A suivre...
(18 décembre 2008)
J’avais 5
ans en 48…
En ce
temps-là, le Congrès américain approuvait le plan Marshall pour l’Europe, le
Benelux entrait en vigueur et la Déclaration des droits de l’Homme était
proclamée.
En
Belgique, les pouvoirs publics posent les bases du “modèle social belge” et
la Mutualité chrétienne se mobilise pour défendre l’autonomie et la
responsabilité de gestion des organismes assureurs. Cette année-là, la
Mutualité chrétienne lance le journal “En Marche” pour informer ses membres,
les rendre attentifs aux questions de santé privée et publique, mais aussi
défendre le projet social des Mutualités.
Après avoir travaillé à
“En Marche” pendant 28 ans, dont près d’une dizaine d’années comme rédacteur
en chef, je passe aujourd’hui la main à Catherine Daloze, dont nos lecteurs
ont certainement déjà découvert la signature, pour poursuivre cette longue
aventure d’un journal qui se veut au service des membres de la Mutualité
chrétienne et de ses lecteurs. “En Marche” n’est pas seulement le
haut-parleur d’une importante organisation sociale. Il fait place aux
questions de ses lecteurs, qu’elles concernent leur vie quotidienne où des
questions dites “de société”. “En Marche” tient à montrer que la Mutualité
chrétienne est bien dans son temps, sans courir pour autant après l’info au
quotidien ni verser dans les modes qui agitent notre société d’argent.
Où va le journalisme?
Arriver à l’âge de la
retraite, qu’on le veuille ou non, est un moment où l’on ne peut s’empêcher
de regarder ce qu’on laisse derrière soi et de s’interroger sur ce qu’il y a
devant soi. Et je suis vraiment heureux d’avoir travaillé dans une
entreprise qui compte davantage sur la coopération que sur la compétition.
Mais plutôt que de dresser des bilans, j’avoue préférer parler de l’avenir.
D’autant plus que dans le secteur de l’information, nous nous dirigeons vers
de tout nouveaux paysages.
“En Marche” est-il un
vrai journal? Question maintes fois entendue, comme s’il n’y avait de vraie
presse que la “grande presse”, celle de l’actualité, des nouvelles
immédiates, des faits divers et des grands drames humanitaires…
Depuis de nombreuses
années, la presse commerciale ne cesse de perdre des lecteurs. Après avoir
couru après les subsides, elle recourt à des astuces commerciales pour se
faire remarquer. Hélas, la qualité de l’information, les efforts faits par
certains quotidiens ne sont malheureusement pas toujours payant en termes
d’audience.
L’information restera ce qu’elle est, pourvu qu’il reste des
professionnels attachés aux trois dimensions essentielles du
journalisme: l’information, le témoignage et la réflexion. |
La concurrence est rude.
La presse écrite n’a plus le monopole de l’information. Déjà la radio et la
télévision l’avaient sérieusement bousculée. Plus besoin d’attendre le
journal du matin ou du soir pour recevoir des “nouvelles”, la radio fixait
toutes les heures rendez-vous à ses auditeurs. Et la télé leur offrait
l’image en plus. Aujourd’hui les supports électroniques font un pas de plus
en permettant d’avoir sous la main une information réactualisée à tout
moment, constate Robert Cauthorn, pionnier de l’information en ligne au
journal français “Le Monde” (1).
Que deviendront alors
les journaux imprimés lorsque seront disponibles tout à la fois des écrans
de haute qualité, peu chers, et des réseaux sans fil généralisés à haut
débit? Quels seront, les avantages du papier lorsque le confort de lecture,
argument des grands lecteurs sur papier, aura disparu avec l’apparition du
haut débit, et des écrans flexibles? Le lecteur qui achète son quotidien six
jours sur sept est en voie de disparition. Sur Internet, il a accès à
différents journaux, agences de presse ou magazines devenus quotidiens…
Certes cela n’est pas la panacée et nous amène à poser bien des questions:
quelle est la pertinence de cette information en continu, pressée d’être
présentée en temps réel au public, sans prendre le temps de la vérification
et de la réflexion?
C’est l’avantage d’un
journal comme “En Marche” de rester une information libre par rapport à la
pression du temps et aux servitudes commerciales, tout en étant également
présent sur l’Internet. Le papier et l’électronique cohabiteront encore
longtemps!
Que signifiera alors
d’”être informé”, et surtout que sera le métier du journaliste, dont la
profession est d’informer. Devient-on journaliste parce qu’on ouvre un blog?
Devient-on “journaliste citoyen” parce qu’on se trouve, par hasard, près
d’un évènement que l‘on peut fixer sur son GSM? Tout cela ne rendra pas le
journalisme professionnel obsolète pour autant.
La forme peut évoluer,
le rythme peut changer, les techniques peuvent se développer de manière
impressionnante, l’information restera ce qu’elle est, pourvu qu’il reste
des professionnels attachés à ce que je pense être les trois dimensions
essentielles du journalisme, et qu’il n’est pas bon de dissocier:
l’information, le témoignage et la réflexion.
Le travail
d’information, c’est l’enquête, c’est le travail de vérification, le suivi
de l’actualité. Le témoignage, c’est le partage de l’émotion et des points
de vue. C’est le travail de proximité: rendre les évènements plus proches de
ses lecteurs. Et enfin la réflexion, c’est aller au-delà de l’événement
particulier pour en dégager une portée plus générale, qu’elle soit
politique, sociale, éthique ou philosophique.
J’espère avoir été cohérent avec moi-même pendant ces longues années
de travail, qui me paraissent aujourd’hui trop courtes. J’espère
n’avoir blessé aucun de nos lecteurs, même si j’en ai agacé
certains! Et, à la veille des fêtes de fin d’année, je ne peux que
souhaiter dans les circonstances actuelles un avenir plus solidaire.
Christian Van Rompaey |
(1) “Une presse sans Gutenberg. Pourquoi Internet a
bouleversé le journalisme” - Jean-François Fogel, Bruno Patino. Ed. Le
seuil. Coll. Points - 6 EUR. Voir aussi “Vers la fin du quotidien papier?” -
Le Monde – 10 février 2007.
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