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A suivre... (24 janvier 2013)

L'animal qui sommeille en nous

© Philippe Turpin/Belpress

Intrinsèquement violent, l'être humain? Conçu pour affronter la lutte pour la vie (“Struggle for life” disait Darwin)? Adapté au règne de la loi du plus fort? Des voix s'élèvent pour réajuster une lecture de nos comportements qui serait trop orientée “compétition”. Naturellement, nous sommes aussi des êtres empathiques et solidaires.

Ethologue, Frans de Waal, est un observateur obstiné des animaux, en particulier des primates. Chimpanzés, bonobos, singes capucins sont dans son collimateur depuis près de trente ans. Il dissèque leurs attitudes, collectant avec minutie leurs réactions en captivité et dans leur milieu naturel, s'intéressant aux travaux de ses collègues de par le monde. Mais le biologiste ne se cantonne pas au monde animalier. Profondément intéressé par la nature humaine, il établit des ponts entre ses recherches et les comportements humains, l'organisation de la société des hommes.

Des exemples d’observations animalières? Ces dauphins qui soutiennent un congénère en état de choc après une déflagration et l'aident à remonter à la surface pour lui faire aspirer de l'air, alors que leurs propres évents restent de ce fait immergés. Ces femelles éléphants qui coordonnent littéralement leurs mouvements pour dégager un éléphanteau qui s'engloutit dans une fosse boueuse. Ce petit singe de zoo qui nettoie la gueule d'un hippopotame. Ce chimpanzé mâle qui calme deux femelles se disputant une pastèque, en s'interposant entre elles, bras en croix, jusqu'à ce qu'elles cessent de crier. Cette baleine à bosse qui semble remercier des plongeurs de l'avoir délivrée des filins des pêcheurs de crabes dont elle était prisonnière, en donnant un léger coup de museau à chacun d'eux, une fois l'opération terminée. Ce petit singe qui partagera la récompense dont il est gratifié avec son alter ego, sans lequel il n'aurait pas accompli la tâche demandée par un chercheur. Etc.

Les récits repris ici comptent parmi les plus étonnants, les plus emblématiques aussi. Ajoutés à une série d’observations plus élémentaires (certains animaux qui se reconnaissent dans un miroir par exemple), ils tendent à démontrer que de nombreux animaux sont prêts à prendre soin les uns des autres, à s'entraider, voire – dans certains cas – à se mobiliser pour sauver la vie de leurs congénères(1). Au cœur des comportements d'une série d'espèces, on trouve une propension à répondre à l'état émotionnel d'autrui. Autour de ce noyau, l'évolution a construit des capacités de plus en plus élaborées, allant du souci des autres au réconfort, jusqu’au sens de la réciprocité – sans bénéfices directs –, en passant par l'adoption de points de vue d'autrui.

Frans de Waal a acquis cette conviction : “L'empathie est une part de notre héritage aussi ancienne que la lignée des mammifères”. Ainsi, se limiter à l'adage : “l'homme est un loup pour l'homme”, reviendrait à s'appuyer sur de fausses hypothèses à propos d'autres espèces. La compétition n'est pas le seul moyen de survivre. La coopération a largement sa place. Et notre espèce en particulier - décrite comme la plus narcissique de la planète tant elle soigne son apparence - présente un double visage: à la fois social et égoïste. Ces traits “robustes” de l'évolution, il nous appartient de les contrecarrer ou de les renforcer. Car la nature, précise l'éthologue, offre une information, une source d'inspiration, pas une prescription. Il y voit de son côté des “leçons pour une société plus solidaire”.

Comme le suggère une autre experte en primatologie, la philosophe Chris Herzfeld, l’homme devrait faire preuve d’humilité et accepter ce que les grands singes sont en mesure de lui transmettre(2). Pas question ici de faire de leurs sociétés des modèles qu'il faudrait imiter à tout prix. Mais une invitation à cesser d'opposer homme et animal, nature et culture, corps et esprit(3).

// CATHERINE DALOZE

(1) Frans de Waal, L'âge de l'empathie. Leçons de la nature pour une société solidaire. Ed. Les liens qui libèrent, 2010.

(2)Si les grands singes pouvaient parler”. Interview dans La Libre Belgique, 4 janvier 2013.

(3)Les grands singes si proches cousins”, dans Le Monde, 15 décembre 2012.

 


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