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Ediorial (19 juin 2003)

Le Maf (le "maximum à facturer") mérite un large débat public

La croissance, les finances publiques sont en panne, mais les dépenses en soins de santé continuent d’augmenter. Dès lors, on annonce de sérieuses réformes aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. Et chez nous ? Pas d’annonce de grande réforme, pas de grande déclaration et pourtant avec le Maf (Maximum à facturer), notre système d’assurance maladie est en train de changer profondément.

En panne de croissance, de nombreux pays européens sont confrontés à un déficit des finances publiques, à des recettes moindres pour la sécurité sociale. La hausse continue des coûts des soins de santé n’arrange évidemment pas les choses. Des mesures s’imposent donc pour retrouver l’équilibre. Comme on ne veut pas toucher aux revenus des personnes en levant de nouvelles cotisations, ni augmenter le coût du travail pour préserver la compétitivité des entreprises, les mesures visent principalement à réduire les coûts des systèmes de protection sociale.

 

Les grandes réformes touchent en premier lieu les patients

 

Pour diminuer rapidement les coûts à charge de l’assurance maladie obligatoire, la recette est simple et classique : on rembourse moins et les patients paient plus. Aux Pays-Bas, on annonce un tout nouveau système d’assurance maladie d’ici 2004 impliquant plus de concurrence entre les mutualités, entre les hôpitaux, entre les prestataires de soins. De plus, les patients seront plus responsabilisés puisque la quote-part personnelle sera augmentée. Toutefois, on indique que les soins doivent rester accessibles aux plus démunis.

En Allemagne et en France, de nombreux médicaments ne seront plus remboursés que partiellement, voire plus du tout. En Allemagne, on encouragerait aussi l’échelonnement des soins en remboursant moins lorsque le patient s’adresse directement au spécialiste. En France, certains proposent de sortir les soins dentaires, l’optique et les prothèses auditives du champ de la sécurité sociale et d’assurer ces soins par des assurances privées.

 

Et en Belgique, il y a le Maf

 

Chez nous, il n’y a pas de grande réforme annoncée. Au contraire, tout le monde semble d’accord pour dire que le financement des soins de santé est prioritaire et on reconnaît la nécessite de prévoir des moyens suffisants. Entre-temps, les réformes lancées par le Ministre Vandenbroucke entrent petit à petit en application et on commence à en sentir les effets et à en mesurer toutes les conséquences.

Ainsi, la principale réforme mise en place par le Ministre est celle du Maf (Maximum à facturer). Par le Maf, tous les tickets modérateurs qui dépassent un certain plafond par ménage sont remboursés par l’assurance maladie obligatoire. Ce plafond est cependant modulé selon les revenus.

 

Si le revenu imposable annuel du ménage est faible (moins de 13.900 EUR) ou modeste (moins de 21.500 EUR), les plafonds au-delà desquels tous les tickets modérateurs sont remboursés dans l’année sont respectivement de 450 EUR et 650 EUR. En Belgique 2,7 millions de ménages ont un revenu faible ou modeste. En 2002, 10% de ces ménages ont reçu un remboursement complémentaire via le Maf, pour un montant de plus ou moins 99 millions d’euros.

 

Pour les ménages dont les revenus imposables sont plus élevés, soit 1,8 million de ménages, les plafonds sont aussi plus élevés (de 1.000 EUR à 2.500 EUR) et les remboursements se font 2 ans plus tard via le fisc. Le Maf introduit donc clairement une sélectivité de remboursement de l’assurance maladie obligatoire selon les revenus. Le coût à charge des patients est donc plus grand lorsque le revenu est plus élevé. Pour bénéficier de la même couverture que les personnes à revenu faible ou modeste, les ménages dont les revenus sont plus élevés doivent prendre une assurance complémentaire.

 

Nous entrons ainsi lentement, sans fanfare ni trompette, dans un tout autre modèle d’assurance, celui de l’assistance sociale où les prestations dépendent de la hauteur du revenu, après enquête si nécessaire.

 

La réforme du Maf nécessite un large débat public et un consensus

 

La réforme du Maf est donc vraiment une réforme sérieuse qui risque de bouleverser profondément notre système d’assurance maladie obligatoire. Le Maf introduit la sélectivité des remboursements selon les revenus, mine à terme la solidarité entre les classes socio-économiques, incite au développement des assurances privées. Le Maf permet aussi d’augmenter le coût à charge des patients puisqu’il met en place un filet de sauvetage pour les plus démunis. Il contient en lui les germes d’une plus grande dualisation de la médecine.

Avant d’étendre encore plus le Maf, les enjeux doivent être clairement posés. La population belge opte-t-elle pour un système d’assurance maladie sélectif conduisant les personnes à revenu élevé à payer des primes nominales élevées pour des assurances privées ou préfère-t-elle défendre un système d’assurance maladie obligatoire impliquant une couverture identique pour tous sur base de cotisations solidaires proportionnelles aux revenus ? Cette question n’a pas été posée clairement. L’avis de la population sur ce projet collectif, sur ce choix de société n’a pas été demandé.

 

Le Maf est une réforme qui risque de nous mener lentement vers un tout autre modèle d’assurance, celui de l’assistance sociale. Avant de l’étendre, nous demandons qu’il fasse l’objet d’un large débat public et d’un consensus.

 

Jean Hermesse

Secrétaire National