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A suivre... (21 février 2013)

Crise et moral : vogue la galère !

© Pierre Rousseau/Belpress

La crise marque-t-elle les comportements? Déteint-elle sur les humeurs? Dépression économique rime-t-elle avec dépression psychologique? Certains observent une sorte de corrélation infernale entre les deux phénomènes, tout en ajoutant que ce contexte peut être le moment de “réexaminer ses valeurs, sa vision du monde”.

Des chiffres illustrant la pauvreté financière, il ressort que 1.656.800 Belges – soit 15,3% de la population – vivent en dessous du seuil considéré comme critique. Leur revenu présage un risque accru d'indigence, comme on qualifiait la pauvreté voici des décennies. Si l'on quitte les calculs monétaires pour entrer dans le ressenti plus subjectif, ce sont alors 20,8% des Belges qui indiquent avoir des difficultés ou de grandes difficultés à s'en sortir(1). Sans compter ceux que les enquêtes ne prennent pas en compte, faute d'intégration au registre national des personnes physiques : sans abri, en séjour illégal… Pour eux aussi, la plupart du temps, que l'on analyse l'affaire en monnaies sonnantes et trébuchantes dans leurs poches ou en perception quotidienne de leur pouvoir d'achat, pas de doute: la situation est critique.

Pauvreté marquante

Parfois, la pauvreté saute aux yeux. Comme avec cette dame postée à la sortie d’un supermarché. Elle ne semble avoir trouvé d'autre alternative que de vendre un journal En Marche adressé à un voisin, souhaitant une bonne année en couverture et informant des avantages de l’assurance complémentaire… Probablement, l'a-telle dégoté dans une boîte aux lettres à proximité. Probablement, a-t-elle pensé qu'il pouvait faire office de “Macadam journal” ou du journal “Sans abri”. Peut-être a-t-elle trouvé la couverture jolie, et imaginé qu'un client du supermarché l'achèterait volontiers.

L’anecdote est cocasse. Pas banal de voir ainsi exposé le journal En Marche. Néanmoins, les scènes de débrouille sont familières. Finalement, ils sont nombreux – de plus en plus nombreux? – à tendre la main, à attendre l'aumône un carton à leurs pieds, à monnayer un petit service, à demander une main sur le cœur quelques pièces… Au point qu'ils ne semblent plus troubler grand monde ceux que d'aucuns qualifient de “troubles” de l'ordre public (on se souviendra des mesures prises en mai dernier par la ville de Liège permettant l’arrestation administrative et la mise sous écrou de mendiants). Ils sont devenus partie du décor. A peine, subsistent la gêne quant à l'attitude à adopter, le malaise empli de questions: que fera-t-il/elle des sous? Est-il/elle le rouage d'un réseau? Pourquoi donner à celui-ci plutôt qu’à un autre?

Pauvreté latente

A côté du manque d'argent visible, la crise et son cortège de difficultés sociales et financières ont généré, dans un nombre grandissant de ménages, bien des comportements pour faire face. Les observateurs de la consommation remarqueront des achats différés, voire annulés, une recrudescence du marché de l'occasion, le succès du “fait maison” et du “bricolé soi-même”, le développement des groupements pour obtenir de meilleurs prix… Brocantes et vide-greniers auraient le vent en poupe. “Le principe que l'usage prime sur la possession” rencontrerait davantage d'engouement. A la faveur de la location, du prêt, de l'achat collectif…, bref de la débrouille connue de longue date par certains.

Le moral en berne

La crise inquiète, affecte le moral”, écrit le sociologue Jean-François Dortier dans le mensuel Sciences humaines, consacré à “Vivre en temps de crise(2). Le directeur de publication passe en revue une gamme de réactions psychologiques que la crise suscite. D’entrée, il évoque – à gros traits - la “peur de la chute”, la hantise de se retrouver à la rue, sans emploi... L’angoisse aussi, plus diffuse que la peur, qui tourmente en silence, provoque des troubles du sommeil. Egalement la colère nourrie parfois d’indignation ou le ressentiment. “En temps de crise, le ressentiment alimente haines et rancœurs, il nourrit le sentiment de vengeance et la recherche du bouc émissaire, observe Jean- François Dortier. Au sein de certains milieux populaires ou des classes moyennes, le ressentiment se porte sur ceux d’en haut, mais aussi sur ceux d’en bas, suspectés de bénéficier de privilèges auxquels eux n’ont pas droit”. Et pour clôturer ce sombre parcours, il évoque les dégâts à l’estime de soi induits par la perte de statut que peut engendrer le chômage ou la faillite. Ces propos résonnent violemment alors que les journaux télévisés de ce 14 février relatent le suicide d’un homme face à “Pôle emploi”(3).

Avec une pointe d’optimisme

Le tableau ainsi noirci n’affiche heureusement pas une teinture monochrome. La crise est aussi l’occasion, avance l’auteur, de réévaluer ses priorités, de “ré-enchanter la vie”. Excès d’optimisme ou vision simplement nuancée ? On a – en tout cas – très envie de croire Jean-François Dortier. D’autant qu’il argumente : “D’abord, tout le monde n’est pas touché par la crise. Ensuite, à situation égale, tout le monde ne réagit pas de la même façon. Enfin, l’espoir et le désespoir, l’euphorie ou la tristesse ne sont pas des sentiments très stables et peuvent osciller d’un moment à l’autre”. Et le sociologue de remarquer comme la crise peut favoriser de nouveaux liens de solidarité, comme les situations extrêmes peuvent contribuer à un “réaménagement des systèmes de valeurs”.

Sortir de la galère nécessite de rencontrer d’autres mains tendues. Pas forcément de celles qui distribuent billets ou piécettes. Surtout de celles qui dégagent une chaleur humaine.

//CATHERINE DALOZE

(1) Voir www.luttepauvrete.be, site internet du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale.

(2) “Vivre en temps de crise”, in Sciences humaines, n°245, février 2013.

(3) Structure française aux missions comparables à celles du Forem ou d’Actiris.


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