Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Éditorial (4 décembre 2003)

 

L’hôpital public est-il “plus social”

que l’hôpital privé?

 

Afin d’apurer le déficit cumulé des hôpitaux publics, la région wallonne a accordé aux communes un prêt de 143,8 millions d’Euros. Aider financièrement les seuls hôpitaux publics, alors que tous les hôpitaux connaissent des difficultés financières, est-ce bien la méthode la plus juste et la plus équitable ?

 

C’est un fait, et nous l’avons dénoncé à maintes reprises, les budgets des soins de santé réservés aux hôpitaux sont insuffisants. Une récente enquête menée par la Santé Publique indique une perte d’exploitation de 110 millions d’euros en 2001 pour tous les hôpitaux aigus et la situation s’est encore détériorée en 2002. Derrière ce déficit global se cachent cependant des situations très différentes d’un hôpital à l’autre. Ainsi, les trois-quart de ce déficit se situe dans les hôpitaux publics alors qu’ils représentent un tiers des lits.

 

La réalité privé-public du paysage hospitalier

 

En 20 ans, le paysage hospitalier s’est fondamentalement transformé. La restructuration du secteur hospitalier, commencée au début des années 80, a entraîné une réduction importante du nombre de lits ainsi que du nombre des hôpitaux. Par absorption, fusion ou fermeture de sites, on est passé de 300 hôpitaux à 116 hôpitaux généraux.

En 2001, les hôpitaux publics ont soigné 36 % des patients hospitalisés en Belgique et les hôpitaux privés, dont la grande majorité sont des hôpitaux associatifs sans but lucratif, ont soigné 64 % des patients. Cette proportion est différente d’une région à l’autre. En Flandre et à Bruxelles, les hôpitaux publics représentent 30 % du total des admissions, en Wallonie 48 %.

Premier constat : suite à la restructuration du paysage hospitalier, il n’y a plus d’hôpital public présent dans toutes les zones hospitalières.

 

Dans de nombreuses régions, l’hôpital de référence pour toute la population locale est l’hôpital privé, c’est-à-dire en général un hôpital associatif sans but lucratif.

Selon certains, les hôpitaux publics de par leur mission sociale accueillent et soignent plus de patients démunis, ce qui expliquerait en grande partie leur déficit. Cette affirmation n’est cependant pas confirmée par les chiffres. Ainsi, près de 62 % des patients hospitalisés appartenant aux catégories socio-économiques faibles (appartenant à la catégorie “franchise sociale”) sont admis dans les hôpitaux privés et 38 % dans les hôpitaux publics.

 

Plus nombreux en Wallonie, en raison de la situation économique moins favorable, ces patients plus fragiles se répartissent autant entre hôpitaux publics et privés.

 

Second constat : les hôpitaux privés accueillent et soignent autant les patients appartenant à des classes sociales faibles.

 

Si un hôpital public ou privé a beaucoup de patients démunis, c’est d’abord parce que la région elle-même est plus pauvre. Ainsi le Centre Hospitalier Hornu-Frameries (hôpital associatif) a plus de 40 % de ses patients appartenant à cette catégorie sociale faible.

 

Comment expliquer le déficit plus important des hôpitaux publics ?

 

L’argument souvent évoqué pour expliquer, justifier le déficit plus important des hôpitaux publics serait le caractère “plus social” de l’hôpital public. Les chiffres d’admission indiquent cependant que les hôpitaux privés aussi accueillent autant de patients démunis. Par ailleurs, un budget complémentaire de 17,2 millions d’euros a été réservé aux hôpitaux (publics ou privés) qui soignent un nombre important de patients démunis.

On pourrait croire que le déficit des hôpitaux publics serait dû à un prix de journée moindre. Les règles de financement sont cependant les mêmes pour tous les hôpitaux. C’est la lourdeur de la pathologie et les activités qui déterminent le budget des moyens financiers de l’hôpital. Et lorsqu’on compare les prix de journée au 1er janvier 2003, hors hôpitaux universitaires, on constate que le prix de journée moyen des hôpitaux publics est même légèrement supérieur à celui des hôpitaux privés.

Par contre, force est de constater que globalement les résultats financiers des hôpitaux publics dans tous les services, pharmacies, consultations, médico-techniques ou hospitalisations sont moins bons. On constate aussi des différences de résultat importantes entre hôpitaux publics.

Les hôpitaux publics ont sans doute plus de contraintes administratives mais cela n’explique pas la hauteur de certains déficits, plutôt imputables à des problèmes de gestion.

 

Dans ces conditions, on peut se demander s’il est opportun que les régions wallonnes et bruxelloises réservent des moyens publics, financés par tous les contribuables pour couvrir les déficits cumulés de certains hôpitaux publics.

 

Couvrir le déficit des hôpitaux publics : une vraie priorité sociale ?

 

Là où le seul hôpital de référence est privé associatif, il est bien sûr accessible à toute la population locale. Parce que le statut est non-public, aucune aide financière ne sera accordée alors que cet hôpital accueille et soigne tout autant les patients démunis. Mais surtout n’est-ce pas remplir un tonneau sans fond ? N’y a-t-il pas d’autres priorités sociales plus essentielles que le déficit de gestion de certains hôpitaux publics, telles que le logement, la mobilité ou l’enseignement ? L’emprunt de la région wallonne aurait aussi pu servir à financer la nécessaire modernisation du parc hospitalier wallon dont l’état de vétusté devient inquiétant pour le maintien de la qualité des soins.

Plus fondamentalement, le sous-financement du secteur hospitalier est réel et conduit tous les hôpitaux à se tourner vers les patients pour trouver de nouvelles recettes. Selon le type de “clientèle”, plus riche, mieux assurée, on peut trouver plus de “recettes” mais lorsque la région connaît des difficultés économiques, faire payer plus les patients augmente surtout le contentieux avec les patients. On assiste ainsi à une certaine stratification sociale des hôpitaux et, par cette privatisation larvée, au développement d’une médecine à plusieurs vitesses. Cette évolution est un fameux défi pour notre système de soins de santé et tous les hôpitaux qu’ils soient publics ou privés, y seront confrontés.

 

Hôpitaux publics et hôpitaux privés accueillent toutes les catégories de la population. Ils font face aux mêmes difficultés financières. Aussi réserver certaines aides publiques, comme l’a fait la région wallonne, aux seuls hôpitaux publics, n’est ni juste, ni efficace. Cela risque même d’accentuer le développement d’une médecine à plusieurs vitesses.

 

Jean Hermesse

Secrétaire National