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A suivre... (5 décembre 2013)

L’inégalité corrosive de la société

© Erwn Wodicka/IMAGEGLOBE

Plus que jamais, les “inactifs” doivent justifier ce qu'ils coûtent à la société, les personnes moins performantes se disculper de ne pas tenir la cadence du monde qui s’accélère et les allocataires sociaux, déjà dans la privation, réduire leurs dépenses. L'assainissement des finances publiques a pour conséquence la fragilisation des moins chanceux. Et si c'était un investissement “négatif” ?

Le fossé se creuse entre nantis et démunis. D’aucuns doutent de l'efficacité des mesures d'austérité imposées, rien ne garantissant que les privations d'aujourd'hui porteront leurs fruits demain. Un ouvrage, Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous(1) de Richard Wilkinson et Kate Pickett, récemment traduit en langue française, invite à prendre un peu de hauteur. Les auteurs tentent de mettre à jour les déterminants du bien-être d'une société. Cette question a l'originalité d'être abordée au départ des inégalités prégnantes de la société. Selon les auteurs, celles-ci seraient dommageables tant pour le haut que pour le bas de la pyramide sociale.

Bien-être et croissance économique

Premier constat: la croissance économique d'un pays ne peut pas, à elle seule, garantir le bienêtre. Au contraire, sur la base de statistiques, les chercheurs constatent que plus un pays s'enrichit inégalitairement, plus il voit apparaître des symptômes problématiques tels que, en vrac, violence, criminalité, dépression, obésité… C'est le cas, par exemple, aux États-Unis. Pourquoi les Nord-Américains, qui ont un produit intérieur brut (PIB) plus é lev é que les Grecs, sont-ils globalement en moins bonne santé? Wilkinson précise : “La situation sociale et sanitaire d'un pays se détériore plus sévèrement si seuls les plus riches s'enrichissent”. Malgré le contexte économique peu enviable de la Grèce et ses jeunes en désespérance qu'elle voit partir de son territoire, la Grèce est moins marquée par les inégalités.

Mais ne déduisons pas que la richesse est sans influence sur l'état de santé. “Ce qui compte à l'intérieur des sociétés, c'est le revenu relatif : l'importance des différences de niveau x sociaux. Dans l'échelle sociale, chaque marche que vous descendez réduit votre espérance de vie(2). À Paris, par exemple, dans les quartiers les plus pauvres, l'espérance de vie est de cinq à huit ans inférieure à celle des quartiers les plus riches.

La relation aux autres

Faire confiance à son voisin, oser demander de l'aide, se sentir en sécurité… sont des indicateurs de qualité de vie en société. Pour Richard Wilkinson, la qualité des relations sociales est fortement influencée par l'échelle des inégalités de revenus. “Si l'écart est grand, les relations sociales sont davantage minées par des logiques de domination, de différenciation, de subordination…” Ces tensions dans les rapports sociaux rejaillissent sur l'état de santé.

Aussi, l'épidémiologiste anglais avance que la santé et le bien-être psychologique sont liés au vécu des personnes. Les conditions matérielles ont leur importance, bien sûr, mais, selon lui, c’est davantage la position sociale de l'individu qui marque son empreinte. Ainsi, le travailleur qui occupe un poste considéré comme à bas statut serait davantage exposé au sentiment de contrôle, à la dépression, au stress qu'un cadre. Ses arguments s'appuient sur des expérimentations montrant que lors d'une rencontre avec un individu d'un statut social plus élevé que soi, les manifestations physiologiques de stress et de tension sont couramment observées. Le stress chronique a des effets établis sur la santé. Par lien de cause à effet, les inégalités marquées entre classes sociales auraient donc un impact sur le bien-être d'une population.

Investissements à perte

Une société inégale génère des rapports plus stressants, plus violents entre ses membres”, dit encore Richard Wilkinson. Dans une société qui érige la théorie du Struggle for life (lutte pour la survie) comme règle de fonctionnement, la compétition s’accroit pour maintenir le statut social des individus et l'insécurité pour conserver ce statut augmente. Pour se protéger des autres, des frontières sont renforcées. Pour répondre à la criminalité, des prisons sont construites. Pour gérer le non-emploi, des allocations de survie sont distribuées… Ces mesures, elles ne profitent ni aux riches, qui y contribuent par l'impôt, ni aux pauvres, maintenus en état de survie. Il faut explorer une autre voie.

Agir

Mais comment participer à la construction d'une société plus égalitaire? La question ne peut qu’interpeller ceux qui auront entendu ou lu le plaidoyer de Richard Wilkinson et Kate Pickett pour l’égalité. Ainsi, le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, la Fédération des maisons médicales et Centre local de promotion de la santé ont fait un premier pas, fin novembre, en invitant Richard Wilkinson pour un forum participatif. Après s'être nourris de ses thèses, et à l'approche des élections, les partenaires réfléchissent ensemble à des pistes d'actions qui seront présentées aux partis politiques avant le scrutin du 25 mai. A suivre, donc.

//MATTHIEU CORNÉLIS

(1) Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous ? • Richard Wilkinson et Kate Pickett • 2013 p. • 503 p. • Coédition Les petits matins • Institut Veblen • Etopia

(2) Lire Wilkinson dans Le Grand Entretien • Rue89 • 20 octobre 2013 • www.rue89.com

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