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A suivre... (20 juin 2013)

La crise de l’égalité

© Philippe Turpin/Belpress

Depuis que sévit la crise financière, la critique n’a cessé de s’amplifier contre les écarts de richesse démesurés que rien ne peut justifier. Ni la morale, ni la politique. L’objectif d’une société démocratique n’est-il pas d’assurer à tous et à chacun de vivre dans une société juste ?

Ces derniers mois, on a vu converger un feu nourri de critiques contre les avantages indus obtenus anonymement dans des “paradis fiscaux”, contre ceux qui éludent l’impôt – outil essentiel de la redistribution des richesses –, contre les rémunérations astronomiques des grands patrons, contre les parachutes dorés des grands financiers, contre les revenus déraisonnables des grands sportifs et des champions du show business pourtant adulés du grand public… Ces remises en cause, ces condamnations ont le mérite d’exister. Mais la question des inégalités doit aller plus loin que la seule dénonciation des ultra-riches, affirme le sociologue français Pierre Rosanvallon(1).

Combien de citoyens, qui ne sont pas nécessairement les plus pauvres, n’ont-ils pas le sentiment de vivre dans une société injuste parce que leurs salaires sont trop bas par rapport à leurs besoins quotidiens? Certains évoquent leurs difficultés à trouver un logement convenable, à faire face à leurs frais de santé, à couvrir les frais scolaires, à partir en vacances, à obtenir gain de cause devant un tribunal…?

La montée des inégalités et ses conséquences sont bien documentées et abondamment analysées. Mais que fait-on pour les réduire? Bien que chacun affirme son attachement à la démocratie en tant que régime, cela n’empêche pas la société de se déliter. Une grande partie de la population intègre inconsciemment les objectifs d’une société libérale et de ses mécanismes producteurs d’inégalités: la valorisation du mérite justifie les différences ; l’individu ne s’engage que pour lui-même; la concurrence qui tue est la loi des échanges commerciaux. “D'où, explique Pierre Rosanvallon, le sentiment diffus que les inégalités sont ‘trop fortes’, ‘scandaleuses’, voisines du même coup avec une sourde résistance à les corriger pratiquement”.

La société des égaux

Le projet d’une société égalitaire, tel qu’il avait été formulé dans les révolutions américaine et française, était pensé comme une manière de “faire la société, de produire et de faire vivre le commun. Elle était considérée comme une qualité démocratique et pas seulement comme une mesure de la distribution des richesses”. L'idée de faire advenir une “société des égaux” était centrale. Les individus devaient se considérer comme des semblables, citoyens d’une même société. Cela allait plus loin que la simple problématique de la réduction des écarts de richesse.

La perspective, rappelle Rosanvallon, était d'instaurer un monde sans dénivelés, dans lequel chacun avait les mêmes droits, était reconnu et respecté comme aussi important que les autres. La notion d'égalité définissait ainsi au premier chef une forme de relation sociale”. Mais aujourd’hui, cette tendance séculaire à la réduction des inégalités est en panne, au point de faire vaciller les bases de la vie en commun. “La connaissance sans cesse plus précise des inégalités ne conduit pas à les corriger”.

La réduction des inégalités est certes dans les programmes et les discours, comme une incantation. Mais, poursuit le chercheur français, “elle n’est souvent plus rapportée qu’à l’idée réductrice d’une lutte contre la pauvreté manifeste”.

Surmonter la crise de l’égalité

Comment être citoyen dans ce contexte? Comment concilier la solidarité avec l’individualisme contemporain? Comment ne pas se réfugier dans la sphère privée, si tentante pour nombre de citoyens- consommateurs?

Au-delà de la colère exprimée contre les écarts de revenus indécents, c’est bien la société démocratique dans son ensemble qui a été mise en cause par le mouvement des indignés. Ils se sont révoltés parce qu’ils n’étaient plus considérés comme citoyens par leurs semblables, du fait d’avoir perdu leur travail ou leur maison. Ils se sont sentis abandonnés par la communauté nationale, voire par l’Europe. L’Etat social est en crise. Il ne pourra retrouver vigueur sans un réapprentissage et une revitalisation de la vie en commun.

Si l’on veut éviter les dénonciations démagogiques de “l’assistanat”, la montée du populisme, l’activisme d’extrême-droite, la segmentation de la société, il est urgent, selon Pierre Rosanvallon, de reconstruire la société autour d’une culture de l’égalité. Il faut réinventer le lien social, notamment en réinvestissant dans le non-marchand, dans ce qu’il appelle les “biens relationnels” et les biens publics que l’on a marchandisés d’une manière excessive. Mais il ne faut pas rêver à un retour à l’Etat distributeur tel que nous l’avons connu : “C’est aujourd’hui à l’âge de l’individu qu’il s’agit de reformuler les choses”. Il faut pour cela instaurer des lieux de “communalité” pour que les gens se rencontrent.

En acceptant que les individus soient reconnus dans leur singularité, que leur autonomie soit respectée dans un équilibre d’échanges, que la citoyenneté n’est pas seulement le suffrage universel mais la participation citoyenne active, nous apprendrons à renouveler la solidarité. La singularité et l'émancipation de chacun ne sont possibles que dans la réciprocité. La société des égaux suppose un monde commun, tout autre qu’une société fragmentée.

// CHRISTIAN VAN ROMPAEY

(1) Pierre Rosanvallon, La société des égaux. Collection Les livres du nouveau monde. Ed. Seuil 2011


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