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Éditorial (20 septembre 2001)

Médecine duale ou sociale ?

Comme d’habitude, la rentrée inspire les partis à faire de grandes déclarations et de belles promesses. Étonnamment, peu ont évoqué le coût croissant des soins de santé. Pourtant, loin des beaux discours, discrètement, la facture des patients, elle, s’allonge, lentement, mais sûrement.

Le coût des soins de santé ne semble pas faire partie des préoccupations de rentrée des partis politiques. On parle des indépendants, de l’enseignement, des familles, des pensionnés, de la réforme fiscale et des armes. Est-ce par peur car les soins de santé sont “incontrôlables”, par méconnaissance, c’est vrai la matière est complexe, par désintérêt car quand on est soi-même en bonne santé ou qu’on bénéficie d’une assurance privée, le coût des soins n’est pas un problème, ou encore par simple calcul électoral, les “grands” malades ne représentent “que” 5% de la population?

Pourtant, s’il y a bien un domaine où les citoyens sentiront les effets de la politique menée, c’est celui de l’accès aux soins de santé. Et, malheureusement, sans crier gare, sans véritable débat politique et, contrairement au discours ambiant, on assiste ces deux dernières années à un recul alarmant.

 

La facture des patients s’allonge de manière alarmante dans les hôpitaux

Nous avions déjà évoqué (En Marche n°1256) la croissance de la facture à charge des patients dans les hôpitaux de 98 à 2000 (+ 13%).

A présent, nous connaissons les chiffres de 2001 : + 11% par rapport à 2000 ! La situation s’est donc détériorée, et rapidement.

Cette détérioration n’est pas due à l’augmentation des tickets modérateurs officiels (à peine + 4%), mais s’explique par la multiplication des suppléments de toutes sortes : suppléments d’honoraires (+ 19%), suppléments de chambre (+ 10%), suppléments de matériel (+ 26% !), suppléments divers (+ 13%). Comment expliquer cette envolée des suppléments ?

L’explication est simple : le budget de l’assurance maladie obligatoire est insuffisant. Les prix de journée remboursés aux hôpitaux ne couvrent plus les augmentations inévitables du coût du personnel soignant et des nouvelles techniques médicales. C’est la quadrature du cercle. Pour s’en sortir, les hôpitaux se voient obligés de chercher de nouvelles sources de revenu. Ils facturent aux patients le coût du nouveau matériel médical, ils augmentent les suppléments de chambre. Les médecins facturent les prestations supprimées dans la nomenclature, augmentent les suppléments d’honoraires pour compenser les réductions linéaires imposées par le Ministre.

Bien sûr, il y a des suppléments, exigés par certains médecins et tolérés dans certaines cliniques, totalement inacceptables. Mais, fondamentalement, suite à un budget des soins de santé trop limité, la tendance à la hausse des factures à charge des patients est bien réelle et généralisée.

Nous craignons qu’en 2002 cette facture s’allonge encore car de nouvelles mesures d’économie ont été prises et le sous-financement structurel des hôpitaux n’a toujours pas été reconnu. Nous dépasserons certainement les 750 millions (plus de 30 milliards de francs belges) en 2002 et ce n’est pas le Maf (Maximum à facturer), cher au Ministre Vandenbroucke, qui va sauver la situation. Le Maf ne reprend, en effet, que les tickets modérateurs officiels et pas les suppléments. Or, les tickets modérateurs ne représentent plus que 32% de la facture totale des patients à l’hôpital. La dérive est donc bien réelle.

 

Faute de budget, le nouveau matériel médical pourrait aussi être facturé aux patients

Cette situation alarmante était bien connue du gouvernement, mais elle n’a pas été prise au sérieux. Voici déjà plus de deux ans que le secteur hospitalier dénonce le sous-financement du secteur, tire la sonnette d’alarme. Rien n’y fait, au contraire !

Ainsi, au cours du mois de juin, reconnaissant l’insuffisance du budget, le Ministre propose de publier une liste officielle de matériel médical avec des tarifs maxima que les hôpitaux pourraient en toute clarté facturer aux patients. Cette liste a été envoyée pour avis aux Commissions d’avis de la Santé publique. Elle comprend plus de 70 prestations avec des tarifs allant jusqu’à 875 EUR. Le coût total de ces prestations, qui pourraient donc être facturées à 100% à charge des patients, représenterait 38,9 millions EUR (+/- 1,6 milliard FB.). Mais, selon les dires des représentants du Ministre, ce nouvel alourdissement de la facture du patient ne serait que relatif car une partie importante de ce coût supplémentaire serait déjà couverte par les assurances complémentaires. Incroyable !

 

Le débat sur l’accès aux soins doit devenir public

Confrontées à la demande d’avis discrète du Ministre et à une nouvelle aggravation de la facture des patients, les Mutualités chrétiennes ont dénoncé ce nouveau détricotage de l’assurance maladie obligatoire. Nous ne pouvons plus admettre cette dérive silencieuse qui rend lentement et sûrement l’assurance complémentaire indispensable pour bénéficier d’une bonne couverture en cas d’hospitalisation. Nous avons plaidé pour que la demande du Ministre soit renvoyée en exigeant d’abord un débat public et transparent sur les choix politiques en soins de santé.

Oui ou non, le budget 2003 des soins de santé peut-il reprendre le coût supplémentaire de ce nouveau matériel médical essentiel ? Oui ou non le budget 2003 reconnaîtra-t-il le sous-financement des hôpitaux ?

Si le Conseil général, les partenaires sociaux et le gouvernement répondent non, il faut en tirer les conséquences et annoncer que, dorénavant, les gens doivent prendre une assurance complémentaire hospitalisation car l’assurance maladie obligatoire ne garantit plus une bonne couverture. Les gens doivent aussi savoir qu’on entre ainsi dans un système de médecine duale avec sélection des risques, exclusion, segmentation et hausse régulière des primes.

Le débat politique sur le coût du nouveau matériel médical est donc non seulement budgétaire, mais aussi et surtout un choix de société.

 

Fini le temps des beaux discours et des grandes théories. La facture des patients à l'hôpital s'emballe réellement. Nous tirons la sonnette d'alarme. Si les politiques n'octroient pas une marge suffisante pour le budget social des soins de santé, nous entrerons de plain-pied dans la médecine duale.

 

Jean Hermesse

Secrétaire National