A suivre...
(4 octobre 2007)
Affirmer sa solidarité
avec les plus pauvres
Ce 17 octobre, il y aura vingt ans, d’aucuns s’en souviennent, que le parvis
des libertés et des droits de l’homme à Paris voyait un rassemblement de
masse. Une dalle y était coulée en l’honneur des victimes de la misère.
Depuis, on y lit: “Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la
misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter
est un devoir sacré”; des mots du père Joseph Wresinski fondateur du
mouvement ATD Quart Monde.
En date du 17 octobre, à côté
de la journée mondiale du don d'organes et de la greffe, a lieu la journée
mondiale du refus de la misère. A l’heure de l’échelle planétaire, les
journées mondiales commémoratrices, anniversaires ou de sensibilisation à
l’une ou l’autre problématique fleurissent comme les dates du calendrier.
Si l’on en croit
www.journee-mondiale.com , conçu par un créateur de sites qui avait été
frappé du nombre d’annonces de journées mondiales, le mois d’octobre est
relativement fourni en matière d’appel à la mobilisation. Le 17 octobre,
comme depuis vingt ans, signifie pour les associations de lutte contre la
pauvreté un temps symbolique où sont rappelées les revendications sur ce
terrain.
“Aujourd’hui,
dans notre pays,
des hommes et des femmes vivent dans la
grande pauvreté (…);
victimes d’exclusion, ils ne peuvent
exercer leurs responsabilités
de citoyens et citoyennes”. |
S’unir en solidarité, c’est l’appel que lancent aujourd’hui ATD Quart
Monde et LST (Luttes solidarités travail), mouvements de rassemblement
des pauvres (1). Et le combat n’est ni d’arrière garde,
ni le fait des seules autres latitudes. Ils enjoignent à signer la
“déclaration de solidarité” (2), un manifeste
mondial que les associations avec Amnesty International et Vivre
Ensemble (Entraide et fraternité) font circuler depuis le mois d’avril
dans la partie francophone du pays. Un texte qui sera remis tant à des
organisations internationales telle l’ONU, qu’aux autorités régionales
de notre pays. Parce que la pauvreté n’est pas que le lot de populations
du Sud, qu’elle n’est pas si éloignée de nous. Parce que, le rappelle
Régis de Muylder d’ATD Quart Monde, aujourd’hui, dans notre pays, des
hommes et des femmes vivent dans la grande pauvreté, et, de ce fait,
n’ont pas accès aux droits fondamentaux; victimes d’exclusion, ils ne
peuvent exercer leurs responsabilités de citoyens et citoyennes.
Quelques chiffres énoncés par le Service de lutte contre la pauvreté, la
précarité et l'exclusion sociale (3), et pris avec les
précautions d’usage, corroborent, s’il le fallait, les constats quotidiens
des associations. En 2006, 107.000 personnes ont eu recours à une des neuf
banques alimentaires que compte la Fédération belge des banques
alimentaires; 380.000 repas ont été distribués par les Restos du cœur. En
2005, en Belgique, près d’une personne sur sept connaissait un risque accru
de pauvreté…
La parole aux premiers concernés
S’unir en solidarité, en signant la déclaration de solidarité, c’est
demander aux autorités et aux citoyens de porter l’ambition d’un monde sans
pauvreté, un monde où les droits à la vie familiale, au travail décent, à la
participation sociale, culturelle et politique sont respectés. Et
concrètement? Ce peut être, comme le formule Luc Lefèbvre de LST, s’unir
face aux “mécanismes d’exploitation des travailleurs les plus pauvres au
travers des démarches d’insertion professionnelle dans des emplois qui ont
pour conséquence une fragilisation de l’ensemble du monde du travail”.
S’unir en solidarité face au recul de la redistribution des richesses
produites. Face à la limitation des droits fondamentaux pour les plus
pauvres, à leur “encadrement”. Citons le droit d’association par exemple.
Pour les chômeurs, il “devient dangereux d'exercer un mandat
d'administrateur, même à titre gratuit”, remarque LST. D’autant plus si
l’association choisie porte une parole contestataire, critique. Si
l’engagement associatif est parfois promu, encouragé, il apparaît par trop
limité, encadré, s’inscrivant comme une preuve de l’activation de la
personne, comme une obligation à remplir.
Et pourtant, les mouvements de et avec les plus pauvres, comme ATD Quart
Monde ou LST, portent la conviction que les premiers acteurs de la lutte
contre la pauvreté sont les pauvres eux-mêmes, que les premiers à résister à
la misère, sont ceux et celles qui la subissent. Qu’il y a lieu de
s’associer, de se rassembler pour résister, de remettre la parole des
premiers concernés au centre. La déclaration de solidarité le réclame
d’ailleurs: l’association des plus pauvres à la conception, la mise en place
et l’évaluation de politiques qui les concernent. A cet égard, le Rapport
général sur la pauvreté (4) publié en 1994, sous la
coordination de la Fondation Roi Baudouin, était une première. Il avait
laissé la place à cette parole. Mais l'enthousiasme de la participation des
débuts laisse place aujourd’hui à un certain scepticisme, aux impressions de
servir d’alibi.
Vigilantes donc, les associations de lutte contre la pauvreté
veulent faire du 17 octobre, un moment fort de prise de paroles
des plus pauvres. Une prise de parole qui doit se construire et
trouver les moyens d’être entendue, qui se base sur des faits de
vie et leurs analyses collectives, qui se travaille en commun,
lentement, au rythme de tous, pour permettre à chacun de
participer.
Catherine Daloze |
(1) Pour infos : Fédération LST, rue pépin, 27 à 5000
Namur – tél.: 081/22.15.12 –
www.mouvement-lst.org ou
ATD Quart Monde Belgique, avenue Victor Jacobs, 12 à 1040 Bruxelles – tél.:
02/647.99.00.-
http://www.atd-quartmonde.be/
(2) Déclaration accessible sur le site:
www.oct17.org/-Belgique-.html
(3)
www.luttepauvrete.be/chiffres.htm
(4) Rapport téléchargeable sur le site de LST:
www.mouvement-lst.org/
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