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A suivre... (16 octobre 2008)

 

 

Vendre le risque à tout prix!

La crise financière n’est pas un “cataclysme naturel”, un malheureux hasard mais la conséquence de choix financiers de plus en plus risqués, justifiés par un endettement massif supposé stimuler une croissance sans fin et le refus d’accepter des instruments de contrôle bridant la “créativité” des financiers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette crise ne peut pas

être considérée simplement comme un mauvais moment à passer ...

 

Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie (2001), professeur à l’université de Columbia (New York) écrivait dans The Gardian, le 16 septembre dernier: “Les banques rejettent toute suggestion visant à les soumettre à une règlementation, repoussent toute proposition de mesures anti-trust - mais lorsque les problèmes surgissent elles demandent subitement l’intervention de l’Etat: elles doivent être renflouées car elles sont trop grosses, trop importantes, pour pouvoir faillir…” Au nom de la liberté d’innovation, les néo-libéraux combattent toute initiative règlementaire. “Certes,  poursuit avec ironie Joseph Stiglitz, ils ont été novateurs, mais pas de la manière qui rend une économie plus forte. Certains, parmi les meilleurs et les plus brillants des USA, ont consacré leurs talents à contourner les normes et les règlements visant à assurer l’efficacité de l’économie et la sécurité du système bancaire. Malheureusement, leurs efforts ont été couronnés de succès, et nous allons tous - propriétaires, travailleurs, investisseurs, contribuables - en payer le prix.”

“Il y a aujourd’hui, écrit encore Joseph Stiglitz dans le journal français Les Echos (1), découplage total entre les bénéfices sociaux et les intérêts privés. S’ils ne sont pas soigneusement couplés, l’économie de marché ne peut fonctionner de manière satisfaisante.”

"On ne se pose plus la question de l'importance du risque, mais de la possibilité de le vendre".

René Ricol

On s’étonnera pas du discours des experts économiques d’Attac/France qui estiment qu’il est temps de rompre avec le monde de la finance: “La rhétorique du marché est brandie de manière sélective: elle est revendiquée quand elle sert des intérêts particuliers et rejetée quand ce n’est pas le cas…” (2)

De son côté, René Ricol, vice-président de l’Institut français des experts-comptables, qu’on ne peut soupçonner de gauchisme et fin connaisseur du monde des affaires, mais qui est surtout l'auteur d’un rapport destiné au Président français, affirmait d’emblée: “Il ne faudrait pas qu’une fois encore, le marché s’en sorte”

Selon l’expert-comptable, explique Le Figaro (3), “la crise actuelle présente la particularité d’être purement financière, sans lien originel avec l’économie réelle”. S’il fallait citer au moins une cause de la crise, René Ricol choisirait le système de rémunération des professionnels du marché. Celui-ci les pousse en effet à faire beaucoup d’argent et tout de suite: “l’on ne se pose plus la question de l’importance du risque, mais de la possibilité de vendre celui-ci”, affirme René Ricol.

 

Dans la tourmente financière

Comme on le sait, la tourmente financière dans laquelle nous sommes plongés nous vient des Etats-Unis. L’économie capitaliste fonctionne bien quand les entreprises produisent et que les ménages consomment des biens qui leur sont indispensables sans doute, mais aussi des biens inutiles qu’un puissant marketing rend indispensables. Les banques sont au four et au moulin pour soutenir le rythme des gains et le train des dépenses. Certes, en principe, elles évaluent les capacités de remboursement de leurs clients quand ils introduisent une demande de crédit à partir de leur revenu ou de leur patrimoine. Malheureusement, il arrive que le revenu disponible soit réduit par la perte d’un  emploi ou la maladie. Ou qu’un patrimoine, immobilier par exemple, perde de sa valeur.

Aux Etats-Unis, grandement facilité par des politiques monétaires et budgétaires laxistes, l’endettement des ménages a été poussé à son maximum. Ces crédits représentent une masse énorme de créances que les banques ont regroupées puis transformées en titres (c’est la titrisation: voir encadré), revendables à des fonds d’investissement souvent à risques (hedge fund) qui empruntent auprès des banques pour, par un effet de levier, gagner davantage.

Cette technique a  rapporté beaucoup d’argent. Elle était sûre tant que les premiers clients pouvaient rembourser leur crédit hypothécaire. Mais l’affaire a mal tourné lorsque des banques ont proposé des prêts hypothécaires à taux variables à des candidats à la propriété qui étaient peu, voire pas solvables, et que le marché de l’immobilier s’est mis à baisser. Quand le candidat acheteur n’a plus pu payer sa maison, la banque la vendait…, mais celle-ci avait alors pris moins de valeur que le montant du crédit contracté!

En proposant des subprimes (voir encadré), c’est-à-dire des crédits hypothécaires à risques à des emprunteurs qui n’offraient pas de garanties suffisantes de remboursement, les banques ont favorisé le développement de ces titres de plus en plus mal notés par des sociétés spécialisées dans la cotation des produits financiers, et donc de plus en plus difficiles à vendre. Le mal était fait. Ces créances étaient devenues “toxiques”. Mais elles avaient pris tellement d’importance dans les paquets d’obligations que la méfiance s’est installée entre les banques au point qu’elles avaient de plus en plus de difficultés à trouver des liquidités pour faire face à leurs obligations sur le marché interbancaire. Voilà pourquoi les Banques centrales sont intervenues, mais aussi les Etats,  ne cessant depuis l’été 2007 d’injecter massivement des liquidités afin de désamorcer la crise.

 

Faire reculer l’emprise
de la finance

Cela dit, si les Bourses mondiales ont retrouvé des couleurs ces derniers jours, cette crise ne peut pas être considérée simplement comme un mauvais moment à passer… et nombreux sont ceux qui estiment que l’heure est aux règlements de comptes. Il n’y a en effet aucune raison de se montrer compréhensif à l’égard de ce que qu’on a appelé le néo-libéralisme. Aujourd’hui, constate Joseph Stiglitz: “Le monde n’est pas tendre envers le néolibéralisme, ce fourre-tout d’idées basées sur la notion fondamentaliste que les marchés sont autocorrecteurs, qu’ils distribuent efficacement les ressources et servent l’intérêt général.”

C’est ce fondamentalisme, ce capitalisme pur et dur inspiré de “la pensée” de Milton Friedmann qu’invoquaient Marguerite Tatcher, les derniers Présidents américains de Reagan à Georges Bush et le “consensus de Washington” (4)  favorables aux privatisations, à la libéralisation économique et à des banques centrales indépendantes préoccupées uniquement par l’inflation. “Vu sous cet angle, commente la journaliste canadienne Naomi Klein dans un ouvrage imposant (5), le capitalisme prôné par l’école de Chicago a effectivement un point commun avec d’autres idéologies dangereuses: la recherche d’une pureté inaccessible, d’une table rase à partir de laquelle bâtir une société modèle entièrement revue et corrigée.”

Certes, dira-t-on, l’Europe ne connaît guère ce libéralisme à l’américaine dont Milton Friedmann fut le gourou jusqu’en 2006, l’année de sa mort. Il n’est donc pas écrit que l’économie de marché doit être fondamentaliste. On voit bien en Europe, dans certains pays plus que dans d’autres, que la libre circulation de biens peut cohabiter avec des services de santé publics, des écoles publiques et des entreprises privées. Certes, on peut espérer mieux. Mais de manière générale on peut dire que les entreprises et ceux qui les dirigent payent des salaires corrects, respectent la liberté syndicale. Les gouvernements prélèvent l’impôt et veillent à une juste redistribution des richesses de manière à réduire les inégalités entre citoyens. Mais l’Europe actuelle et à venir tient-elle vraiment à sauvegarder cet équilibre? Ou n’est-elle pas prête à vendre ses services publics, morceau par morceau, à des intérêts privés ? Pensons à la libéralisation des communications, de l’énergie, et bientôt de La poste...

Après la crise de 1929, au lendemain de la Grande Dépression, en proposant une économie mixte et réglementée, Keynes avait permis un nouveau départ qui assura notre développement durant de longues années. C’est précisément contre ce système de compromis, avec ses libertés et ses contrepoids, que Milton Friedmann lança sa révolution afin de le démanteler.

Les résultats sont là, constate Attac/France: “Plus il se rapproche de sa “pureté” théorique analysée par Marx (le surplus de valeur pour l’actionnaire et rien que pour lui), plus il accroît le risque de délitement des sociétés et éloigne la perspective de régulation de la planète. Jamais nous n’avons été aussi proches du franchissement de limites, au-delà desquelles le saut dans l’inconnu pourrait être catastrophique.” (6) Il ne suffit donc pas de contenir la crise : “C’est trop tard” affirme le prix Nobel Joseph Stiglitz. Il faut “Faire reculer l’emprise de la finance qui en est la source, il est plus que temps.”

Christian Van Rompaey

 

Lire également : “Le Groupe ARCO confirme ses engagements” (p.11)

 

(1) La fin du néolibéralisme. Joseph Stiglitz. Les Echos (France) 13/10/2008.

(2) Il est urgent de rompre avec l’emprise de la finance.  Attac/France: point de vue publié dans Le Monde du 16 septembre 2008, par Jacques Cossart, Jean-Marie Harribey et Dominique Plihon.

(3) Ricol pointe la responsabilité des banques dans la crise. Le Figaro (3/11/2008)

(4) Le consensus de Washington, expression créée en 1989, résume les mesures standards alors recommandées aux économies en difficulté, notamment celles d’Amérique latine, par les institutions financières internationales sises à Washington que sont la Banque mondiale, le Fonds monétaire international soutenues, en la matière, par le Département du Trésor américain. Issu de l’école de Chicago.

(5) La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre. Editions Leméac/Actes Sud, 670 pages (25 Euros)

(6) Il est urgent de rompre avec l’emprise de la finance.  Attac/France: point de vue publié dans Le Monde du 16 septembre 2008, par Jacques Cossart, Jean-Marie Harribey et Dominique Plihon.

 

En bref

Qu’est-ce que la titrisation?

La titrisation est une opération financière (généralement méconnue de l’emprunteur) par lequel une banque convertit des actifs immobilisés, tels des créances commerciales et des stocks en obligation ou papier commercial, ce qui lui permet de se refinancer et de réduire son risque, qui est reporté sur les investisseurs qui achètent ces créances.

 

Qu’est-ce qu’un subprime?

Au sens le plus large, un “subprime” est un crédit à risque, offert à un emprunteur qui n’offre pas les garanties suffisantes pour bénéficier du taux d’intérêt le plus avantageux (prime rate). Le terme est employé plus particulièrement pour désigner une forme de crédit hypothécaire (mortgage), apparue aux États-Unis et destinée aux emprunteurs à risque. Ce crédit immobilier est gagé sur le logement de l’emprunteur.

 


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