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A suivre... (6 novembre 2008)

 

 

 

Le médicament, une marchandise pas comme les autres

Une toute récente proposition de directive de la Commission européenne vient de ramener à l’avant-plan la question de l’information sur les médicaments. Les discussions portent sur l’autorisation à donner aux firmes pharmaceutiques de communiquer directement avec le grand public à propos des médicaments soumis à prescription. Entre publicité et information, la frontière s’avère mince et son passage non sans risques.

Les médicaments, s’ils peuvent être considérés à certains égards comme une marchandise à l’égal des produits qui s’alignent dans les rayonnages de magasins, n’en sont pas moins bien différents. Certes, ils font l’objet d’une transaction commerciale. Certes, les apparences deviennent trompeuses. Les pharmacies prennent parfois plus les traits d’une échoppe de produits de beauté loin de l’alignement des flacons d’apothicaire. Mais il s’agit pourtant bien d’un commerce particulier, régi par des dispositions législatives spécifiques.

C’est qu’il n’y a pas à badiner avec la santé. Prendre un médicament ne s’apparente pas à l’ingestion d’un verre d’eau. Comme le rappelle avec force le “Guide: médicaments et Internet” (1): “Nombreux sont les médicaments et autres produits de santé qui peuvent causer des dommages s’ils ne sont pas utilisés correctement. Il est important de ne les utiliser que sous le contrôle d’un professionnel de la santé”.  

Jouant sur les peurs, sur les émotions, la publicité peut s’avérer néfaste pour le patient, mais bien entendu très favorable aux vendeurs.

Aujourd’hui - hormis les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande -, informer directement le grand public à propos des médicaments soumis à la prescription est interdit aux firmes pharmaceutiques. Seuls les médecins et les pharmaciens peuvent faire l’objet de ce type de démarchage. Seuls les médicaments en vente libre peuvent être mentionnés à la radio, à la télévision… Avec pour la Belgique en tout cas, l’obligation de contenir des renseignements comme “ceci est un médicament”, “pas d’utilisation prolongée sans avis médical”, “lisez attentivement la notice”, “demandez conseil à votre pharmacien” (2).

L’Europe discute donc l’élargissement de cette “information” grand public aux médicaments délivrés sur ordonnance médicale.

 

Information ou publicité

D’information, il serait plutôt question de “publicité”, signale un large partenariat de représentants des patients, du corps médical, des pharmaciens, des mutuelles… dont la Mutualité chrétienne (3). Ensemble, mobilisés contre cette proposition de directive, ils dénoncent la manœuvre qui, sous couvert d’une communication prétendument informative ou d’une visée de promotion d’un usage rationnel des médicaments, serait en fait de la pub. Avec toutes les arrière-pensées commerciales que cela sous-entend.    

Et les exemples passés de contournements par les firmes pharmaceutiques de l’interdiction de la publicité, ne semblent pas plaider en leur faveur. Nombreux sont ceux qui rappellent la publicité indirecte pour le Lamisil®, un médicament délivré sur ordonnance, soutenue par le fabricant Novartis. Un spot dit informatif incitait le public à consulter un médecin en cas d’onychomycose (mycose des ongles). “L’information était trompeuse et potentiellement dangereuse. (…) Un traitement médical pour des raisons de santé est rarement nécessaire. Mais le spot inquiétant ainsi que les échos dans les médias auront incité de nombreuses personnes à se précipiter chez le médecin pour réclamer un traitement.” (3) Un traitement coûteux et présentant en outre des effets indésirables, occasionnellement sévères. Jouant sur les peurs, sur les émotions, la publicité peut - sur les sujets liés à la santé encore plus - s’avérer néfaste pour le patient, mais bien entendu très favorable aux vendeurs. Vers plus de consommation. Vers plus de dépenses. C’est que la concurrence bat son plein… La logique marketing prend le dessus.

 

Au niveau des médecins déjà

En amont des patients, les professionnels de la santé sont déjà soumis à rude épreuve en matière d’informations fiables de la part des firmes. Le premier enjeu ne serait-il donc pas là? Minimalisation des effets indésirables du médicament, élargissement indu des indications, présentation biaisée des résultats d’études, extrapolations, exagérations des bénéfices du traitement… sont des pratiques observées dans l’information aux médecins. Elles n’augurent pas de la qualité de celle-ci. Sans parler des orines partisanes de certaines études. “Est-il normal, interrogent ainsi les auteurs d’une enquête sur les relations entre médecins hospitaliers et firmes pharmaceutiques (4), que les firmes pharmaceutiques soient aujourd’hui le principal bailleur de fonds pour la recherche en Belgique”.

Sans parler encore des opérations de séduction des délégués médicaux. Sans commune mesure avec le déploiement financier des firmes pharmaceutiques, les alternatives existent mais manquent de moyens. Comme ces visiteurs indépendants, délégués d’un autre genre, qui ne dépendent pas des firmes, n’ont pas d’objectifs commerciaux, ni de mission de contraindre à changer de pratique (5). Comme ces sources d’informations tel que le Centre belge d’information pharmaco-thérapeutique (CBIP), accessible aux professionnels de la santé. (6)

Si la discussion entamée au niveau européen s’est interrompue, apparemment reportée sine die, le sujet risque de réapparaître. Aujourd’hui, à tout le moins, la publicité pour les médicaments ne manque pas de nous questionner sur notre regard critique vis-à-vis de l’information. Le refrain est connu: Qui parle? D’où s’exprime-t-il? Avec quels objectifs?... Mais encore faut-il que les moyens soient mis à notre disposition pour décoder ce qui nous est présenté. Et la tendance au mélange des genres ne nous y aide pas.

Catherine Daloze

 

(1) Voir www.belgium.be/fr/sante/medicaments/achat_sur_internet/

(2) “Publicité pour les médicaments. Soyons vigilants.”, publication de Question santé -disponible sur www.questionsante.be/outils/medpub.html

(3) Voir communiqué de presse et liste des signataires sur www.mc.be - rubrique “infos et actualités” - onglet “Communiqué de presse”.

(4) G. Krings, P. Leroy et J. Laperche, “Médecins sous influence”, article paru dans le dossier “L’empire du médicament. La résistance s’organise!”, dans Santé Conjuguée, avril 2008, n°44. 

(5) Plus d’infos dans le dossier de Santé Conjuguée cité ci-dessus.

(6) Voir www.cbip.be

 


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