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Editorial (20 septembre 2001)

Malaise dans les soins de santé

Grève des médecins, pénurie de personnel soignant, déficits croissants, économies linéaires et injustes, risque de déconventionnement, quasi faillite de services de soins à domicile, de maisons de repos …, le climat se détériore dans les soins de santé. Et pourtant, selon les syndicats, les patrons et le Ministre, il n’y a qu’à moins gaspiller et tout serait réglé. Le discours simplificateur trompe la population et risque en fait de mettre les fondements de notre système d’assurance maladie obligatoire en péril.

Septembre et octobre sont des mois budgétaires. A partir des besoins, des estimations techniques et des initiatives en cours et en tenant compte des contraintes économiques, mutualités, prestataires de soins, patrons, syndicats et gouvernement fédéral essayent de se mettre d’accord sur un budget dit réaliste. L’exercice est difficile, les discussions sont ardues même si le gouvernement et les partenaires sociaux ont le dernier mot, les différents acteurs se battent tous pour la viabilité du système d’assurance maladie obligatoire.

Cette année, le ton s’est durci et les points de vue des uns et des autres restent très éloignés.

Pour les partenaires sociaux et le Ministre, les déficits sont dus à la surconsommation

Les partenaires sociaux, patrons et syndicats, ont, dans un avis commun, en juillet, signifié qu’ils proposent pour 2002 d’appliquer strictement la norme de croissance de 2,5 % augmentée du coût des nouvelles initiatives du Ministre, ce qui donne 581 milliards. Au-delà de ce montant, les pouvoirs publics, les dispensateurs de soins et les organismes assureurs n’ont qu’à se débrouiller, soit prévoir un financement complémentaire, soit mettre fin au phénomène de surconsommation. Pour eux il ne faut plus compter sur de nouveaux moyens de à réserver en priorité à de nouvelles réductions de cotisations ou à d’autres améliorations sociales.

Le Ministre, dans une note intitulée “Tournant dans les soins de santé” emboîte le pas. Il souligne que malgré l’ajout de moyens substantiels, le dépassement systématique des budgets met en péril la pérennité du système. Ce dépassement serait entre autres dû à un manque d’efficience de la médecine : surconsommation, variations injustifiées de pratiques médicales, trop de médicaments, … Et d’exiger l’élaboration de propositions concrètes en 6 semaines pour remédier à cette inefficacité pour éventuellement défendre un meilleur budget pour 2002.

Partenaires sociaux et gouvernement ont volontairement simplifié le débat budgétaire : la surconsommation et l’inefficacité de la médecine seraient à l’origine de tous les maux. Si on pouvait éviter tous ces gaspillages, la croissance des dépenses en soins de santé serait acceptable.

L’origine de la croissance des dépenses

Sans conteste il y a des prescriptions de médicaments ou d’actes inutiles, des gaspillages, des variations de pratiques médicales qui ne s’expliquent pas par des différences épidémiologiques. Mais cette situation n’est pas neuve. Les écarts par exemple entre le Nord et le Sud, se sont même réduits en 10 ans. La croissance importante des dépenses de la dernière décennie trouve son origine ailleurs.

Ce sont les syndicats qui sont à l’origine des différents accords sociaux revalorisant à juste titre les salaires du personnel soignant. Cela a coûté plus de 30 milliards par an et la facture du dernier accord social doit encore venir.

Ce sont les syndicats, les mutualités et le gouvernement qui se sont battus pour améliorer l’accès aux soins des plus démunis. Réforme d’assurabilité, extention du régime préférentiel, franchise sociale, minimum à facturer … : le coût de ces améliorations sociales dépasse les 15 milliards de francs !

Les Ministres de la Santé Publique ont dû faire face à de nouveaux besoins (maladies rares, soins palliatifs, SIDA, nouveaux vaccins), ont veillé à l’amélioration de la qualité des soins (normes pour les services d’urgence, conversion de la psychiatrie, qualifications plus élevées en maisons de repos, transports urgents, restérilisation du matériel médical, …). La liste est longue et la facture dépasse les 10 milliards de francs.

Les patrons ont exigé qu’on fixe des budgets réalistes pour l’industrie pharmaceutique. C’est vrai que ces firmes multinationales et celles de l’équipement médical doivent atteindre une croissance de plus de 10 % pour satisfaire des actionnaires gourmands. A eux seuls ces deux postes ont augmenté de 60 milliards en 10 ans et c’est la croissance des prix de nouveaux médicaments et techniques qui explique surtout cette croissance globale.

Et puis enfin, le vieillissement de la population a nécessité plus de soins à domicile et de places en maisons de repos. En 10 ans, ces budgets sont passés de 19 à 57 milliards de BEF…

L’origine de la croissance des dépenses en soins de santé se trouve donc dans des choix politiques et de société.

Les prestataires de soins et les mutualités, tout en reconnaissant leur utilité, n’ont pas été à l’origine de la plupart de ces initiatives.

Quelles sont les perspectives pour l’avenir ?

Pouvons-nous espérer un ralentissement des dépenses dans l’avenir ? Je crains que non.

Pour attirer du personnel soignant, éviter la pénurie, il faudra encore améliorer les conditions de travail. Les innovations pharmaceutiques et technologiques vont s’accélérer. Le vieillissement continuera. Sans doute de nouveaux besoins ou de nouvelles exigences apparaîtront aussi. Les moteurs de la croissance des dépenses en soins de santé resteront donc très actifs. C'est pourquoi les mutualités ont proposé un budget réaliste de 594 milliards pour 2002.

Alors ne trompons plus la population. La croissance des dépenses des soins de santé restera importante. Bien sûr, il faut la maîtriser mais faire croire qu’elle restera confinée à une norme de 2,5 % ou qu’on peut faire de grandes économies en éliminant la surconsommation c’est une illusion. Les conséquences de cette erreur d’appréciation peuvent être dramatiques. En sous-estimant les budgets, on court à des déficits nécessitant des mesures d’économies qui feront reculer l’assurance maladie obligatoire.

Ne pas reconnaître la réalité sociale et politique de la croissance des dépenses en soins de santé conduit à la privatisation de l’assurance maladie. Est-ce bien cela que veulent le gouvernement et les partenaires sociaux en proposant un budget irréaliste et trop bas?

Jean Hermesse

Secrétaire National

(20 septembre 2001)