A suivre...
(10 janvier 2013)
Belgique, terre d'accueil
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© Philippe Turpin/Belpress |
La Wallonie
s’avance vers le démarrage prochain de son parcours d'accueil : le projet de
décret est approuvé. Il fixe, pour les candidats résidents, quelques
passages obligés, afin de veiller à leur bonne “intégration”. Dans le même
temps, le bilan 2012 de la politique d'asile belge s'enorgueillit d'une
réduction de 15,5% du nombre de candidats. Etrange hospitalité.
Depuis l'été,
l'intégration – et ses “échecs” – ont refait surface avec plus d’acuité sur
la scène politico- médiatique belge. Ce réveil soudain vient de Molenbeek et
des sorties – quelque peu théâtralisées – de l'organisation radicale
Sharia4belgium. En réponse au malaise, l’attention politique francophone
s’est portée sur l'instauration d'un parcours d'intégration déjà dans les
cartons, à l’attention des primo-arrivants - entendez ceux qui arrivent pour
la première fois dans notre pays, avec l'intention de s'y installer
durablement. En Wallonie et à Bruxelles, les projets se concrétisent.
Ainsi le
gouvernement wallon vient-il de s’accorder sur un parcours d’accueil à
destination de toute “personne étrangère séjournant en Belgique depuis
moins de trois ans et disposant d’un titre de séjour de plus de trois mois,
à l’exception des citoyens d'un Etat membre de l'Union européenne, de
l'Espace économique européen et de la Suisse et les membres de leurs
familles”.
Quatre axes
composent le parcours wallon, dénommé comme suit : un premier accueil, une
formation à la langue française en fonction des besoins, un module de
formation à la citoyenneté, une orientation socioprofessionnelle. Le premier
accueil est un passage obligé pour les nouveaux venus sous peine d’amende,
précise le texte de la Ministre Tillieux en charge de cette matière, qui est
encore relativement vague sur le reste(1). “Le
primo-arrivant est tenu de se présenter à cet accueil dans un délai de 3
mois à dater de son inscription dans sa commune”. Il y sera informé de
ses droits et devoirs de résidant en Belgique, participera à un bilan de ses
connaissances (langue française, formation professionnelle, diplômes…) ; et
se verra proposer une aide à l’accomplissement des démarches administratives
de première ligne “afin de leur permettre de répondre rapidement à
l’ensemble de leurs obligations et de bénéficier des droits fondamentaux
(accès au logement, aux soins de santé, à la scolarité…)”.
L’aspect
“contraignant” – du tout ou d’une partie – fait débat. Les avis divergent à
propos de la contrainte, elle est considérée tantôt comme nécessaire pour
éviter de s’apparenter à “une aimable invitation à s’installer chez nous”,
ou comme comparable à l’obligation scolaire ou de vote ; tantôt comme
discriminante parce que les Européens ne pourront intégrer le même parcours,
la législation européenne interdisant toute obligation de cet ordre pour eux
; ou comme contre-productive pour ceux qui estiment que le libre choix
garantit davantage d’implication, que la menace n’est pas la meilleure
motivation. Elle serait très coûteuse, disent encore les plus pragmatiques ;
tandis que quelques-uns mettent en avant sa réciprocité : tant le migrant
que l’Etat sont tenus ainsi, pour obligés.
Remarquez
l’intitulé : parcours d’accueil. Il est vrai que “parcours d'intégration”
aurait engagé à un processus bien plus long et dépendant de multiples
facteurs comme l’emploi, la participation à la vie du quartier, du village,
l’ancrage dans un lieu… “Les primo-arrivants ne deviendront pas citoyens
en ingérant des contenus et des valeurs comme s’ils étaient des coquilles
vides qu’il s’agirait de remplir en un minimum de temps, remarquent
Fred Mawet du Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers)
et Christine Kulakowski du CBAI (Centre bruxellois d’action interculturelle)(2).
Il faut en finir avec cette conception fastfood et digestive de la
citoyenneté laquelle se fortifie au fil du temps de l’insertion sociale
et/ou professionnelle du migrant”.
L’inspiration
vient-elle du nord du pays? En Flandre, en tout cas, un système similaire
existe depuis plusieurs années, sous le nom de “Inburgering” (traduction
sauvage : en-citoyen-nement). Cours de base de néerlandais, d’orientation
sociale, accompagnement à la recherche d’emploi ou d’études… sont au
programme des étrangers qui viennent s’y installer. Si globalement, les
premiers concernés se montrent satisfaits, çà et là, on entend quelques
bémols : les délais d’attente seraient tels dans certaines communes que
l’accueil démarre bien tardivement, tandis que le niveau de néerlandais
acquis de la sorte ne permettrait pas de suivre une formation
professionnelle dans la langue.
Certains Belges
d’origine étrangère font aussi partie du groupe cible de cette “intégration
civique”(3). Il est également organisé par la
Communauté flamande à Bruxelles, mais sur une base volontaire. Comment en
effet imposer un trajet aux résidents bruxellois côté néerlandophone, alors
que les francophones n’avaient jusqu’ici pas de module institué?
Dans le contexte
généralisé de fermeture des frontières en Europe(4), de
restriction de l’accès à la nationalité, d’aucuns s’inquiètent de ce qui
pourrait se muer en un tri supplémentaire, en une “chasse aux
récalcitrants”, davantage qu’en un appui à l’émancipation des migrants.
Le parcours d’accueil amène en effet un petit goût quelque peu discordant au
milieu des attributions systématisées de “places de retour” au
pays, des rapatriements forcés, de l’application d’un filtre médical sévère
(voire pointilleux) en ce qui concerne les autorisations de séjour pour
raisons médicales, des campagnes pour renoncer à l’asile, dans des pays
comme le Cameroun, le Kosovo, l’Albanie, la Serbie…, du durcissement des
conditions du regroupement familial, etc.
Comment intégrer
alors des primo-arrivants dans un climat politique à l’exact opposé?
//
CATHERINE DALOZE
(1)
http://tillieux.wallonie.be
(2) Carte blanche parue dans Le Soir, du 10 juillet 2012 -
voir www.cire.be
(3) “Intégration : un horizon à partager”, Migrations
Magazine, n°7, été 2012 – voir
www.migrations-magazine.be
(4) La carte des camps en Europe publiée par Migreurop fait
état de 420 lieux d’enfermement de sans-papiers - voir
www.migreurop.org
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