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Éditorial (19 décembre 2002)

Appel à la modération

Plus de 7.000, médecins, infirmières, kiné, pharmaciens, logopèdes manifestaient dans les rues de Bruxelles ce samedi 14 décembre. Chaque groupe avait des raisons et des revendications différentes. Mais tous partageaient un même sentiment de ras-le-bol, de frustration, de non-écoute. Sentiment légitime ou manifestation corporatiste ?

Face à la mauvaise humeur des secteurs des soins de santé, les médias et la population restent perplexes. Comment est-il possible de se plaindre alors que le budget des soins de santé augmente de 6,5 % en 2003 et que la situation économique est morose. Nous n’avions pas espéré une telle croissance pour le budget des soins de santé et ceci est à mettre à l’actif du Ministre Vandenbroucke, à sa force de persuasion et à sa connaissance approfondie des dossiers. Mais, malgré cette augmentation, les prestataires de soins ne sont pas contents. Malentendus ? Incompréhensions? Défenses corporatistes ? Ou mécontentement justifié ?

 

La croissance du budget n’a pas tenu ses promesses pour tout le monde

 

Indiscutablement, le budget des soins de santé est en augmentation importante : 27,5% de 1999 à 2003 ! Mais ces nouveaux moyens n’ont pas bénéficié à tous les secteurs de soins de la même manière. Ils ont d’abord servi à payer les nouveaux médicaments et les nouvelles techniques médicales, à revaloriser les salaires du personnel soignant dans les hôpitaux et les maisons de repos, à accroître l’offre de services et de soins pour notre population vieillissante, à améliorer les remboursements pour les populations défavorisées (via le Maf par exemple).

Il faut être de bon compte. L’importante augmentation des budgets des soins de santé de ces dernières années n’a pas été en priorité à la revalorisation des honoraires intellectuels des médecins, des kinésithérapeutes ou des dentistes. La part des honoraires des médecins généralistes a même diminué dans le budget des soins de santé, passant de 5,2 à 4,1% de 1993 à 2000, celle des kinésithérapeutes de 3,2 à 2,7 % de 1993 à 2002. Cette diminution n’est pas due à un manque de considération, mais à la pression et au choix d’autres priorités, d’autres besoins.

Ces dix dernières années, les budgets des médecins, des kinés ou des dentistes ont donc crû moins rapidement que ceux réservés aux autres secteurs de soins. Le décalage s’est accumulé. Et il n’est évidemment pas possible de le combler en un an. D’autant plus que de nombreux besoins, tels que le refinancement du secteur hospitalier, sont encore insatisfaits. Un budget en augmentation de 6,5 % en 2003, c’est beaucoup dans l’absolu, mais c’est peu pour ceux qui ont dû se serrer la ceinture depuis de nombreuses années.

 

Plus de sélectivité dans le remboursement entraîne plus de paperasserie

 

Le Ministre Vandenbroucke le concède lui-même : la législation est devenue complexe. Pour mieux protéger les personnes à faible revenu ou certains malades chroniques, des réglementations très spécifiques doivent être inventées, presque sur mesure. C’est ce qui s’est passé en kinésithérapie et pour l’application du Maximum à facturer. De même, vu le niveau parfois exorbitant des prix des nouveaux médicaments, les conditions et critères de remboursement, et donc... les “papiers”, se sont multipliés.

Par la sélectivité, en limitant les remboursements à certaines conditions, en ciblant les interventions selon les maladies, les revenus, le statut social, le Ministre tente de maîtriser les dépenses. Mais cela nécessite plus de formulaires à remplir, de dossiers à garder, de règles à connaître… et plus de temps pour les tâches administratives. Si ce temps n’est pas rémunéré, c’est une charge supplémentaire.

La sélectivité se justifie parce qu’elle permet d’éviter la multiplication des traitements onéreux. Mais lorsqu’elle tend à devenir une mesure de politique générale cela peut conduire à une certaine asphyxie réglementaire et bureaucratique.

 

Responsabiliser, mais pas culpabiliser

 

Le Ministre Vandenbroucke souhaite responsabiliser tout le monde : les prestataires, les patients, les gestionnaires, les mutualités. Mais derrière ce concept de responsabilisation apparaît bien vite celui de tricheur, de surconsommateur. Celui qui ne suivrait pas le guide de bonne pratique médicale ou les recommandations internationales, celui qui prescrit plus de médicaments que la moyenne (ou moins), celui qui utilise plus d’analyses de biologie clinique serait un irresponsable qui doit être pénalisé.

Il est évident qu’il faut constamment rechercher la meilleure utilisation du budget, éviter les gaspillages et les interventions inutiles, non seulement pour des raisons financières, mais aussi - plus encore - pour des raisons de santé publique. La quête de la meilleure pratique médicale est permanente. Car il y aura toujours des différences de pratique médicale. La médecine reste un art et les médecins ont le devoir d’y participer activement.

Mais, lorsque ces différences sont dénoncées dans les médias comme suspectes de gros gaspillages et principale source de la croissance des dépenses, on finit par croire que les médecins sont tous des tricheurs. Faut-il alors s’étonner que les gestionnaires d’hôpitaux, les médecins, les kinésithérapeutes sont déconsidérés par le public ?

 

La politique doit renouer le dialogue avec les prestataires

 

Les manifestants du 14 décembre étaient nombreux. Leurs revendications étaient diverses et parfois même contradictoires. Mais tous partageaient un profond malaise de frustration et un sentiment d’incompréhension. Ils demandaient à renouer le dialogue avec le politique. Il faut valoriser les actes intellectuels, moins de sélectivité et de paperasseries, responsabiliser mais pas culpabiliser. En quelque sorte, il faut moins d’interventionnisme, plus de modération et plus de participation.

Le dialogue est essentiel dans la gestion des soins de santé. Il permet de conclure des accords auxquels les prestataires adhèrent. Sans dialogue, sans concertation, sans accord ce sera “le sauve qui peut”, le chacun pour soi et moins de sécurité tarifaire pour les patients.

Les circonstances économiques nous invitent à la modération des ambitions politiques, des hausses pécuniaires et des projets médiatiques. 2003 devrait être une année de trêve, de réflexion et de concertation sur les priorités et le modèle de participation dans les soins de santé. Ainsi tout le monde sortira grandi de la manifestation. Nous le souhaitons vivement.

 

Jean Hermesse

Secrétaire National