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A suivre... (7 août 2008)

 

Entre Bruxelles

et Saint-Jacques...

Passer ses vacances à marcher, c’est déjà pas mal. Mais décider d’aller de Bruxelles à Saint-Jacques de Compostelle à pied, d’une traite, c’est faire place non seulement à une distance beaucoup plus grande, mais à un autre état d’esprit. Quelques impressions du chemin, sur les traces des pèlerins d’antan.

Mais vous êtes fous!” Et s’il avait raison, ce gamin rencontré au bord d’une route dans le Nord de la France? Son cri du cœur est venu en apprenant que nous allions, à pied, jusqu’en Espagne, et même au bout de l’Espagne, à Saint-Jacques de Compostelle. A pied depuis Bruxelles, cela fait un peu moins de 100 jours de marche, sans tenir compte des imprévus, comme cette tendinite, qui nous a forcés à 5 jours de repos. Cent jours, dont soixante environ pour traverser l’Hexagone (1). Alors, au début, juste après avoir passé la frontière belge, c’est le sentiment d’être tout petit qui domine. Soixante jours à marcher rien que pour arriver à l’autre frontière, l’espagnole, alors qu’en voiture, une bonne journée suffit. On a l’immensité d’un pays devant soi, avec toutes les incertitudes de l’itinéraire.

Du coup, évidemment, se reposent les questions de motivation.

 

Chaque matin

est un nouveau départ

Adeptes de la grande randonnée depuis 10 ans, nous avons décidé de partir à Saint-Jacques et de parcourir d’une traite ce chemin mythique. Pas pour des raisons religieuses, au sens strict, mais certainement pour opérer une coupure, casser le rythme de vie ultra-rapide qui nous mange tous les jours, prendre son temps, voire faire des choix différents pour l’avenir. Ou en tout cas, vivre différemment pendant un certain temps. La transition n’est d’ailleurs pas facile: quand on voit tout ce qu’en temps normal, on peut faire en un jour, en une semaine, en un mois, il n’est pas évident du tout de se mettre dans l’esprit qu’on ne fera que marcher pendant trois mois (si tout va bien). Mais au bout de quelques jours, on y arrive peu à peu. L’état d’esprit est en tout cas très différent d’une autre randonnée, où l’on visite, où l’on effectue des trajets de liaison en bus, etc. Ou que l’on coupe par des jours de repos. Ici, le but est d’arriver, et chaque matin est un nouveau départ. 

Et si l’on trouvait

en chemin ce que l’on attendait de cette aventure… Faut-il absolument aller jusqu’au bout pour “réussir”?

A quoi pense-t-on, durant toutes ces heures? A tout, et à rien, parfois. A cette petite chapelle romane cachée derrière un buisson, et que l’on n’aurait pas aperçue en voiture. A ces oiseaux colorés, au bord du chemin. A la décoration florale des maisons. A regarder où l’on met les pieds, aussi, à chercher l’itinéraire. Et lorsque la fin de l’étape arrive à trouver un hébergement.

Vient aussi la question de la souffrance. Physiquement, c’est dur, bien sûr, a fortiori quand les blessures ou les ampoules s’en mêlent. Alors, à nouveau, on se demande pourquoi. Pourquoi se faire souffrir pour une démarche qui n’est pas obligatoire, et que l’on a choisie. Et jusqu’où souffrir? Intuitivement, on perçoit qu’il y a une souffrance “normale”, celle due à l’effort, commune à tous ceux qui font du sport. Celle-là fait partie des règles du jeu; on le savait. Et puis quelque part commence la souffrance “anormale”, celle due à une blessure, à un pépin, que l’on tente malgré tout de surmonter avant de la voir, éventuellement, prendre le dessus. Mais où est la frontière? A partir de quand avance-t-on par une sorte d’obligation, parce qu’on a un jour décidé de le faire, et que la déception serait forte de renoncer. Pour soi, et pour la personne avec qui l’on marche, dont le rêve se verrait aussi cassé? Mais en même temps, si l’on n’avance plus que par obligation, cela n’a plus de sens.

Partir ainsi sur les routes, pour une si longue durée, avec l’impossibilité de tout prévoir, est évidemment un défi qui inclut l’espoir de réussir et le risque de ne pas y arriver. Reste une autre hypothèse : trouver en chemin, avant même la fin, ce que l’on attendait de cette aventure. Faut-il absolument aller jusqu’au bout pour “réussir”? Pas sûr, si l’on donne plus d’importance à la démarche qu’à l’arrivée. Que veut dire “réussir“? Toutes les hypothèses sont ouvertes, y compris celle d’estimer, à un moment donné, après 2 mois par exemple, que l’on a trouvé ce qu’on cherchait. Ce n’est pas une question de distance ni de temps, mais d’état d’esprit.

 

Une aventure partagée

Reste quand même un autre défi, celui de ne pas décevoir tous ceux qui, restés en Belgique, marchent avec nous. A notre grand étonnement, nous avons constaté, dès les premiers jours, tant pour des proches que des anonymes, que notre démarche a du sens pour eux aussi. Que les membres de la famille qui nous ont hébergés les premiers jours y trouvaient une fierté, et que nous avons donc aussi une responsabilité par rapport à eux. A plusieurs reprises, nous avons parlé avec des personnes rencontrées sur le chemin, et leur regard étonné d’abord, admiratif ensuite, constitue un encouragement que l’on imaginait pas au départ.

Dans la campagne, les contacts sont beaucoup plus agréables, que ce soient les gens à qui nous demandons de l’eau, une dame d’une entreprise qui nous a fait entrer dans l’accueil pour nous rafraîchir, ou dans les presbytères. A Etampes par exemple, nous avons sonné à l’improviste au presbytère, et nous avons passé la soirée avec un groupe de jeunes (enfin, plus jeunes que nous) qui entamaient un chantier de rénovation d’un vieux lavoir. Cela nous a changés des 3 jours de passage par la grande agglomération parisienne, infernale, avec des gens pressés partout, indifférents, ou alors faisant des remarques du style (en voyant nos bâtons de marche): “Y a pas de neige, ici”...

Ce n’est d’ailleurs que 120 km après Paris que nous avons rencontré les premières personnes qui vont aussi à Saint-Jacques: des Hollandais à vélo. Des inconnus, mais le courant est vite passé, grâce au fait de partager la même destination.

L’aventure humaine que constitue ce périple est bien sûr d’abord en nous, mais elle est aussi partagée. Reste l’incertitude…

André Linard, InfoSud

 

(1) Au moment où cet article paraîtra, son auteur devrait être un peu au-delà de Poitiers. Si tout va bien…

 


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