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A suivre... (3 octobre 2013)

Etre heureux même si…

© Matthieu Cornélis

Nos vies, si elles sécrètent des joies – en brindille ou en gerbe –, sont aussi semées d'embûches, parfois de cataclysmes. Même aux yeux des plus enjoués, elles ne sont pas comparables à de longs fleuves tranquilles. Est-il possible de cultiver le bonheur dans l'adversité ?

Magda Hollander-Lafon a 85 ans. Après 1944, elle s'est longtemps reproché de vivre, d'avoir survécu à la Shoah. Pour survivre encore, elle a mis cette étape entre parenthèse et vécu à 300 kilomètres à l'heure. Mais pour transmettre aux jeunes générations, pour retrouver sa voix, il lui a fallu se dégager de cette souffrance, la reconnaître. “La souffrance tapie au fond de soi, il faut la canaliser, la visiter, l'accueillir, la nommer”, explique cette vieille dame au regard si lumineux et transperçant. “Surtout ne pas s'enfermer au-dedans“. Elle témoigne de la joie à l'épreuve de la vie : “Nous sommes tous des éclopés de la vie. Nous nous griffons et nous griffons les autres parce que la vie nous a blessés. Les nuages noirs cachent souvent le soleil, mais nous savons qu'il est là et n'attend que de se lever dans nos cœurs.(1)

Il y a sept ans, Anne-Dauphine Julliand remarque que sa petite fille marche d'un pas un peu hésitant, son pied pointant vers l'extérieur. Après une série d'examens, les médecins découvrent que Thaïs est atteinte d'une maladie génétique orpheline. Elle vient de fêter ses deux ans et il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Une intention guidera et guide encore cette maman après la mort de sa fille : “Il faut ajouter de la vie aux jours, lorsqu'on ne peut ajouter de jours à la vie”. Vivre chaque instant, sans se dire que c'est peut-être le dernier, mais en incarnant le temps présent, c'est la promesse qu'elle s'est faite. “Quand un moment douloureux survient, je le vis pleinement comme il est”, raconte celle qui en appelle à garder notre capacité à nous émouvoir, à nous émerveiller aussi, même face au tragique, et à respecter la joie de l'autre, même quand on est malheureux. “Le bonheur dans l'adversité vit à ce rythme du quotidien”, dit-elle(2).

A 38 ans, Eve Ricard apprend qu'elle est atteinte de la maladie de Parkinson. C'est la “déflagration”, se souvient-elle, vingt ans plus tard. Depuis, elle trouve “d'autres façons de naviguer”, attachée à une conviction : “J'ai la maladie, je ne suis pas la maladie”. Elle la prend comme une énergie, pas comme une adversaire, soucieuse de trouver une façon de vivre avec le mal qu'elle ne peut pas changer. S'il y a une chance à l'épreuve, c'est de libérer des chaînes de la peur et d'ouvrir une espérance a priori impossible, explique l'ancienne logopède à la retraite. En dépit de sa maladie, elle a continué à se dévouer à plein temps aux enfants, “des enfants pas fréquentables, ceux qu’on ne voit jamais dans les goûters d’anniversaire… des champions en grossièretés…”. Quand un examinateur lui demandera la qualité personnelle principale pour exercer son métier, “une chose m’a paru évidente, raconte Eve Ricard, et j’ai répondu : ‘être aimante’(3).

Philosophies de vies

Comme ces trois femmes en témoignent, faire face à une grande adversité peut révéler les forces – parfois cachées ou ignorées – de l’être humain. Leurs parcours aux contours extrêmes fourmillent de sagesses de tous les jours, de leçons de vie. A les écouter, on perçoit les lignes de forces qui peuvent inspirer chacun : épuiser la rancœur, prendre la route du pardon, redonner sens à sa vie, être présent à chaque instant de vie, se dégager de la rumination de l’adversité sans nier le tragique… En somme, le bonheur ne s’apparente pas à positiver en toutes circonstances, mais relève davantage d’une dynamique à cultiver.

Malheur vécu dans sa chair ou malheurs qui ne manquent pas d’affecter le monde, aucune existence n’en est épargnée. S’agit-il de jouer l’insouciance ? Ou au contraire de tomber dans le désespoir ? Certains, comme le psychiatre Christophe André ou le moine bouddhiste Mathieu Ricard, invitent à l’adoption d’un bonheur lucide et la pratique de l’altruisme et de la compassion. Car il ne s’agit pas de gommer l’adversité ou de vouloir se protéger du malheur, mais bien de conserver la capacité de sourire, d’appeler le meilleur en soi-même et de participer à le révéler en chacun.

// CATHERINE DALOZE

>> Les témoignages et autres points de vue sont issus d’un colloque intitulé “Bonheur et adversité : la joie à l'épreuve de la vie”, organisé le 27 septembre dernier par l’asbl Emergences. Plus d’infos : www.emergences.org

(1) Magda Hollander-Lafon, “Quatre petits bouts de pain. Des ténèbres à la joie”, éd. Albin Michel, 2012.

(2) Anne-Dauphine Julliand, “Une journée particulière. Témoignage”, éd. Les Arènes, 2013.

(3) Eve Ricard, “Parkinson blues”, éd. Arléa, 2004 et “La dame des mots”, éd. Nil, 2012.

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