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 Éditorial (21 mars 2002)

États généraux de la médecine générale

Les médecins généralistes se sont réunis en états généraux de la médecine générale le samedi 16 mars dernier. Cette réunion est incontestablement le symptôme d’un réel malaise dans la profession. Il renvoie sans doute à un malaise plus général des professions de santé. Que ce soient les généralistes, les spécialistes, les infirmières, les kinésithérapeutes, les dentistes ou encore et surtout les hôpitaux en tant que tels, pas une profession de santé qui ne se sente quelque peu désemparée.

J’ai déjà exprimé à maintes reprises que la manière de “gérer” le secteur par le Ministre des Affaires sociales n’est pas étrangère à ce phénomène. En ramenant à lui personnellement tous les leviers de commandes, le Ministre modifie en profondeur et peut-être durablement la nature même du système.

Celui-ci était basé sur la concertation des acteurs et la responsabilité des partenaires sociaux.

Ces derniers ne jouent plus qu’un rôle de figurant et les acteurs du secteur sont surtout appelés à se concerter pour mettre en œuvre ce que le Ministre demande de faire. Les 15 milliards d’euros du budget de l’assurance maladie sont devenus son pré carré.

A la décharge du Ministre, il faut dire que chez nous, comme dans les pays avoisinants, les budgets augmentent très vite et une certaine panique s’installe. Il n’est pas exclu cependant que la manière interventionniste de “gérer” ne désarticule le système et n’accroisse encore le dérapage budgétaire. Ce n’est pas en multipliant les électrochocs qu’on rendra le système plus performant. Le malaise des prestataires, le désarroi même de certains ne sont pas de nature à installer des comportements plus responsables et donc plus économes.

On voit plutôt se développer des comportements de “sauve-qui-peut” particularistes.

Un millier de généralistes francophones ont rallié samedi passé le palais des congrès de Bruxelles à l’appel commun de leurs diverses organisations syndicales. Comment évaluer le malaise qui s’exprime ? La réalité est complexe et il n’est pas facile de formuler une évaluation avec les nuances nécessaires.

Nous avons la chance dans notre pays d’avoir une médecine générale très développée avec des médecins nombreux, trop nombreux peut-être, qui n’hésitent pas à se rendre au domicile de leurs patients. Ces visites à domicile n’existent pratiquement plus dans de nombreux pays. Chez nous, le premier échelon reste très développé et c’est un bien à sauvegarder pour la qualité de la médecine pour le bien des patients, mais aussi pour les finances de l’assurance maladie.

Notre organisation des soins est-elle trop hospitalo-centrique ? Certains généralistes le disent, les chiffres ne le confirme pas. Si on compare le coût des hôpitaux en Belgique, nous observons, comme souvent, que les coûts unitaires sont plutôt bas et le nombre de lits plutôt élevé. Cependant, de grands efforts de rationalisation ont été opérés : fermeture de lits et fusion d’hôpitaux. L’augmentation des coûts unitaires dans les hôpitaux est tributaire de ces rationalisations, car les cas deviennent plus lourds, et aussi de l’augmentation des frais de personnel. C’est une constante dans toute activité de “service”.

Je ne pense pas qu’il soit opportun de chercher à revaloriser la médecine générale en attaquant la médecine hospitalière. Ce sont des métiers différents qui doivent s’articuler l’un avec l’autre. Et ce ne serait pas une bonne chose ni de séparer les commissions de convention ni les budgets, ni les Conseils techniques. Ce serait diminuer les possibilités d’organiser mieux la complémentarité et l’articulation des divers échelons.

Une médecine proche

Le point fondamental, la valeur ajoutée, de la médecine générale est la proximité avec le patient dans la complexité de son environnement et de son histoire.

Ce rôle est irremplaçable. C’est le généraliste qui écoute son patient, qui peut situer sa pathologie dans son cadre de vie, qui explique à son patient les symptômes de sa maladie, le pourquoi des examens éventuels à pratiquer, les résultats de ceux-ci. Mais c’est aussi sa fragilité car cette proximité suppose une dispersion voire un émiettement qui ne favorise pas la bonne organisation de la médecine générale. Dès lors, on constate dans la population une tendance à s’adresser directement aux structures plus organisées des hôpitaux et de leurs polycliniques. En outre, les enfants vont directement chez le pédiatre, les femmes chez le gynécologue, les personnes âgées chez le gériatre, pour les urgences on fonce vers la garde de l’hôpital, etc. Tout cela écarte le médecin généraliste du circuit des soins et l’empêche d’exercer son rôle de synthèse et de proximité.

Nous sommes bien conscients de cette évolution et de ses conséquences regrettables. Nous ne pensons pas cependant que des mesures coercitives ou pénalisantes pour le patient sont de nature à résoudre ces problèmes. Nous croyons plus dans les mesures positives. C’est ainsi que nous avons soutenu fortement le système du dossier médical global avec les avantages qui lui sont attachés. Il pourra bientôt être étendu à toute la population et on réfléchit à des aménagements. Dans son principe, il est un facteur de revalorisation de la médecine générale et nous préférons cette voie plutôt que celle du passage obligé par le généraliste que certains préconisent.

De la même façon, nous pensons préférable de favoriser l’organisation et le soutien des systèmes de garde des généralistes plutôt que de pénaliser les patients qui se rendent en urgence aux hôpitaux sans qu’on puisse dire, après coup, que c’était vraiment utile. Des expériences de garde organisée par les généralistes du lieu de l’hôpital, sont réalisées actuellement. Ces expériences sont positives et intéressantes car elles ne mettent pas hors circuit la médecine générale. Mais celle-ci doit aussi relever le défi de sa meilleure organisation.

Les techniques de communication et de télécommunication ouvrent des possibilités nouvelles.

Le généraliste et les coordinations de soins à domicile

Un dernier aspect que je voudrais souligner concerne le rôle de la médecine générale par rapport aux malades chroniques vivant à domicile. Le rôle du généraliste est évidemment capital pour ces malades. Mais ici se pose la question de l’articulation avec les services d’aide et de soins à domicile. Des services mieux intégrés de soins infirmiers, d’aides familiales, etc. se sont développés et c’est une bonne chose. Les généralistes doivent nouer des liens fonctionnels avec ces services dans le respect réciproque des spécificités. Il y a tout à gagner, ou plutôt le malade à tout à gagner, à ces partenariats qui se nouent sans volonté hégémonique.

Je constate que dans certaines régions, les médecins généralistes sortent de leur isolement, s’organisent entre eux pour les gardes, certaines activités de secrétariat, les contacts avec les coordinations de soins à domicile, les actions de prévention ou de santé publique, les travaux d’évaluation dans le cadre de l’accréditation, etc.

Certains vont plus loin en organisant entre eux des champs de compétence plus spécifiques ou d’autres vont plus loin encore s’organisant en maisons médicales.

Tous les pas accomplis dans le sens d’une plus grande organisation sont utiles et à encourager. Ils contribuent à renforcer l’importance d’un premier échelon en qui nous devons reconnaître une des valeurs importantes du système de santé de notre pays. A nous Mutualités, dans le cadre des commissions où nous siégeons avec le corps médical, de mettre en place les mécanismes qui contribuent à renforcer ce premier échelon.

Edouard Descampe

Secrétaire Général