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Éditorial (3 mai 2001)

 

Réforme des hôpitaux : 

un débat de fond s’impose

 

En quelques lignes, la loi-programme du gouvernement modifierait radicalement le système de financement des hôpitaux. Les conséquences seront importantes pour l’ensemble du système des soins.

Cette réforme est donc un enjeu fondamental. Elle n’a pas sa place dans une loi-programme budgétaire et expéditive.

A travers la loi-programme, en quelques lignes, le Ministre Vandenbroucke propose de changer complètement le système de financement actuel des hôpitaux. Sans beaucoup de détails, la loi donnerait les pleins pouvoirs au Ministre. Le Ministre fixera le budget de chaque hôpital selon des modalités encore à définir et ce budget sera payé en douzièmes (une tranche chaque mois). Les modalités doivent encore être fixées par le Ministre, mais il pourra le faire seul, sans passage par le Conseil des Ministres, ni avis obligatoire du Conseil National des Établissements Hospitaliers.

Mais pourquoi tant d’empressement ? Le budget des hôpitaux est bien maîtrisé depuis de nombreuses années. Une loi-programme ne se justifie donc pas pour des raisons budgétaires. Au niveau technique aussi rien n’est prêt. La seule note un peu détaillée sur cette réforme mais comprenant encore de nombreuses questions non résolues date de juin 2000.

Le budget hospitalier avec les médicaments et les honoraires médicaux représentent plus de la moitié des dépenses en soins de santé. Toute réforme du financement a donc des répercussions importantes sur l’ensemble de l’organisation des soins de santé. On ne peut pas se contenter de quelques lignes “banales”’ dans une loi-programme fourre-tout. Cela mérite une analyse approfondie et un débat de fond.

Un débat de fond est indispensable

La réforme de financement des hôpitaux telle que décrite dans la loi-programme laisse perplexe. Le financement sera davantage basé sur les activités (les pathologies) des hôpitaux. Cependant, nous dénonçons depuis longtemps les graves problèmes de fiabilité, voire de manipulation des déclarations de pathologie enregistrées par les hôpitaux et communiquées à la Santé Publique. Le Ministre lui-même écrivant le 7 mars 2001 à la Structure de Concertation entre gestionnaires d’hôpitaux, médecins et organismes assureurs s’interroge sur la qualité, la transparence et le contrôle de ces enregistrements. Pourtant, ils seraient au cœur du système de financement !

En ne finançant plus que les activités, les normes actuelles d’agrément de lits et services hospitaliers et les critères de programmation seront en décalage complet avec les règles de financement. Or par ces normes et critères, les régions et communautés garantissent la qualité et l’accès aux soins. A tout le moins avant de lancer la réforme du financement des hôpitaux, il y aurait lieu d’analyser les répercussion en termes d’agrément et de programmation. Ce serait l’occasion de remplacer, enfin, la politique d’agrément des hôpitaux par un système d’accréditation plus moderne et stimulant.

Plus fondamentalement, le Ministre (et lui seul) fixera le budget de chaque hôpital selon des modalités encore inconnues à ce jour et ce budget sera payé (liquidé) en douzièmes (une tranche par mois).

Ainsi l’argent du budget ne suivra plus le patient comme aujourd’hui. L’hôpital est sûr de toucher chaque mois la même somme d’argent indépendamment de l’évolution des activités et du nombre de patients. C’est une révolution. Aujourd’hui, la mutualité rembourse les soins et les journées d’hospitalisation pour autant que des patients soient entrés et aient été soignés dans l’hôpital. Demain peu importe, dynamique ou non, attractif ou non, occupé ou non, peu ou beaucoup de patients, l’hôpital est sûr d’être payé via le douzième. Bien sûr cela sera corrigé plus tard … trois ou quatre ans après les faits !

Depuis l’annonce des grandes principes de la réforme de financement des hôpitaux (en juin 2000) le Collège Intermutualiste National (CIN) regroupant toutes les mutualités du pays a réagi officiellement au Ministre en formulant une alternative constructive, simple et transparente. A ce jour, les problèmes et questions soulevés par le CIN sont restés sans réponse. Au contraire, la loi-programme rajoute de nouvelles énigmes (définition des centres de référence, des patients “hospitaliers”, du facteur social , …).

Le motif de l’urgence est un alibi

En intégrant cette réforme fondamentale dans la loi-programme le gouvernement invoque l’urgence “budgétaire”. Or, c’est tout le contraire, cette réforme coûtera de l’argent. D’abord au niveau trésorerie. Si on veut garantir le paiement du budget des hôpitaux dès le premier mois, il faudra injecter plus de 50 milliards de trésorerie à l’INAMI pour rattraper les factures impayées qui s’accumulent suite au déficit des années précédentes (dont plus de 16 milliards en 2000!). Nous venons d’ailleurs à nouveau de repasser la barre des 70 milliards de factures impayées en avril.

Il faudra ensuite modifier tous les programmes informatiques de facturation, la facture patient, le circuit de tarification à un moment où hôpitaux, mutualités, INAMI ont besoin de toutes les ressources informatiques pour réussir le passage à l’EURO. Enfin, les hôpitaux dynamiques coincés par les douzièmes, non reconnus dans leur dynamisme risquent de chercher de nouvelles sources financières. Le système de santé pourrait alors dériver comme en Angleterre ou aux Pays-Bas.

La loi-programme du gouvernement est une loi fourre-tout. La réforme du financement des hôpitaux proposée par le Ministre n’y a pas sa place. Invoquer l’urgence n’est pas correct. Les conséquences de cette réforme sur l’ensemble de l’organisation des soins sont telles que cela mérite rapidement un débat de fond.

Jean Hermesse

Secrétaire national