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A suivre... (1er août 2013)

Du temps pour soi ?

© Philippe Turpin/Belpress

Plus nous avons du temps, constate le psychiatre Laurent Schmitt, plus nous cherchons à le remplir. Dans un ouvrage récent(1), il pose de vraies questions sur ce temps qui nous dévore au jour le jour.

Depuis plus d’un demi-siècle, la société se bat pour la réduction du temps de travail, avec l’espoir d’une meilleure qualité de vie. Or, après le travail même à heures réduites, les agendas restent surchargés. Ménage, repas, enfants, famille, amis, activités associatives, sport, sorties culturelles se bousculent. Le temps pour soi est le plus souvent du temps pour les autres.

Le week-end, les individus se pressent sur les parkings encombrés des centres commerciaux avant de se bousculer au rayon légumes, à la boucherie, et à la caisse. L’été, les vacanciers en nombre choisissent des séjours “clés en main” prêts à suivre des parcours imposés, pour découvrir un maximum de choses en un minimum de temps. Jusque dans leurs loisirs, ouvriers et employés se doivent d’être pressés et de vivre en flux tendu. L’hyperactivité, le goût de la compétition, la recherche de la réussite ne sont pas seulement le fait des traders, jamais en repos, scotchés à leurs ordinateurs dans les salles des marchés financiers. Nombre sont ceux, au profil compétitif, qui entreprennent leurs loisirs comme un travail: “Le passe-temps devient une exigence”. Qu’il s’agisse de danse ou de promenades, de musique ou de vélo, le hobby devient performance, jusqu’à envisager qu’il puisse enrichir un CV!

Etre disponible : un asservissement ?

Avec le téléphone et le PC portables, avec les tablettes… on est de plus en plus souvent au travail à domicile. Au point que les syndicats allemands, parlent du “droit à ne pas être joignable” tant la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée est de plus en plus floue. La législation belge interdit – en principe – le travail en dehors des horaires prévus, mais le fait de recevoir un gsm semble supposer implicitement que l’on doit rester joignable. Les nouvelles technologies facilitent les communications, multiplient les contacts “urgents” mais créent aussi de nouvelles obligations.

L’irruption des nouvelles technologies tend à casser la différence entre le temps de travail et le temps libre. Un SMS exige une réponse immédiate, où que l’on soit. A la caisse d’un magasin, dans un tram bondé, au volant de la voiture, en réunion, à table… peu de gens refusent de prendre une communication. On ne voudrait pas s’entendre dire: “Tu n’allumes jamais ton portable” et passer pour quelqu’un de peu sociable! Mais être “relié aux autres”, est-ce vivre proches de ceux qui sont loin aux dépens de l’entourage? Un mail, un texto, un tweet… ne remplacent pas l’émotion du face à face.

Laurent Schmitt, jonglant avec une terminologie propre à la santé mentale, décrit en détail ce qu’il appelle le “fonctionnement caractériel” de notre société. Tout est dans l’action plus que dans la réflexion. L’activité est le modèle. L’efficacité est dans la capacité de répondre tout de suite à toutes les sollicitations. La réactivité est plus importante que la réponse construite et réfléchie. L’action est dans la recherche du résultat immédiat plus que dans le résultat durable.

Il n’est dès lors pas étonnant que se multiplient les “maladies du temps libre”. On pense au stress, aux problèmes cardiaques. Mais, plus ordinaire, en ces temps rythmés, l’ennui devient une maladie. Il est interdit de ne rien faire. Il faut s’occuper. Et pour “tuer le temps”, il faut emplir, amasser, se divertir. La nouvelle modernité a escamoté notre temps libre pour un univers d’accumulation, le plus souvent mercantile. Heureusement, tandis que certains vivent avec la peur au ventre de perdre du temps, il y a “ceux qui arrivent toujours en retard”, avec régularité. Ils agacent leur entourage qui piétine d’impatience. Mais ne serait-ce pas leur manière à eux de résister à ceux qui ont fait de leur quotidien une course à l’urgence?

En conférence… avec soi

Le rapport au temps est devenu source de névroses. Nous avons besoin de temps d’arrêt. Nous avons besoin de retrouver notre rythme propre, notre “rythme intime”. Mais avant de se confier aux trucs proposés par de nombreux coaches spécialisés dans l’organisation du temps, il faut savoir qu’il n’y a pas de recettes miracles. L’enjeu n’est pas seulement de “gagner” du temps libre. Il est de construire un nouveau rapport au temps en respectant quelques principes d’équilibre.

Certes il s’agirait de ménager des espaces à soi : du sport, de l’art, de la marche, des temps de méditation,… Encore faut-il ne pas se laisser entraîner dans une pléthore d’activités. Il faut savoir laisser filer le temps. Même au travail, les micro-pauses, mais aussi les conversations où, entre collègues, on parle d’autre chose que du boulot, aident à tenir le stress à distance. Il ne faut surtout pas penser qu’à ces instants nous sommes non-actifs, et donc coupables. Il s’agit de reprendre en main son rythme de vie.

D’une façon générale, Laurent Schmitt propose d’apprendre à distinguer le temps privé du temps professionnel, de mener une vie qui ne soit pas entièrement réglée par les sollicitations des médias et les conventions sociales, de refuser les parti pris d’urgence et d’immédiateté en faisant le tri entre l’essentiel et l’accessoire, de développer un légitime souci de soi pour ne pas oublier le bonheur du jour.

// CHRISTIAN VAN ROMPAEY

(1) Laurent Schmitt, Du temps pour soi. Conquérir son temps intime. Editions Odile Jacob, 2010. Laurent Schmitt coordonne le pôle de psychiatrie des hôpitaux de Toulouse, et dirige une équipe de recherche sur le stress et le traumatisme.


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