Les
enjeux du pacte associatif
A l’initiative des gouvernements de la Communauté française, de la
Région wallonne et de la Région bruxelloise, une vaste consultation des
associations est actuellement en cours. Le sujet de cette consultation :
le pacte associatif ou la redéfinition des rapports entre pouvoirs publics
et associations.
u’est ce que
le Pacte associatif? A quoi sert-il de définir des règles de “bonne
gouvernance”? Quels sont les enjeux importants liés à la mise en œuvre
d’un tel pacte pour une institution comme les mutualités chrétiennes ou
pour les affiliés?
Un peu d’histoire est nécessaire pour rappeler dans quel contexte
socio-politique nous évoluons. La liberté d’association, inscrite dès
son origine dans la Constitution belge, a permis de développer une série
de projets basés sur l’investissement volontaire des citoyens
(institutions de personnes handicapées, hôpitaux, écoles, associations
de quartiers, …). Ces initiatives ont contribué à consolider le lien
social, ont permis de faire de la Belgique un pays où la couverture
sociale au sens large est une des plus performantes au monde. Ces
services au public étaient principalement issus du monde chrétien et
socialiste.
Les institutions importantes qui ont participé à la construction de ces
solidarités se voient confrontées aujourd’hui à un autre contexte. Le
secteur privé et commercial tente de prendre les parts rentables de ces
services organisés. Prenons en exemple le secteur de l’assurance.
La confusion
est entretenue par une communication qui nous parle d’assurance
solidaire chez certains assureurs commerciaux qui éliminent de leur
clientèle les personnes fragilisées ou à risques. La mutualité
chrétienne organise le service de l’assurance hospitalisation sur une
base non sélective, c’est une différence essentielle. Quand on sait que
5% de la population dépense 60% des frais de soins de santé, nous
n’avons pas de peine à savoir ce que feraient de ces 5% les assureurs
privés (et chacun d’entre nous peut devenir demain une personne
fragilisée). Un État qui accepterait de se réduire à un rôle minimal, de
laisser le marché prendre les parts rentables, se retrouverait à devoir
prendre en charge 60% des frais sans plus aucune solidarité.
L’argument des assureurs privés est principalement basé sur le fait que
l’organisation de notre système d’assurance maladie conduit à un
monopole de fait des mutualités et à une concurrence déloyale vis-à-vis
du secteur commercial. Réduire les règles de solidarité et les
protections assurées par le contrôle de l’État sur le système mutualiste
entraînerait sans aucun doute une fragilisation des protections
sociales, en particulier en matière de santé. La dualisation de notre
couverture sociale se cache derrière cette tentative d’appropriation des
parts de marché.
D’autre part, aujourd’hui, il n’est plus évident pour l’ensemble des
affiliés que la mutualité est porteuse de revendications sociales et
solidaires. Le citoyen n’est plus toujours conscient de la spécificité
du rôle des associations et les perçoit comme des administrations
surtout quand celles-ci remplissent ce type de rôle comme les
mutualités, les hôpitaux, les aides et soins à domicile…
Si les
mutualités perdaient demain leur rôle de représentation des patients et
devenaient une administration publique, nous perdrions l’engagement
citoyen, au travers des milliers de bénévoles qui s’engagent à nos
côtés. Le rôle essentiel joué par l’engagement bénévole ne pourrait être
compensé par l’État. Celui-ci ne pourrait garantir qu’une solidarité de
base, organisatrice de l’assurance obligatoire ; le marché reprendrait
la part rentable des assurances complémentaires. La disparition des
mutualités comme mouvement social conduirait à un renforcement du marché
et à la dualisation dans l’accès aux soins de santé.
Devant ces différentes constats, c’est bien d’un renforcement de
l’articulation de l’État et des associations dont notre modèle social a
besoin.
L’État doit
jouer pleinement son rôle. Il doit être un stratège qui initie les
politiques mais reste attentif aux besoins nouveaux révélés par les
associations, qui en définit les règles d’application, les critères de
qualité, les règles d’égalité de traitement et d’accès, qui décide les
méthodes d’évaluation mais également qui laisse les initiatives se
développer dans cet espace intermédiaire entre définition des politiques
et évaluations de leur réalisation.
Ce modèle renforce la concertation et la participation avec des acteurs
organisés et représentatifs. Il reconnaît la valeur ajoutée de
l’engagement citoyen. Ce modèle promeut également la liberté
d’associations, le respect des objectifs des associations spécialement
quand celles-ci portent des projets d’éducation permanente.
Fondamentalement, l’État déclare au travers du Pacte qu’il existe des
missions de services publics qui ne peuvent être régulées par le marché,
que ces missions sont confiées soit au service public classique et/ou à
des associations.
Cette définition de l’articulation entre l’État, le service public
et les associations ne s’applique pas uniquement aux associations
qui assurent des missions déléguées de service public fonctionnel,
c’est à l’ensemble des associations que ces principes de
reconnaissance, de libre association et d’égalité de traitement
sont destinés et ce, à tous les niveaux de pouvoirs.
L’enjeu est d’asseoir une organisation de la Belgique qui
consolide les solidarités passées et actuelles.
Nous attendons de l’ensemble des partis démocratiques qu’ils
s’engagent clairement par la signature d’un tel Pacte. |
Alda Greoli
Directrice du département
socio-éducatif