A suivre...
(4 décembre 2008)
Violences
conjugales:
l’estime de soi mise à mal
Ce 25
novembre marquait un temps d’attention particulier sur les violences faites
aux femmes. Un temps de sensibilisation à cette réalité particulièrement
douloureuse – parfois fatale – vécue souvent à la dissimulation des regards
extérieurs. Il s’agissait de la journée internationale de lutte contre la
violence faite aux femmes.
Le
problème est conséquent, c’est de plus en plus reconnu. Etudes à l’appui.
D’après les investigations d’Amnesty international, par exemple, qui a
croisé les données: “une femme sur trois, au moins, a reçu des coups,
subi des relations sexuelles imposées ou d’autres formes de mauvais
traitements au cours de son existence”.
Reconnaître le délit
Les formes de violence à
l’égard des femmes sont généralement imposées par leur mari, leur partenaire
du sexe masculin. Ainsi, remarque l’OMS, la nature “privée” de ces violences
les rend souvent invisibles. Tout se passe derrière les portes closes du
foyer. Et de l’extérieur, le voisinage, l’entourage se réfugient trop
souvent encore derrière l’idée qu’il s’agit d’une affaire de famille, dont
on ne se mêle pas, d’une partie “normale” de la vie de couple. Loin de
considérer que cette violence relève du délit.
C’est pourtant un combat
mené de longue date. Dans le courant des années septante en Belgique, des
mouvements de femmes ont dévoilé cette réalité de la violence conjugale,
tentant d’y apporter secours notamment avec la mise en place de refuges,
tentant aussi une reconnaissance de la problématique par les acteurs du
monde judiciaire notamment. Peu à peu leur mobilisation porte ses fruits.
Le voisinage, l’entourage se réfugient trop souvent encore derrière
l’idée qu’il s’agit d’une affaire de famille, dont on ne se mêle
pas. |
Ainsi, en 2004, le
Parquet de Liège adoptait une nouvelle politique en matière de violences au
sein du couple, baptisée circulaire “tolérance zéro”. Il s’agissait pour les
magistrats et les services de police liégeois de mettre fin au classement
sans suite des plaintes déposées par les victimes, de mettre fin à une forme
de sentiment d’impunité ressenti en conséquence de ce classement par les
auteurs. La circulaire a été, en 2006, étendue à tous les arrondissements
du pays. Et si la palette de réponses pénales ou psycho-sociales n’est pas
large, un accompagnement des auteurs de violences conjugales est cependant
possible. Ainsi l’asbl Praxis (1) anime à Liège, Bruxelles
et en Hainaut des groupes de “responsabilisation” avec des personnes tant
sous mandat judiciaire, que venues volontairement.
Il n’en reste pas moins
du chemin à parcourir, lorsque les victimes portent plainte notamment.
“Les femmes témoignent encore d’une trop grande disparité dans la manière
dont elles sont accueillies, remarquait Vie féminine, il y a moins d’un
an. Il s’agit d’un changement fondamental de l’approche de cette
problématique et cela nécessite un changement de mentalité. Les images
véhiculées sur les violences conjugales restent bien ancrées et entraînent
trop souvent des réactions inadaptées”. En matière de logement par
exemple, où trop souvent la victime quitte avec ses enfants sous le bras le
domicile conjugal, laissant son agresseur dans les murs. Comme le rappelle
le Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (2),
il est très important de doubler le travail de terrain auprès des femmes
d’une construction d’un cadre juridique, normatif… adapté, sans quoi le
désespoir domine.
Quand le pouvoir de l’autre oppresse
Agressions physiques et
sexuelles mais aussi psychologiques, verbales ou actes de domination sur le
plan économique participent à la violence conjugale. Avec des traductions
concrètes comme le contrôle du temps, l’isolement, le chantage au départ, le
refus de tout projet personnel à sa compagne. Ces comportements de
domination contraignants sont trop souvent associés au sentiment de
jalousie, remarque une étude sur l’amour et la violence chez les jeunes
(3) qui insiste sur l’importance d’un travail de prévention
auprès des jeunes. Comme si la violence participait du jeu d’influence
inhérent à la vie de couple, comme s’il était “normal” qu’elle existe dans
la vie d’un couple. Mais loin des disputes de couple ou de famille,
“l’intention est une prise de pouvoir sur l’autre, peu importe ce qui
déclenchera le conflit, commente l’asbl Praxis. Cette intention est
camouflée, dissimulée. Ce n’est pas une perte de contrôle, au contraire. Ces
stratégies de prise de pouvoir sont organisées, récurrentes, cycliques,
s’inscrivent dans la durée.”
Sous-jacent apparaît un
cycle de la violence mis en lumière par les intervenants (4).
Trois étapes se succèdent en boucle : la phase où les tensions se
construisent, puis l’explosion-agression, la phase de calme ou de sursis
amoureux ensuite. Cette dernière phase n’est en fait qu’une rémission. Et le
cycle recommence. Il peut avoir une issue fatale.
De dépendantes et impuissantes, les victimes peuvent pourtant
devenir autonomes et fortes, en prenant notamment conscience de ce
qui se joue, en retrouvant l’estime d’elles-mêmes mise à mal, en
sortant de l’isolement. Les équipes qui les accompagnent en sont
convaincues. Même si le changement est toujours progressif et que
chaque femme chemine à son rythme.
Catherine Daloze |
(1) Depuis 1999, Praxis concentre ses activités autour des
violences conjugales et intrafamiliales. Plus d’infos: 04/228.12.28 -
02/217.98.70 - 064/34.19.00 -
www.asblpraxis.be
(2) Le Collectif contre les violences familiales et
l’exclusion propose notamment aux femmes victimes de violences conjugales de
s’engager dans un processus de dévictimisation. Plus d’infos : 04/223.45.67
- www.cvfe.be
(3) Voir revue “Faits et gestes”, n°23, automne 2007.
Disponible au 0800 20 000 ou sur
www.faitsetgestes.cfwb.be
(4) Voir entre autres Cahier Labiso, n°50-51: “Solidarité
Femmes et refuge pour femmes battues” -
sur
www.labiso.be
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