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Éditorial (19 septembre 2002)

 

La santé doit rester un bien collectif

 

La santé, les soins de santé sont-ils des biens comme les autres ? Peut-on laisser fluctuer les prix, les ventes, les achats selon la loi du marché, selon les goûts des consommateurs ? Ne faut-il pas libérer le marché de la santé de toute contrainte réglementaire ?

 

Libéraliser, privatiser tel semble bien être le credo et le sens de la “construction” Europe. On nous dit que le grand marché européen va permettre à nos entreprises de concurrencer valablement les autres continents. Des entreprises plus performantes soutiendront la croissance, l’emploi et finalement un plus grand bien-être social.

Mais, en attendant l’arrivée de tous ces “fruits”, il faut lever les barrières qui entravent la concurrence, transformer les services dits collectifs en marchés privés, les télécom, la poste, les chemins de fer, l’eau, le gaz, l’électricité… et pourquoi pas la santé ?

 

Les soins de santé, une charge socialement insupportable ?

C’est la même chanson dans de nombreux pays européens : la hausse des dépenses en soins de santé est intenable pour les finances publiques. Augmenter les recettes de la sécurité sociale constituerait une charge sociale supplémentaire handicapant la compétitivité des entreprises.

Pour faire face aux déficits, il faut réduire les dépenses en soins de santé à charge de l’assurance maladie obligatoire. Et l’économie la plus sûre est de diminuer le remboursement et transférer le coût à charge des patients. En France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, on introduit des tickets modérateurs, on rembourse moins, ou plus du tout, certains médicaments, on supprime des prestations non “ essentielles ”, des suppléments apparaissent légalement ou en noir quand la pression de la liste d’attente est trop forte.

Face à ces nouveaux risques financiers, les patients cherchent “naturellement” à s’assurer. Conscients de ces conséquences, les gouvernements facilitent dans le même temps le recours aux assurances privées par des déductions fiscales ou l’encouragement des assurances groupe à charge des employeurs.

Ainsi, la boucle est bouclée, libéraliser le marché des assurances santé s’impose suite au recul “inéluctable” (organisé) de la protection sociale.

 

Privatiser, responsabiliser, est-ce vraiment plus efficace ?

Mais le recul de la protection sociale est-il inéluctable ? Comme si c’était un phénomène surnaturel, fatal, à subir. C’est évidemment une vue de l’esprit, un déficit n’est qu’un exercice comptable entre des recettes et des dépenses. Si on décide d’affecter une partie des recettes à d’autres objectifs tels que la réforme fiscale ou encore pour réduire les charges sociales afin de relancer l’emploi, il ne faut pas s’étonner que les recettes manquent, qu’il y a un déficit.

Et puis, qu’est-ce qu’un niveau de dépenses de soins intenable pour une économie ? Aux États-Unis où plus de 50 % du marché des assurances santé est privé, plus de 13 % du PNB est alloué aux dépenses en soins de santé, bien plus que la moyenne européenne. Et pourtant, on nous dit que l’économie américaine est performante. Malgré cette dépense élevée, l’espérance de vie est plus faible aux États-Unis qu’en Europe. Le marché libéral semble produire moins de santé.

Selon la théorie libérale, faire payer le patient aurait la vertu de le responsabiliser. On s’attaquerait ainsi à une des grandes causes de la hausse des dépenses : la surconsommation. Rappelons que le principal consommateur de soins est celui qui prescrit les soins, le médecin. Les firmes pharmaceutiques et de matériel médical l’ont bien compris. Leur politique de marketing et de publicité est d’abord orientée vers les médecins. Enfin, on sait que les plus démunis sont en moins bonne santé, les faire payer plus pour réduire la consommation risque d’avoir des effets contraires, le report de soins de première ligne entraînera des coûts plus élevés à terme.

Enfin, la plus grand efficacité des assurances privées n’a pas été démontrée à ce jour. Les frais d’administration, de publicité, la marge bénéficiaire dépassent 30 % des primes encaissées ! Il n’y a pas de mécanisme de maîtrise des dépenses, si ce n’est en éliminant les mauvais risques.

 

Les soins de santé ne relèvent pas du marché privé

Les soins de santé ne sont pas un bien, un service comme les autres. Les consommateurs, les patients, sont en état de fragilité, ils ne maîtrisent pas l’information médicale. On ne négocie pas les prix des soins quand on est malade. L’intervention d’un tiers est indispensable pour fixer et faire respecter des tarifs, amener des informations objectives et neutres sur la réalité des innovations, des nouveaux médicaments, évaluer l’efficacité des pratiques médicales.

Si l’intérêt principal de ce tiers n’est pas le lucre, mais le maintien de soins de qualité accessibles à tous, alors la confiance, condition essentielle d’une bonne médecine, dans le système de soins sera présente. C’est la raison d’être des assureurs sociaux, les mutualités.

Dans les pays, tels les pays nordiques, où la santé est restée dans le domaine collectif, les coûts des soins n’ont pas explosé, les soins sont accessibles à tous, la part des médicaments est restée raisonnable et l’espérance de vie est parmi la plus élevée au monde. Les soins de santé doivent être exclus de l’accord général sur les contrats de service (AGCS).

 

Retenons les leçons de l’histoire : au plus la santé, les soins sont traités comme un bien, un service collectif, au plus chacun sera en meilleure santé.

Jean Hermesse

Secrétaire National