs sociaux des communautés et des régions. In
fine, ce sera tout le non-marchand qui devra être refinancé.
La norme de croissance de 4,5
% par an pour le budget des soins de santé sera-t-elle suffisante pour
financer les améliorations salariales ? Il faudra en tous les cas évaluer en
permanence le coût réel par rapport aux projections initiales.
Des soins de qualité
nécessitent du personnel soignant qualifié, motivé et en nombre suffisant.
La gestion des ressources humaines est donc essentielle pour la politique de
santé et nécessitera en permanence de nouveaux moyens.
Jean Hermesse
Secrétaire National
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