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A suivre... (21 février 2008)

 

 

Retour forcé

Chaque semaine qui passe, des milliers de clandestins tentent de rejoindre l’Europe, souvent au péril de leur vie. Depuis des années, une politique européenne de l'immigration (légale et illégale) apparaît plus que jamais nécessaire. Mais, curieusement, avant même de s’entendre sur des règles d’accueil, les pays européens se sont lancés dans un travail d’harmonisation des procédures de retour des clandestins! (1)

 

En effet, dans le courant de cette année 2008, les parlementaires européens seront amenés à se prononcer sur un projet de directive “relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier”.

“Quand on enferme des gens par principe, au seul motif qu’ils ont osé demander le droit de vivre en Europe, il y a mieux à faire que de les laisser en prison”

Ce projet n'est pas nouveau !  La stratégie de lutte contre l'immigration clandestine a été définie lors des Conseils européens de Tampere (1999), de Laeken (2001) et de Séville (2002). Sur base d'un plan de lutte contre l'immigration clandestine et la traite des êtres humains adopté en février 2002, la Commission a présenté un Livre vert  examinant les différents problèmes que pose le rapatriement des immigrants illégaux. Ensuite, elle a élaboré un programme d'action prévoyant des normes communes en vue d'harmoniser les législations européennes sur l'éloignement et la détention de personnes en situation irrégulière.

La proposition prévoit entre autres que lorsque l'Etat membre prend une décision de retour à l'encontre de tout ressortissant étranger en situation irrégulière sur son territoire, celui-ci dispose  d'un délai de départ volontaire de quatre semaines au maximum. Si  la personne refuse de retourner dans son pays d'origine de son plein gré, l'Etat membre prend une décision d'éloignement du territoire, accompagnée d'une interdiction de réadmission d'une durée maximale de 5 ans, sauf en cas de menace grave à l’ordre public ou à la sécurité nationale.

Cette proposition prévoit que si la personne risque de s'enfuir, celle-ci peut être placée dans un centre de rétention pour une durée de 4 mois… qui peut être prolongée de quinze mois supplémentaires, si les autorités du pays d’origine ne coopèrent pas ou si la personne présente une “menace pour la sécurité publique”.

Ce rapport sur “le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier” devait en principe être adopté en séance plénière à l'automne 2007. Mais, le Parlement européen et le Conseil des Ministres, engagés dans une procédure de codécision, n'ont pu se mettre d'accord sur son contenu.

 

“Non” au projet de directive

Alors que l'Europe propose, les nombreuses ONG sensibles à la défense des droits fondamentaux des personnes considèrent que la rétention et l'éloignement doivent rester une exception dans le traitement des demandeurs d'asile refoulés et des migrants. Si la proposition exige bien que le rapatriement forcé se fasse dans le respect des droits fondamentaux, seules deux catégories de personnes semblent relativement protégées : les mineurs non accompagnés ne devraient pas être éloignés, ni détenus et les personnes malades doivent recevoir un titre de séjour pour soin. Mais qu’en est-il des femmes enceintes, des enfants mineurs avec leurs parents, des personnes ayant des attaches familiales en Europe,  des victimes de torture ou de la traite…? Sur plusieurs points, estime l’Association européenne des droits de l’homme (AEDH), le projet de directive ne respecte pas les principes directeurs en matière de procédure d’éloignement des étrangers dont la présence est irrégulière.

En laissant la porte ouverte à une détention dite “de contrôle”, parce que la personne présente un risque de fuite ou une menace pour l’ordre public, on voit bien que cette mesure ne vise pas seulement à retenir les personnes le “temps de l’organisation de leur éloignement” mais permet un véritable internement administratif qui ne vise qu'à punir. Manifestement, l’objectif n’est pas seulement d’arriver à une simple harmonisation des conditions d’expulsion dans tous les pays européens. La durée de rétention administrative, qui pourrait être étendue à 18 mois, ne se justifie pas si l’on sait que d’expérience une décision d’éloignement intervient, dans la majorité des cas, dans les 10 premiers jours de sa détention. “Quand on enferme des gens par principe, au seul motif qu’ils ont osé demander le droit de vivre en Europe, il y a mieux à faire que de les laisser en prison, même si on a repeint les murs et changer la couleur des barbelés!” commente Laurent Giovanonni, Secrétaire Général de la Cimade (France).

Par ailleurs, l'interdiction du territoire européen pourrait s’ajouter aux mesures d'éloignement pour 5 ans. Cette mesure, qui existe déjà dans plusieurs pays européens (Espagne, Allemagne, Pologne…), ne peut que créer des situations absurdes et inacceptables. Ceux qui ont déjà fait leur vie en Europe n'auront d'autre choix que de revenir et plonger dans la clandestinité.

Si le texte de la “Directive retour” a évolué depuis 2005, il n’en reste pas moins que celui-ci ne propose ni plus, ni moins que “de créer les bases légales d’une répression commune avant de définir les bases de la légalité du séjour”! (2)

 

Pour les ONG “il n’est aujourd’hui plus concevable de continuer à espérer un changement positif du texte et des modifications de fond qui permettraient que soient respectés les besoins et la dignité des individus.” C’est pourquoi elles demandent avec insistance que soit rejeté cette proposition de directive. Cette position confirme le sentiment que laissait déjà apparaître la proposition de 2005, à savoir qu’elle visait moins la protection des personnes que l’amélioration de l’efficacité des “retours au pays”, qui sont de fait des expulsions.

Christian Van Rompaey

 

(1) On estime (selon les données du Parlement Européen) qu’en 2004, 650.000 décisions de retour ont été prises dans l’Union Européenne des 25. Elles ont conduit à 164.000 retours forcés et 48.000 retours volontaires.

(2) Ceux qui s'opposent à cette directive peuvent signer une pétition sur www.directivedelahonte.org

 


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