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A suivre... (7 mars 2013)

En langage clair, s’il vous plait !

Juristes, médecins, informaticiens, scientifiques, philosophes... : certaines professions utilisent un langage pointu, hautement technique ou spécifique qui leur permet d’être compris de leur corporation. Mais le plus souvent, ce langage échappe largement au commun des mortels. La palme d’or en revient certainement aux praticiens du droit, enfermés dans un langage d’une autre époque. Se faire comprendre du citoyen-justiciable est pourtant une question élémentaire de démocratie.

Vu les pièces de la procédure,
Ouï les explications et les moyens de défense du prévenu ;
Vu les conclusions déposées par Me D., avocat du prévenu ;
Ouï M T. substitut du procureur du Roi, en ses résumés et conclusions ;
Attendu que la prescription de l’action publique a été régulièrement suspendue depuis l’expiration du délai ordinaire d’opposition jusqu’au jour de la signification de l’opposition déclarée recevable…

N’en jetons plus. Cet extrait d’un jugement du tribunal correctionnel en dit long sur le langage juridique hermétique qui reste très largement adopté dans nos cours et tribunaux mais aussi dans les courriers des huissiers, avocats et autres praticiens du droit. “Le justiciable est pourtant le premier concerné par les actes judiciaires. Comment peut-il répondre de façon adéquate à la justice s’il ne comprend même pas ce qu’on lui veut ? Comment peut-il accepter une décision du juge s’il ne saisit pas ce qui a été décidé ? La justice, faut-il le rappeler, est un service public qui devrait être accessible à tous”, observe Damien Vandermeersch, avocat général à la Cour de cassation(1).

Le langage juridique est généralement présenté comme une exigence technique, formelle, mais le problème essentiel n’est pas l’usage de mots techniques –, ceux-ci peuvent être expliqués par des annexes ou des notes en bas de page des textes – mais bien la manière de s’exprimer”, ajoute Jean- François Funck, juge au tribunal du travail de Nivelles, qui plaide depuis de nombreuses années pour simplifier le langage judiciaire(2). “De manière inconsciente, en partie du moins, il y a un plaisir à compliquer l’expression, une volonté de conserver le langage de la caste, du monde judiciaire. C’est une façon de montrer : on est entre nous, on se distingue, on se comprend. Le langage est une forme de pouvoir”, assure-t-il. Il existe d’ailleurs de nombreuses résistances à l’adoption d’un langage juridique simplifié, tout particulièrement dans les universités et... chez les avocats. Comme si ceux-ci craignaient que les justiciables puissent faire l’économie de recourir à leurs conseils. Il n’en est rien évidemment. Tout le monde gagne à ce que les citoyens comprennent le droit. Du reste, les mentalités évoluent et certaines branches de la justice se montrent plus enclines, semble-t-il, à faire évoluer leur langage. C’est le cas de la justice de paix, de la justice du travail, de la médiation de dettes..., estime l’Observatoire du crédit et de l’endettement(3).

Le droit de comprendre

Outre-Atlantique, la tendance à simplifier le langage du droit est déjà ancienne. Aux Etats-Unis, les organisations de consommateurs ont poussé à légiférer dans les secteurs des assurances, des banques pour davantage de clarté et de lisibilité (taille des caractères notamment). Le monde judiciaire a suivi. Cette matière fait l’objet de recherches universitaires, comme l’expliquait, lors d’une récente journée de travail consacrée au langage juridique clair(4), Nicole Fernbach, représentante du réseau Clarity au Canada.

En fait, il s’agit, sans perdre la valeur de fond, de rendre les écrits ou les propos plus accessibles pour que le destinataire puisse agir en conséquence. Il faut donc mettre à profit toutes les ressources de la langue, du graphisme et de l’image pour créer un document qui sera lu, compris et utilisé par chaque destinataire. Un exercice qui ne s’improvise pas et demande de la rigueur. “Simple ne veut pas dire simpliste, observe Jean-François Funck. Il n’est pas question de balayer les termes corrects au risque de créer une incertitude juridique. Mais toute une série d’expressions archaïques, de jargons, de mots inutilement compliqués, de références peuvent facilement être évités. Dans les jugements, il faut aussi supprimer cette tradition de la phrase unique (qui peut quand même prendre des dizaines de pages)”.

Les grands principes du langage clair ?

Avant de rédiger, cibler le destinataire et organiser les idées dans un ordre logique. Lors de la rédaction, choisir des mots courants, concrets, supprimer le verbiage, le jargon, les abréviations, les concepts abstraits. Construire des phrases courtes et articulées avec une seule idée maîtresse pour chacune, privilégier la voie active et la forme affirmative, mettre ce qui est important en évidence, illustrer par des exemples, répéter les mots-clés, structurer les textes et les présenter clairement avec une police lisible, un graphisme sobre, des espacements suffisants. Sur le fond, d’autres recommandations s’imposent autant par respect des personnes que par exigence de clarté : appeler les gens par leur nom (plutôt que de parler de partie défenderesse par exemple), éviter les termes méprisants, péjoratifs ou malheureux (comme assisté social)...

En cette année européenne des citoyens , il serait sans doute judicieux de sensibiliser tous les acteurs à adopter les principes du langage clair et de la lisibilité dans leurs contacts et communications avec le public. Qu’il s’agisse des administrations, des entreprises commerciales, des compagnies d’assurances ou encore des médecins. N’est-il pas dans l’intérêt de chacun d’être intelligible et bien compris pour améliorer son image et sa crédibilité, pour cultiver de bonnes relations? C’est aussi une marque de respect élémentaire envers les clients, les usagers et les patients.

// JOËLLE DELVAUX

(1) A lire sur www.justice-en-ligne.be

(2) Il est coauteur de “Dire le droit et être compris” – Vade-mecum pour la rédaction d’actes judiciaires - tome 1 : droit civil (2003), tome 2 : droit pénal (2010) - Ed Bruylant.

(3)La justice sans jargon” – Echos du crédit – 1er juillet 2010 - www.echosducredit.be

(4) En novembre 2012, l’ASBL “Droits quotidiens” a rassemblé près d’une centaine d’acteurs à son université d’hiver sur le langage juridique clair. Infos : 081/39.06.20. – www.droitsquotidiens.be


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