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Éditorial  (7 février 2002)

La kiné dans la tourmente des économies

 Le plan d’économies de 1,8 milliard de francs imposé par le Ministre Vandenbroucke jette le désarroi parmi les kinés et les patients.

Les réactions vont dans tous les sens : déconventionnement, pétition, proposition de rendre les tickets modérateurs obligatoires, menaces … Le changement proposé par le Ministre, bien qu’il soit plein de bonnes intentions, risque de nous conduire, lentement, sur le chemin d’une médecine à plusieurs vitesses.

 

En fixant le budget 2002 pour les soins de santé, en octobre 2001, le gouvernement avait annoncé un ensemble de mesures d’économies pour 471 millions d’euros (19 milliards BEF). Parmi celles-ci figurait une réforme en profondeur de la kinésithérapie pour un montant de 44,6 millions d’euros (1,8 milliard de francs), soit une réduction de 10,3 % du budget global de la kinésithérapie ! Confrontés à cette réduction drastique, les kinés estiment impossible de formuler des propositions valables dans l’urgence. Qu’à cela ne tienne ! Le Ministre a déjà tout pensé. Il veut imposer sa réforme. Et, bien sûr, le conflit s’envenime.

 

L’origine des problèmes : un budget insuffisant

Combien de fois faudra-t-il le répéter ? Lorsque le budget des soins de santé est insuffisant les patients finissent toujours par payer. Pourtant le Ministre répète à l’envi qu’il a réussi à augmenter le budget des soins de santé de 2,008 milliards d’euros (81 milliards BEF) en deux ans. C’est vrai. Mais il oublie d’ajouter que ses nouvelles initiatives, très louables par ailleurs (Màf, accords sociaux, malades chroniques, nouveaux médicaments) ont absorbé une grande partie de cette augmentation, laissant peu ou pas de place à d’autres besoins. Il a en quelque sorte réservé une bonne partie des nouveaux moyens pour sa politique.

Or, le secteur de la kinésithérapie, représentant à peine 2,7 % du budget global, n’est pas le plus mauvais élève des soins de santé : une croissance faible, pas ou peu de dépassement budgétaire. Alors, pourquoi un tel acharnement? Y aurait-il là plus d’abus ? Plus de surconsommation ? Les salaires des kinésithérapeutes seraient-ils trop élevés ? Ou, tout simplement, sans oser l’avouer publiquement, le gouvernement et le Ministre considèrent-ils la kinésithérapie moins essentielle que d’autres soins ?

 

Les économies déboussolent les kinés, les patients, le système de l’assurance

Sommés par le Ministre de formuler des propositions d’économie, les kinésithérapeutes ont estimé qu’une révision fondamentale de la nomenclature était impossible en un temps aussi court. On ne peut pas, dans l’urgence, en même temps améliorer la qualité et subir une telle économie. Résultat : la convention a été dénoncée par les kinésithérapeutes. Depuis le 1er janvier, il n’y a plus de sécurité tarifaire pour les patients.

Entre-temps, le Ministre a préparé son plan d’économies avec une toute nouvelle nomenclature. Les plus grands changements sont la limitation du nombre maximal de séances à 18 par an par patient au lieu de 60, sauf pour les pathologies lourdes et une liste d’exceptions encore à définir, des durées minimales (au lieu de moyennes) exprimées en minutes pour les différents types de séance, des obligations administratives plus contraignantes (rapport, bilan, dossier). Par ces modifications, de nombreux patients craignent de ne plus être remboursés. Une pétition a été remise au Ministre. De plus, la complexité de cette nouvelle nomenclature nécessiteront à leur tour des procédures de contrôles considérablement alourdies et … peu réalistes.

 

Acculés par la détermination du Ministre, les kinésithérapeutes ont réagi en proposant de responsabiliser davantage le patient, c’est-à-dire de le faire payer davantage en rendant le ticket modérateur obligatoire. Ils espèrent ainsi décourager certaines pratiques de kinésithérapie “gratuites” pour le patient et dont l’utilité est discutable. Il est vrai que le Ministre a montré l’exemple en décidant de supprimer les ristournes en pharmacie et donc, en fait, de rendre obligatoires les tickets modérateurs pour les médicaments. Mais rendre le ticket modérateur obligatoire, risque de mettre toute l’organisation de l’accès aux soins en cause.

 

La responsabilisation du patient conduit à une médecine à plusieurs vitesses

Responsabiliser le patient, le faire payer plus, rendre le ticket modérateur obligatoire n’ont jamais empêché la croissance des dépenses. En France et aux Etats-Unis, la dépense totale en soins de santé est élevée malgré le fait que les patients doivent payer beaucoup de leur poche. Faire payer le patient revient à transférer tout simplement une partie des coûts des soins sur le dos des patients. Et après, c’est la loi de la débrouille.

Celui qui travaille dans une entreprise riche (banque, assurance, pétrole, télécoms, …) aura une assurance groupe payée par l’employeur (et encouragée fiscalement par l’Etat) ; celui qui est riche et en bonne santé pourra se payer lui-même une assurance complémentaire ; celui qui est dans la classe de revenus faibles, aura, peut-être, ses tickets modérateurs remboursés dans le cadre du Màf après avoir atteint le plafond de 446 Euros (18.000 BEF) de tickets modérateurs (1) ; celui qui n’est ni travailleur dans une grosse entreprise, ni riche, ni pauvre, …. se débrouillera.

S’il y a des abus dans le chef de certains prestataires, il faut les dénoncer, les mettre en évidence par les profils et prévoir des sanctions efficaces. On ne peut pas sanctionner tous les patients parce que quelques prestataires trichent.

Enfin, soyons de bon compte. Les prestataires qui exigent qu’on ne peut plus diminuer le tarif vers le bas (en rendant le ticket modérateur obligatoire) doivent aussi accepter qu’on ne puisse plus augmenter les tarifs vers le haut (et donc interdire les suppléments) …

Le plan d’économies drastiques imposé par le Ministre Frank Vandenbroucke en kinésithérapie alimente la dérive vers une médecine à plusieurs vitesses. N’est-ce pas le risque vers lequel nous entraîne son agenda pour le changement des soins de santé ?

 

Jean Hermesse

Secrétaire National

 

(1) Voir Le Maximum à Facturer, Un plafond dans le paiement des soins de santé.