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A suivre... (3 novembre 2011)

 

“Je t’aime” dans toutes les langues

Avec le mot “amour”, voyagent un train d’absolus, de rêves de grandeur et une impression d’inépuisable. Serait-il donc la solution miracle, l’ingrédient ultime pour notre bien-être et celui du monde? La condition du vivre ensemble?

“L’amour a ceci de redoutable et de fascinant qu’il est un mot-valise”, observe le philosophe Pascal Bruckner(1). Il draine à sa suite une série de sous-entendus. Parfois même, il signifie des opposés, se réfère à des situations contradictoires. L’amour peut être à la fois “le pari d’installer l’éternité dans le temps, l’ensemble des forces qui résistent à l’usure et à l’oubli mais aussi, dit le philosophe, le flamboiement instantané des sens et des âmes”. Comme une somme impossible, un grand écart qui amènent certains réalistes à glisser à l’oreille de leur conjoint: “je t’aime pour la vie, je t’aime pour toujours, mais pas tous les jours”.

 

L’amour en trois mots

Il en est qui propose d’appliquer au mot “amour” la même règle que pour le verbe “faire”, ce verbe passe-partout que nos professeurs de français, amoureux du vocabulaire et spécialistes de la langue, nous ont appris à traquer, à préciser, dont ils nous ont conseillé de soigner l’usage. Alors, pour clarifier l’amour, le grec classique vient à la rescousse. Il distingue trois types d’amour: eros, philia et agapè, rappelle le philosophe Jean-Michel Longneaux(2). En bref: désir, amitié et charité.

Eros relève donc du désir. C’est l’amour comme manque – ce qui me manque et que je cherche désespérément, au risque de l’ennui une fois possédé. C’est l’amour comme comblement. Un must dans notre société de consommation où domine l’envie de posséder. Une souffrance, aussi, face à cet envahissant désir qui convoite toujours ce qui est absent. Une sorte de quête insatiable, parfois une obligation sociale. Philia évoque, quant à lui, la joie d’avoir en face de soi un égal, une “âme sœur”. Il est l’amour de “deux mondes qui s’inclinent l’un vers l’autre”, sans rien attendre en retour, juste pour le plaisir d’être ensemble. Il est réciprocité, expérience à la fois du similaire et du complémentaire. La troisième notion, agapè, suggère l’amour du genre humain, le don de soi à l’humanité. “Toutes les traditions spirituelles évoquent ces expériences qui permettent à l’individu de sortir des limites de son ‘moi’ pour s’unir à quelque chose qui le dépasse totalement”, remarque l’écrivain Frédéric Lenoir(3).

 

Aveuglément et lucidement

La “merveilleuse complexité” du mot en français doit être conservée, insiste Pascal Bruckner. “Faute de quoi on opère un coup de force à son propos, on l’enferme dans une définition maximaliste et aseptisée, inaccessible au commun des mortels”. L’amour absolu, nous y aspirons, en effet. Mais l’amour dont nous sommes capables n’est jamais vraiment celui dont nous rêvons. Malgré notre désir de pouvoir transformer le monde, malgré notre désir de baigner dans l’entente mutuelle, malgré notre souhait de voir récompensé ce qui est motivé par l’amour…, “l’amour ne peut pas tout. Il est fini, limité. Il n’arrive pas toujours à se maintenir”, observe Jean-Michel Longneaux.

 

Méfions-nous de nos rêves d’amour. Mais revendiquons-les, ne nous résignons pas à les éprouver. Aimons malgré tout lucidement. Et même si d’aucun craignent l’usage abusif du mot amour, usons-en sciemment.

En soignant la distance qui nous sépare de l’autre; en ménageant cet espace vital afin de ne pas le dévorer, l’envahir, l’oppresser.

En considérant que l’autre aura toujours quelque chose d’inconnu à nos yeux; en marquant notre estime pour ces parts obscures, secrètes ou surprenantes. En évitant de vouloir façonner ceux qu’on aime  – ses enfants par exemple –, même “pour leur bien”.

En étant conscient que l’amour de son prochain, cette relation de solidarité proche, n’est pas suffisante pour témoigner du souci de l’autre dans la société. Il risque l’arbitraire du choix. Il doit s’accompagner de consolidations structurelles, de dispositifs de solidarité “froids”, tels que la sécurité sociale. Car “l’amour n’est pas la chose la mieux partagée au monde”, écrit Jean-Michel Longneaux estimant qu’il ne peut ainsi suffire pour vivre ensemble, et qu’à défaut d’amour, “on doit se contenter de justice”.

 

Aimons lucidement encore.

En travaillant l’esprit de contradiction, l’écoute véritable pour éviter d’enfermer l’autre dans des stéréotypes ou des idées toutes faites. En éprouvant la différence.

En osant enseigner ce qu’aimer veut dire au-delà du concret de la mécaniques des corps. En participant à l’éducation sentimentale des plus jeunes par le biais de questions fondamentales souvent délaissées au profit de la performance ou du tabou: comment traverser la passion sans être anéanti ou détruit? Comment faire face à l’impasse sexuelle? A un chagrin d’amour?

En cultivant la compassion à son propre égard également(3), l’amour que nous nous devons à nous-même...

//Catherine Daloze

(1) “Le mariage d’amour a-t-il échoué?”, éd. Grasset, 2010.

(2) “Petit traité de vie intérieure”, éd.Plon, 2010.

(3) Christophe André, “Méditer jour après jour. 25 leçons pour vivre en pleine conscience”, éd. L’iconoclaste, 2011.

Cet article a été aussi alimenté par les interventions lors d’une journée de réflexion organisée par Altercité, ce 23 octobre. www.altercite.be

 

 


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