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Éditorial (15 février 2001)

Non à la société de marché

“Oui à l’économie de marché, non à la société de marché !” C’est en ces termes que le Premier Ministre français, Lionel Jospin, résumait le coeur du débat politique et social des prochaines années. On pourrait reprendre à notre compte cette expression qui est aussi un programme.

Oui, l’économie de marché triomphe incontestablement. Elle est à la base d’une formidable prospérité qui rejaillit sur l’ensemble de la population de notre pays. Depuis la guerre, le niveau de vie que nous connaissons n’a cessé de croître. Depuis que les modèles économiques autres tels que développés dans les pays de l’Est européen, se sont complétement effondrés, l’économie de marché règne sans partage.

Et pourtant, cette médaille brillante a un revers. Le marché est, certes, le moteur d’un développement économique, mais il ne peut devenir le pivot unique autour duquel s’organise une société. Ce qu’il tend malheureusement à devenir aujourd’hui.

Selon la formule de Marcel Gauchet, philosophe et historien français, le libéralisme économique ne dit rien du pourquoi de l’accroissement des richesses qu’il entend libérer et il ne donne pas le moindre visage à ce que pourrait être la communauté des libertés à laquelle il aspire. Le marché triomphe, la mondialisation abolit les frontières, la machine économique tourne à plein rendement, mais à quel prix ? L’Etat est partout affaibli, l’individualisme triomphe, jamais les inégalités n’ont été aussi grandes entre ceux qui gagnent et ceux qui, parce que plus faibles, restent au bord du chemin. Le lien social est partout disloqué et les solidarités se dénouent. Il n’y a plus de grand projet collectif et la recherche de sens se fait presqu’exclusivement dans la sphère privée.

Il faut prendre la mesure de ces évolutions profondes, analyser leurs conséquences à court et moyen termes. Le remède sera bien de contenir le marché dans ses limites économiques sans le laisser envahir l’ensemble de la vie en société. Il n’y a pas de main invisible qui réconcilie égoïsme particulier et intérêt général.

Dérive marchande en assurance maladie

On ne peut laisser la dérive marchande envahir toutes les grandes fonctions collectives de l’Etat : l’éducation, la culture, la protection sociale, la santé. En assurance maladie, laisser faire le marché c’est permettre aux assurances commerciales de remplacer les assurances sociales. En jouant sur la liberté de choix des citoyens, liberté de s’assurer ou non, liberté de choisir son niveau de protection, on crée un système non solidaire. Seuls, ceux qui ont les moyens auront réellement le choix. Ceux qui sont âgés, malades ou handicapés, qu’ils le veuillent ou non, seront exclus des assurances ou devront payer des primes prohibitives.

Si ce système se développe, on apparaît respecter la liberté toute formelle des citoyens et on disqualifie l’Etat qui organise une solidarité d’ensemble obligatoire. C’est pourtant bien du côté de cette organisation collective par l’Etat que se trouve le véritable projet de société, fait de recherche d’égalité, de respect des personnes, de promotion des plus faibles, de recherche du bien commun.

Dérive marchande dans les pensions

Même phénomène dans le secteur des pensions. Dès le moment où des assurances pensions particulières fondées sur le principe de la capitalisation supplantent les assurances pensions généralisées fondées sur la répartition, le marché envahit ce secteur de protection sociale. Au nom du respect de la liberté de chacun, il modifie profondément le rôle de l’Etat. Celui-ci n’est plus le garant et l’organisateur d’une solidarité d’ensemble valable pour tous. Les particuliers s’en remettent individuellement à des groupes financiers et c’est tout juste si l’Etat n’apparaît pas comme un prédateur dangereux à cause des taxes qu’il impose.

Le souci de l’intérêt général et le projet de société solidaire a, bien sûr, disparu dans cette évolution pour faire place à des trajectoires individuelles où les plus faibles ne pourront prendre place.

Lorsque l’Etat, après avoir renoncé à son rôle d’acteur économique (téléphone, poste, banque, compagnie aérienne), commence à se retirer aussi de la protection sociale qu’il assure avec le secteur non marchand, alors nous entrons dans une société de marché. L’évolution n’est pas anodine. Les fractures sociales s’installent, les inégalités se renforcent et la vie en société perd son sens.

Edouard Descampe

Secrétaire général ANMC