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Éditorial (21 juin 2001)

Assurance maladie :  évolution dangereuse

La situation de l’assurance maladie est très préoccupante. Déjà en l’an 2000 le budget avait été fixé beaucoup trop bas à 500,7 milliards. Ce qui devait arriver arriva : un dépassement de 17 milliards. En son temps, les Mutualités chrétiennes ont d’ailleurs voté contre ce budget en l’estimant tout à fait irréaliste.

En 2001 le gouvernement tient compte de cette situation et établit le budget à 542 milliards. Les premiers mois de dépenses 2001 indiquent cependant que l’on va encore une fois de plus vers un dépassement de 7 à 8 milliards.

Un phénomène général

Cette évolution des dépenses n’est certes pas un phénomène propre à la Belgique. Presque tous les pays développés connaissent cette même évolution. En France, par exemple, les dépenses de santé ont augmenté en 2000 de 6,5 % par rapport à l’année précédente. Des phénomènes comme le vieillissement de la population, la médicalisation croissante des problèmes sociaux, l’accès à la médecine de groupes de population autrefois très avares de soins, les progrès des capacités d’intervention de la médecine, tout cela concourt à augmenter les dépenses chez nous comme chez nos voisins. Et encore avec un taux de 7,6 % du produit intérieur brut consacré à la santé, la Belgique reste à un niveau très raisonnable par comparaison à l’Allemagne (10,7 %), la France (9,6 %) ou même la Hollande (8,5 %).

Parmi les secteurs en dépassement de budget, on constate qu’il y a, dans un ordre d’importance décroissant, de nouveau les médicaments malgré la très forte augmentation du budget, les honoraires médicaux, le secteur des maisons de repos et de soins et le secteur des maisons de repos.

Le Ministre des Affaires sociales Fr. Vandenbroucke s’efforce de donner l’impression de continuer à gérer l’ensemble. Sa responsabilité est pourtant fortement engagée d’abord parce qu’il n’a cessé d’intervenir très directement dans le pilotage du système d’habitude mené par la gestion des partenaires sociaux et la concertation avec les partenaires de soins. Les directives du Ministre sont incessantes.

Il invente sans arrêt de nouvelles initiatives souvent justifiées pour des groupes de personnes en difficultés, mais il intervient aussi directement dans les processus de convention en dictant ce qu’il faut faire.

Un interventionnisme excessif

Quelques exemples pour illustrer cet interventionnisme excessif : récemment, le Ministre a introduit dans la proposition de loi-programme un changement complet du système de financement des hôpitaux. C’est une sorte de loi de pleins pouvoirs et cela pourrait bouleverser complètement le calcul des prix de journées des hôpitaux en le rendant beaucoup plus dépendant de l’arbitraire ministériel.

Ce projet n’a pas sa place dans une loi-programme à finalité essentiellement courte et budgétaire. Entre-temps, les factures en retard de paiement aux hôpitaux atteignent 75 milliards et les hôpitaux doivent faire face au coût des accords sociaux négociés par le gouvernement par dessus leur tête.

En matière de médicaments, à plusieurs reprises, le Ministre n’a pas suivi les décisions de l’INAMI en accordant des remboursements à des produits que les experts jugeaient ne pas devoir retenir. Par contre, le gouvernement s’était engagé à réglementer la publicité, mais rien n’a été fait sur ce plan et les firmes pharmaceutiques continuent à développer des actions promotionnelles intenses et coûteuses en direction du corps médical. Il est prévu qu’en cas de dépassement de l’enveloppe budgétaire, 2/3 de la somme seront récupérés sur les firmes pharmaceutiques. On espère que cela se fera, mais connaissant l’habileté des firmes à utiliser toutes les ficelles juridiques pour échapper à des récupérations, il reste quelques inquiétudes.

Troisième exemple d’interventionnisme ministériel : lors de la conclusion de la convention médico-mutualiste, fin de l’an dernier, les membres de cette commission ont reçu une lettre du Ministre détaillant avec précision ce qu’il désirait voir figurer dans l’accord.

Cette manière de procéder n’est pas sans danger. Le pouvoir de décision se déplace. Ce faisant, les acteurs sont déresponsabilisés et le Ministre endosse plus directement la responsabilité des dérapages. Nous entrons alors, hélas, dans un dangereux cercle vicieux. La situation dérape, les interventions augmentent encore et les acteurs du système, médecins, prestataires de soins, hôpitaux, mutuelles sont encore plus déresponsabilisés.

Ainsi, lundi soir, lors d’une réunion de la Commission médico-mutualiste, suite à l’annonce faite par le Ministre d’un changement de loi pour récupérer plus vite chez les médecins le dépassement de budget, ceux-ci ont exprimé leur colère.

Il n’est pas impossible donc que nous entrions dans une période de sérieuses turbulences.

Nous sommes inquiets de cette évolution des dépenses, nous sommes inquiets des modifications structurelles introduites dans la gestion de cet ensemble complexe qu’est l’assurance maladie. Les victimes d’une désorganisation pourraient être, à terme, les malades eux-mêmes qui ne seront plus correctement remboursés de leurs dépenses de santé et devront faire face à des suppléments de toute sorte.

Edouard Descampe

Secrétaire général ANMC