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Éditorial (16 janvier 2003)

 

Médicaments :

 

le marché prime sur la santé !

 

Année après année, chaque gouvernement, chaque ministre de la santé prend de nouvelles mesures pour maîtriser les dépenses pharmaceutiques. Et, à chaque fois, le patient paye un peu plus de sa poche. 2003 ne faillit pas à la règle. Comment expliquer cette dérive apparemment incontrôlable ?

 

Les dépenses en médicaments ont dépassé 5 milliards d’euros en 2002. La moitié de ces dépenses est remboursée par l’assurance maladie obligatoire, l’autre moitié est à charge des patients sous forme de tickets modérateurs ou de médicaments non remboursés. Dans le budget des soins de santé, les médicaments représentent 17,5 % et la pression est constante pour augmenter encore cette part. Le coût des nouveaux médicaments, l’extension des indications, les incitants publicitaires entretiennent cette pression à la hausse et les gestionnaires de l’assurance maladie ont toutes les peines du monde à contenir les dépenses pharmaceutiques dans des budgets raisonnables.

 

Les médicaments de plus en plus chers

 

Une mesure facile et classique pour rester à l’intérieur des budgets consiste à transférer une partie du coût des médicaments sur le dos des patients. Le Ministre Vandenbroucke a ainsi décidé au 1er janvier 2003 de réduire encore le remboursement de référence ( - 26 %), de faire glisser certains médicaments vers la catégorie C (moindre remboursement), d’augmenter le ticket modérateur pour les grandes boîtes et de reclasser plusieurs médicaments. Coût total supplémentaire à charge des patients : + 75 millions d’euros.

Pour le Ministre, ce coût supplémentaire pour les patients se justifie afin de dégager des moyens pour rembourser de nouveaux médicaments. Ce sont donc les contributions des patients qui paient les innovations.

 

De plus, grâce au Maf (Maximum à facturer), le Ministre explique que l’impact sur le portefeuille des patients est atténué. Au départ, une mesure de progrès social (meilleur remboursement), le Maf devient ainsi un instrument, un mécanisme permettant le transfert de charges vers les patients ou encore de plus “responsabiliser” le patient.

 

La logique commerciale
de l’industrie est incompatible avec un budget social

 

Mais pourquoi tant d’acharnement sur le secteur pharmaceutique ? C’est que les intérêts commerciaux sont gigantesques. Pour satisfaire les actionnaires des grands groupes pharmaceutiques, il faut une croissance des ventes à deux chiffres. Or, les budgets sociaux des systèmes nationaux de santé croissent beaucoup moins vite. Les budgets sociaux ne pourront jamais croître au rythme des appétits commerciaux des firmes pharmaceutiques. Les gouvernements ne peuvent pas se permettre de laisser exploser les budgets sociaux. Alors, soit on arrive à un certain contrôle de l’industrie, soit les systèmes de santé sont déstabilisés.

Car, si on laisse faire les marchés pharmaceutiques, il sera difficile de dégager des marges pour mieux rémunérer les actes intellectuels de médecins, refinancer les hôpitaux et maisons de repos, revaloriser les salaires du personnel soignant. Car si on laisse faire les marchés pharmaceutiques, les patients paieront de plus en plus de leur poche et la médecine à plusieurs vitesses se développera un peu plus.

 

Les techniques de vente priment sur la promotion de la santé

 

Pour atteindre une profitabilité maximale, les firmes pharmaceutiques sont obligées de doper leurs ventes. Toutes les techniques de marketing sont utilisées et avec succès ! Ainsi aux Etats-Unis, les firmes pharmaceutiques ont dépensé en marketing, publicité et frais d’administration deux fois et demie ce qu’elles ont dépensé en recherche et développement (R&D). Les profits aussi ont dépassé de 60 % les dépenses en R&D. En Belgique, plus de 3.000 délégués médicaux, représentants des firmes sillonnent les routes tous les jours.

Pour augmenter les marchés, les firmes n’hésitent pas à créer des maladies. Le très célèbre BMJ (British Medical Journal) dénonçait ainsi la firme Pfizer de créer une nouvelle maladie : le disfonctionnement sexuel féminin. Toute nouvelle maladie reconnue est, en effet, un nouveau marché potentiel. En réduisant la normalité, les plaintes d’une personne saine deviennent ainsi des affections d’une personne malade.

Sachant que les politiciens sont très sensibles aux groupes d’aide de patients, certaines firmes n’hésitent pas à les sponsoriser. Ces groupes d’aide de patients deviennent sournoisement des agences de publicité pour l’industrie médicale.

 

Maintenir une logique de santé publique

 

Il est vital de replacer le médicament dans une logique de santé publique, au service des citoyens, en privilégiant l’indépendance et la transparence à tous les niveaux. Il faut obtenir la transparence sur les coûts au niveau international. L’information auprès du public et des professionnels de santé doit être subsidiée de manière indépendante.

Lorsqu’on sait que le coût de recherche d’une nouvelle molécule atteint 500 millions de dollars, on peut se demander si cela est encore bien raisonnable. N’y a-t-il pas d’autres besoins plus essentiels et non satisfaits ?

Ne faut-il pas imposer un code international de déontologie aux firmes sur les moyens et les frais de publicité ? Enfin, au vu du coût exorbitant des médicaments innovants (plus de 25.000 Euros pour un traitement de certains cancers du sein) ne faut-il pas imposer un système de conventionnement aux firmes ? Par cette convention, on peut beaucoup mieux cibler l’utilisation de ces médicaments très coûteux comme pour l’appareillage ou les services médicaux lourds.

 

La logique commerciale du secteur pharmaceutique risque de déstabiliser les systèmes de santé européens. L’enjeu est crucial, celui du maintien d’une médecine orientée vers la santé publique accessible à tous. Il nécessitera une mobilisation internationale de tous les acteurs : assureurs sociaux, professionnels de la santé, ONG, … La Mutualité Chrétienne participe à cette mobilisation.

Jean Hermesse

Secrétaire National