Éditorial
(4 mars 2004)
Il faut arrêter
le grand marché européen de la santé
Afin d’accroître la concurrence dans le domaine des
services, la Commission européenne a déposé une proposition de directive
visant à supprimer toutes les restrictions nationales, y compris dans les
soins de santé ! Les conséquences sur notre système de santé pourraient être
catastrophiques.
Sous
le couvert de vouloir "réduire la paperasserie qui étouffe la
compétitivité", la Commission européenne veut supprimer toutes les
restrictions nationales qui limitent la concurrence dans le domaine des
services. Ainsi, selon la Commission, grâce à cette plus grande concurrence,
les choix seront élargis, la qualité sera améliorée, les prix baisseront,
l'innovation sera encouragée et des emplois seront créés ! Bref, accroître
la compétition serait la solution à tous nos maux et nous conduirait vers le
meilleur des mondes.
La Commission
européenne propose de supprimer toutes les restrictions nationales pour les
entreprises de services
La proposition de directive couvre un large éventail
d'activités de services, telles que la distribution, la construction, les
agences de voyage, la publicité, les services de sécurité et... les
services de santé. Elle vise à éliminer des obstacles superflus qui
empêchent ou découragent des entreprises à s'établir sur le territoire
d'autres pays. Des exigences telles que la nationalité des dirigeants, le
lieu du siège principal, une documentation excessive, un nombre maximum
d'entreprises, ... devront être supprimées.
Par ailleurs, la directive proposée sise surtout à
mettre en pratique le principe selon lequel une entreprise qui opère dans un
Etat membre peut vendre ses services dans les autres États membres sans
devoir se conformer aux règles de ces autres États. Cette directive repose
sur la confiance entre États membres : on suppose que les entreprises
établies ailleurs sont adéquatement supervisées dans leur pays d'origine
et qu' il n'y
aurait plus lieu de les soumettre aux règlements nationaux.
Cette proposition de directive sera soumise pour
adoption au Parlement européen et au Conseil des Ministres de l'Union
européenne lors du sommet de printemps, les 23 et 24 mars 2004.
Notre système social
de santé risque d'être complètement déstabilisé
La Commission européenne propose que cette directive
soit d'application telle quelle, sans réserve ni exception au domaine des
services de la santé. Or, le secteur des soins de santé présente des
caractéristiques spécifiques qui le distingue de manière fondamentale de
toutes les autres activités économiques.
Les conséquences sur l'équilibre social de notre
système de soins pourraient être incalculables. A titre illustratif, voici
trois exemples.
- La convention médico-mutuelliste imposant le
respect des tarifs moyennant certains avantages pourrait être considérée
comme une exigence décourageant l'installation de prestataires étrangers
et donc être déclarée illégale. Si tel était le cas, les prix seraient
libres et il n'y aurait plus de sécurité tarifaire pour les patients.
- Tout prestataire étranger pourrait exercer dans un
autre Etat membre sans respecter les normes de qualité des soins
aujourd'hui en vigueur. Comment alors encore justifier que nos règles
strictes de qualité s'appliquent uniquement pour les prestataires belges ?
La confiance des patients risque ainsi d'être ébranlée.
- Enfin, pouvons-nous encore planifier l'offre de
soins en définissant le nombre de pharmacies, de laboratoires, de lits
d'hôpitaux dans la mesure où ces limitations constituent une entrave à
l'établissement des entreprises étrangères ? Comment dans ces conditions
encore conduire une politique de santé combinant accès, qualité et
maîtrise financière ?
Les services de santé doivent être exclus du
champ de la concurrence
Introduire plus de compétition dans le marché des soins de santé n'est
pas nécessairement bénéfique pour l'équilibre du système de soins. Au
contraire, les coûts vont augmenter, l'accès aux soins risque de se dualiser
et la qualité ne sera plus assurée. Il faut dès lors, exclure les services
de santé de cette proposition de directive. D'ailleurs, la commission
européenne, elle-même appuyée par le Parlement européen, dans le livre vert
sur les services d'intérêt général, a proposé d'exclure les services de la
santé publique du champ d'application des règles de la concurrence. Ces
services constituent un pilier de la cohésion sociale dans l'ensemble de
l'Union. C'est aussi la même Commission qui exclut les professions médicales
lorsqu'elle propose de supprimer les restrictions de concurrence non
justifiées dans le secteur des professions libérales. La Commission
européenne n'est donc pas très cohérente, elle souffle le chaud et le froid
dans le domaine des soins de santé.
La proposition de directive de Monsieur Bolkestein, Commissaire européen
en charge du marché intérieur, est unilatérale. Il veut lever toutes les
barrières pour permettre aux entreprises de services de s'établir dans tout
Etat membre ou pouvoir vendre ailleurs sans exigence autre que celle du pays
d'implantation. Son ambition est claire. Pour lui, ce serait l'impulsion la
plus forte donnée au marché intérieur depuis sa création en 1993. Appliquée
aux services de santé, cette directive pourrait déséquilibrer tout notre
système social de santé. Les services de santé doivent être exclus du champ
d'application de ce projet de directive européenne.
Les services de santé ne peuvent être comparés aux autres activités
économiques. Accroître la compétitivité européenne dans ce secteur risque en
fait de déséquilibrer tous les systèmes de soins de santé. C'est pourquoi,
nous demandons au gouvernement belge de défendre notre modèle social en
exigeant que les services de santé soient exclus du projet de la Commission
européenne visant à accroître la concurrence dans le domaine des services.
C'est un choix fondamental et urgent !
Jean
Hermesse
Secrétaire
National
Pour lire le texte complet du projet de directive :
cliquez ci-dessous http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/fr/services/services/index.htm
Pour les questions Europe et assurance-maladie :
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