A suivre...
(3 avril 2008)
La
pauvreté
n’est pas
bonne pour la santé
Une
étude récente de la Fondation Roi Baudouin (FRB) affirmait que les
disparités de santé entre groupes socio-économiques sont bien plus grandes
qu’on ne le pense généralement. Elles sont aussi “plus systématiquement
défavorables aux couches sociales défavorisées” (1).
La répartition des
risques en matière de santé épouse de près celle de l’argent, de la
formation et du statut social…” affirme la FRB. Autrement dit, il n’y a
pas de coupure nette entre “les pauvres” et les autres. Il s’agit d’un
phénomène progressif, font remarquer Olivier Gillis et Raf Mertens,
chercheurs au service Recherche et Développement de la Mutualité chrétienne
(2): “A position socioéconomique décroissante,
observent-ils, la santé individuelle tend à se détériorer et l’espérance de
vie à diminuer.” Ainsi, en Belgique, les diplômés de l’enseignement
supérieur de type long peuvent espérer atteindre 78,6 ans (hommes) et 83,5
ans (femmes), tandis que, pour les personnes non diplômées, l’espérance de
vie se limite à 73,1 ans (hommes) et 80 ans (femmes), soit en moyenne 3 ans
d’écart pour les hommes et 5 ans pour les femmes (2). Par
ailleurs, selon la FRB, les personnes qui ont un faible niveau de formation
vivent en bonne santé en moyenne 18 à 25 années de moins que celles qui ont
un haut niveau d’études. Et les personnes au chômage, ainsi que les malades
ou les invalides, ont un risque respectivement 3 et 8 fois plus important
que les personnes au travail, d’avoir des problèmes dépressifs et d’anxiété.
(1)
La promotion de la vie saine ne peut se limiter à une mise en
responsabilité individuelle. |
Mais comment pourrait-on
penser qu’il en soit autrement? “Un manque de moyens financiers se
traduit par un habitat peu sain et avec moins d’espace, situé dans un
quartier peu sûr offrant moins de possibilités de loisirs pour les enfants.
(…) Les conditions matérielles de travail sont moins favorables aux groupes
de faible statut socio-économique. Les personnes appartenant à ces groupes
sont plus souvent soumises à un travail physique dur(…)”
(2). L’accumulation des épreuves et des réflexes de survie imposent aux
plus mal lotis d’autres soucis prioritaires que la qualité de vie, le
bien-manger, le non-fumer et toute attitude de prévention en général. Au
contraire, les comportements à risques, cette insouciance apparente des
dangers que l’on fait courir à soi-même, ne vise sans doute qu’à prendre sa
revanche d’un sort peu enviable, à moins que ce ne soit une manière de
contourner le stress quotidien. Quand il n’y a pas grand-chose à perdre ou à
gagner, il n’y a pas de bonnes raisons à se soigner et à prendre soin de
soi! (3) Dans ces conditions, la promotion de la vie saine
ne peut se limiter à une mise en responsabilité individuelle, par ailleurs
souvent intolérante envers ceux qui ont des difficultés à adopter un mode de
vie plus sain.
Pour une alliance entre l’univers des soins et l’action
sociale
Certes, depuis une
quinzaine d’années, les initiatives contre les inégalités de santé n’ont pas
fait défaut (4). Et, on ne peut nier que, globalement, la
population des pays industrialisés n’a jamais été en aussi bon état de
santé, du moins si on prend comme critère celui de l’espérance de vie qui
s’est encore accrue de 6,4 années en Europe entre 1970 et 1998. Mais ce
n’est pas parce que nous bénéficions pour la plupart d’un système de soins
de qualité et d’un haut niveau de protection sociale que nous ne devons pas
nous interroger sur les raisons de la persistance de ces inégalités.
Tous les citoyens ne
vivent pas dans la même situation. Pour peu que les observateurs quittent
les grandes moyennes statistiques et évaluent les chances que chacun a de
vivre ou non en bonne santé à partir des déterminants économiques et
sociaux, comme le niveau de formation, le revenu ou la catégorie
socioprofessionnelle, la réalité est toute autre.
Cela n’est pas vraiment
neuf. Depuis de nombreuses années, les observateurs de la santé mettent en
évidence le fossé qui existe entre les différentes classes sociales en
matière de santé. Peut-on enfin espérer que, lentement, mais sûrement,
s’impose aujourd’hui une approche holistique de la problématique des
inégalités socio-économiques de santé, c’est-à-dire une approche qui tienne
compte de l’ensemble des éléments qui déterminent la santé des citoyens?
Pourquoi pauvreté ne rime pas avec santé?
Olivier Gillis et Raf Mertens concluent leur étude
(2)
en affirmant: “Si on veut
réduire les inégalités en matière de santé, il ne faudra pas
seulement se centrer sur l’accessibilité et la disponibilité des
services de soins, mais il faudra veiller à la mise en place de
stratégies davantage transversales. Les politiques de
l’enseignement, de l’aménagement du territoire, de l’emploi, etc.
doivent prendre en compte ces éléments et les intégrer dans leur
stratégie afin de réduire les inégalités de santé. Il s’agit d’une
approche intégrée et bien ancrée dans la situation locale. La
mutualité se doit de s’inscrire de manière volontariste dans ce défi
de société.” Une véritable perspective d’égalité dans le
domaine de la santé ne peut que se construire sur une alliance entre
l’univers des soins et celui de l’action sociale.
Christian Van Rompaey |
(1) Inégalités en santé, téléchargeable sur le site
de la Fondation Roi Baudouin :
www.kbs-frb.be/ (rubrique publications). Lire aussi l’éditorial de Alda
Greoli: Pour une politique de santé intégrée dans En Marche – 20
décembre 2007 – voir : www.enmarche.be
(2) Pourquoi pauvreté ne rime pas avec santé, par
Olivier Gillis, Raf Mertens - voir : MC-Informations n°231 - mars 2008 -
Téléchargeable sur www.mc.be (rubrique
infos et actualité/MC-information)
(3) Voir: Problématique des inégalités socio-économiques
de santé en Belgique, dans Santé conjuguée - avril 2007. Revue de la
Fédération des maisons médicales - téléchargeable sur :
www.maisonmedicale.org/
IMG/pdf/SC40_c_willems.pdf
(4) Recherches sur les initiatives mises en place en
matière d’inégalités socio-économiques de santé 1995-2006. Dossier de la
Fondation Roi Baudouin.
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