Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Éditorial (18 octobre 2001)

Communautariser la santé ?

Un énorme trompe-l’œil !

Face à une situation difficile, on peut prendre deux attitudes : se serrer les coudes ou se replier sur soi… et provoquer des divisions. Ainsi, lorsque le déficit de l’assurance maladie devient intenable, réapparaît régulièrement l’idée de communautariser les soins de santé. La surconsommation en Wallonie et à Bruxelles serait à l’origine de tous les maux. En communautarisant, on résoudrait tous les problèmes financiers. Quelle supercherie !

A chaque fois, c’est le même scénario. On commence par lancer des affirmations et des bruits tellement énormes que personne n’ose les mettre en doute. Ainsi, le président du VLD (parti libéral flamand) déclare dans la presse que “la croissance sauvage des dépenses en soins de santé est due à un incroyable déséquilibre chez les francophones. Le budget des soins de santé n’est pas maîtrisé. La scission de l’assurance maladie est inéluctable.” La fédération flamande des institutions de soins (VVI) est encore plus claire. Selon ses estimations, les dépenses de santé à Bruxelles et en Wallonie seraient de 12 milliards plus élevées qu’en Flandre. Voilà donc, affirment-ils, où il faudrait chercher les économies. Sans quoi il faut communautariser.

Or, les calculs sur lesquels se fondent ces affirmations ne sont pas corrects. Dès lors, le diagnostic posé, qui expliquerait la forte croissance des dépenses par la surconsommation en Wallonie et à Bruxelles, ne tient pas la route ! Et le remède proposé, à savoir la communautarisation des soins de santé, ne résoudra rien. En réalité, l’objectif, non avoué de la communautarisation, est celui de la privatisation des soins de santé.

Trompe-l’oeil n° 1

Il n’y a pas de surconsommation en Wallonie, le problème est à Bruxelles.

Les calculs présentés pour justifier la communautarisation des soins de santé sont basés sur une comparaison simpliste entre les dépenses de chaque région et la moyenne nationale du pays.

En effet, les dépenses dans une région peuvent être plus importantes que dans d’autres régions parce que, entre autres, plus de personnes y bénéficient du remboursement majoré. Les dépenses seront forcément toujours plus élevées dans une région que dans une autre lorsqu’il y a plus de VIPO (veuve, invalides, pensionnés, orphelins) qui bénéficient du régime préférentiel. Grâce à ce régime préférentiel, les tickets modérateurs sont réduits ou supprimés. Et l’accès aux soins de santé est préservé pour les personnes des catégories socio-économiques les plus faibles.

Si l’on pondère la comparaison Nord-Sud en tenant compte du nombre de personnes bénéficiant du régime préférentiel dans chaque région, les différences interrégionales changent complètement. En 1999, sur base des derniers chiffres connus (régime général et régime des indépendants, sans les dépenses des médicaments en pharmacie), par rapport à la norme nationale, la Wallonie passe d’une situation de soi-disant surconsommation de 1,8 milliard à une situation de sous-consommation de 3 milliards. Bruxelles voit son niveau de surconsommation en soins de santé passer de 4,4 milliards à 3,1 milliards. Et la Flandre, que l’on dit être à 6,2 milliards en-dessous de la norme nationale, n’est plus qu’à 51 millions de cette norme. Ces montants ont été établis en pondérant les données de comparaison entre régions avec le statut social des habitants (Voir tableau ci-dessous).

Trompe-l’œil n° 2

La surconsommation n’est pas la cause principale du dérapage financier.

Il y a certes des différences de pratique médicale entre hôpitaux, entre arrondissements, entre régions, mais elles ne sont pas plus grandes aujourd’hui qu’il y a dix ans. Au contraire, les écarts auraient tendance à se réduire. Mais, dans un souci permanent d’utilisation optimale et efficace des moyens, il faut tout mettre en oeuvre pour éliminer les consommations injustifiées et les gaspillages. C’est pourquoi, la Mutualité chrétienne participe activement aux différents groupes de travail mis sur pied pour formuler des propositions en vue d’une plus grande responsabilité des prestataires et des prescripteurs.

Toutefois, le vrai “mal” de la croissance des dépenses en soins de santé se trouve ailleurs. Ce sont les décisions politiques en matière d’améliorations salariales, d’améliorations de l’encadrement en personnel soignant, d’améliorations sociales en termes d’accès; ce sont les prix élevés des nouveaux médicaments et équipements médicaux vendus par les firmes commerciales; ce sont les nouvelles initiatives en termes de santé publique (soins palliatifs, toxicomanie, habitations protégées, plate-formes de coordination …) qui sont à l’origine de la croissance des dépenses (voir en pages 8 et 9 de ce numéro).

Le diagnostic du VLD et de la VVI est donc mal posé. Et le remède proposé - la communautarisation- ne changera rien à la situation actuelle. La communautarisation ne va évidemment pas supprimer les avancées salariales, sociales et de santé publique. Elle ajoutera une couche administrative supplémentaire et des complications kafkaïennes pour nombre de prestataires et patients.

Trompe-l’œil n° 3

L’objectif non avoué de la communautarisation est en fait celui de la privatisation.

S’il n’y a pas d’écart significatif Nord-Sud, si la surconsommation n’est pas à l’origine de la croissance des dépenses, à quoi peut alors servir la communautarisation ? Peut-être à ouvrir enfin la voie à la privatisation ? En effet, en Flandre la gestion de l’assurance dépendance ( la “zorgverzekering”, une assurance obligatoire en Flandre) a été ouverte aux assureurs privés. La “DKV” et la SMAP ont ainsi été agréées par la communauté flamande pour exécuter une branche obligatoire de la sécurité sociale. Pour la première fois, elles sont mises sur le même pied que les assureurs sociaux. Serait-ce là un signe du choix politique en Flandre de privatiser la gestion des soins de santé ? En Wallonie, en cas de communautarisation des soins de santé, les moyens transférés risquent rapidement d’être insuffisants. Les remboursements diminueront et la voie sera aussi ouverte aux assureurs privés … par nécessité.

La communautarisation des soins de santé est un énorme trompe-l’oeil. Les écarts Nord-Sud sont insignifiants. Ils sont même plutôt dans le sens Sud, Nord-Centre. La surconsommation n’est pas à l’origine de la forte croissance des dépenses. Ce discours cache en fait un autre objectif non avoué, celui de la privatisation. Il faut dénoncer cette supercherie avec force.

Jean Hermesse

Secrétaire National

 

Analyse régionale des dépenses en soins de santé (1) -  1999

Régime général et régime des indépendants

Différences de consommation par rapport à la moyenne nationale brute (2)

En millions de francs   Flandre Wallonie Bruxelles
- 6.250 + 1.805      +4.345

Nombre de personnes qui bénéficient du régime préférentiel

(remboursement majoré) - (régime général)

En nombre absolu

En % de la population

Flandre

Wallonie

Bruxelles

597.705

11,5 %

410.536

14,0 %

 

123.108

15,2 %

 

Différences de consommation par rapport à la moyenne nationale

 pondérée selon le nombre de personnes dans les différents statuts sociaux (3)

En millions de francs

Flandre

Wallonie

Bruxelles

Biologie clinique

 - 1.220

 

 + 872

+ 348

Radiologie - 1.090 + 878  + 212
Prestations spéciales - 1.487  + 933   + 554
Bandagistes-orthopédistes  + 440  - 321 - 119

Prix de journée :

- Hôpitaux généraux

- Hôpitaux psychiatriques

 
- 2.333  - 403 + 2.736
+ 2.585  - 1.844  - 741
Maisons de repos, MRS  + 247 - 1.097  + 850
Maisons de soins psychiatriques, habitations protégées  + 557 - 417 - 140
Soins infirmiers à domicile + 2.213  - 1.107  - 1.106
Reste  - 34  - 531  - 497
Total - 54   - 3.037  + 3.091

 

(1) L’analyse porte sur les dépenses de l’assurance maladie obligatoire réalisées en 1999 sans les médicaments délivrés en pharmacie, soit sur un total de 425,5 milliards.

(2) Un signe négatif indique que la consommation en soins de santé par habitant est inférieure à la moyenne nationale. Un signe positif indique que la consommation par habitant est supérieure à la moyenne nationale.

(3) Les dépenses ont été comparées à la moyenne de chacune des cinq catégories sociales suivantes (avec ou sans régime préférentiel): personnes non protégées, titulaires indemnisables primaires (TIP), invalides, pensionnés, veuves et orphelins. Ensuite, ces moyennes furent multipliées par le nombre de personnes dans chaque catégorie dans chaque région.