Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Éditorial (17 mai 2001)

De la franchise au “maximum à facturer”

Une des caractéristiques des dépenses de santé est leur concentration sur un nombre limité de personnes. En effet, 60 % du budget de l’assurance maladie (542 milliards en 2001) est dépensé par 5 % de la population. Pour ces personnes particulièrement, malades chroniques ou malades graves, les dépenses de santé, même après intervention de l’assurance maladie, grèvent lourdement le budget.

On chiffre, en effet, à environ une somme globale de 150 milliards par an la part des dépenses de santé qui restent à charge des personnes malades, tout compris c’est-à-dire tickets modérateurs, prestations non remboursées et suppléments. Cela veut dire environ 15.000 frs. par personne par an en moyenne. Mais ici aussi la concentration peut être importante. Si on applique la même proportion que ci-dessus pour les remboursements de l’assurance maladie, nous obtenons une moyenne de 180.000 frs. par an par personne dans ce groupe de 5 % de la population.

Il est clair que dans ce cas pour beaucoup la situation financière devient insupportable. C’est aussi la conséquence des augmentations constantes des “tickets modérateurs” depuis quelques années. Il a fallu faire des économies, on a diminué les remboursements et cela pèse surtout sur les personnes qui ont besoin de soins fréquents.

La Franchise

Pour pallier à ces difficultés, on instaura en 1994 le système dit de la franchise. Ce système prévoit que certaines catégories de personnes (chômeurs de longue durée, minimexés, bénéficiaires de l’intervention majorée de l’assurance maladie, etc.) bénéficient de la gratuité pour certains soins dès que les tickets modérateurs payés dans l’année atteignent 15.000 frs. Pour d’autres personnes, en fonction de leurs revenus, c’est par voie fiscale que ces dépassements sont payés, mais dans ce cas le remboursement se fait deux années plus tard.

Le Ministre des Affaires sociales veut améliorer ce système de franchise en le rebaptisant “Maximum à facturer” (en abrégé “MAF”). Il l’améliore sur plusieurs points. Tout d’abord, il ajoute dans le “compteur” de ticket modérateur les médicaments des catégories A (anticancéreux notamment) et B (surtout les antibiotiques). En 2002, il veut ajouter également certains frais d’hospitalisation.

Ensuite, seconde amélioration, il ajoute aux catégories sociales de la franchise les familles dont le revenu est inférieur à 540.000 frs. par an. C’est-à-dire que ces personnes pourront bénéficier dans l’année même du remboursement de ce qui va dépasser le plafond. Par contre, le plafond de 15.000 frs. prévu dans le système de franchise est porté à 18.000 frs. par an.

Pour les autres catégories de revenus suivant une échelle qui va jusque 2 millions de revenus par an, le plafond de ticket modérateur augmente par tranche de 18.000 frs. par an à 100.000 frs. Mais pour ces personnes le remboursement du dépassement se fera plus tard et ne pourra intervenir dans l’année.

Social, mais complexe

Que penser de ce nouveau système de franchise ? On ne peut que se réjouir de voir la facture de soins allégée pour quelques 385.000 ménages suivant les estimations faites pour 2002. En tout, il en coûtera quelque 3,4 milliards par an en vitesse de croisière au budget de l’assurance maladie. C’est une bonne chose d’un point de vue social que les plus lourdes factures soient ainsi prises en charge.

Nous avons, cependant, deux critiques à formuler. Une critique sur le plan technique et une autre, plus importante, sur le fond.

Sur le plan technique, le système est extrêmement complexe et il sera très difficile de le mettre en œuvre rapidement. L’enregistrement des médicaments suppose l’intégration de millions de données individuelles de consommation dans les comptes personnels de la franchise. Or, les bandes magnétiques de médicaments commencent seulement à parvenir aux mutuelles dans le cadre de pharmanet. Il faudra aussi organiser des échanges d’informations entre mutuelles et administrations fiscales pour connaître les revenus des personnes et aussi regrouper les dépenses et les revenus par famille sans que la notion de famille ne coïncide avec le ménage fiscal puisque le regroupement se fait chez nous sur d’autres bases.

Une possible dérive

Ce que l’on peut craindre, surtout avec ce système du Ministre des Affaires sociales, c’est l’utilisation de plus en plus importante de la notion de revenus des personnes. On rembourse mieux, oui, mais uniquement si les revenus sont inférieurs à telle ou telle somme.

Avec cela, le système d’assurance sociale (je suis remboursé parce que je suis un assuré social qui paie ses cotisations sociales) se rapproche un peu plus d’un système d’assistance sociale : je suis remboursé parce que mes revenus sont inférieurs à telle somme.

C’est bien là le danger principal de l’Etal social proactif : on va à la rencontre des gens qui ont des difficultés parce qu’ils manquent de moyens. La collectivité intervient pour les aider, mais demande à voir d’abord ce qu’il y a dans leur portefeuille.

L’utilisation de l’enquête sur les ressources était déjà présente dans l’assurance maladie, mais en l’augmentant de la sorte on peut dénaturer le système et, à terme, ce mécanisme peut aussi préparer le terrain à d’autres reculs de l’assurance maladie générale.

Malgré le caractère incontestablement social et utile de la mesure, c’est une dérive qui n’est pas sans risque. Entre-temps d’ailleurs, le budget de l’année 2000 a été dépassé de 17 milliards sans que des mesures ne soient prises jusqu’à présent, pour faire face à cette situation qui dès maintenant grève lourdement la trésorerie.

Edouard Descampe

Secrétaire général ANMC