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A suivre... (20 mars 2006)

 

France :

une assurance complémentaire “haut de gamme"


En concoctant une assurance complémentaire santé de luxe réservée aux “gros revenus”, peu modestement baptisée “Excellence Santé”, les Assurances Générales de France (AGF) ont provoqué une telle tempête de protestations qu’elles ont été contraintes de suspendre leur projet.

Depuis des mois, les AGF planchaient sur le lancement d'une assurance santé “haut de gamme” ciblant une clientèle à hauts revenus. Pour une cotisation annuelle s'élevant à 12.000 euros par an, à laquelle il faut ajouter 4.000 euros pour le conjoint et 2.000 euros par enfant, soit 20.000 euros par an pour une famille avec 2 enfants, le contractant pouvait bénéficier d'un certain nombre de prestations (conseils de prévention, examens de santé, coaching en cas de maladie) et, principalement, d'un accès en priorité à quelque 200 sommités médicales triées sur le volet, parmi les spécialités du secteur conventionné.


Très vite, les réactions ont fusé. Et, en premier lieu, celles de l'ordre des Médecins français qui rappelle le code de la santé publique : “Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminées, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments”… Et cela, "quel que soit l'état de leur compte en banque ou leur statut social", ajoute Jacques Lucas, secrétaire général du Conseil national de l'Ordre des médecins.


De leur côté, les syndicats estiment que ce projet "est totalement opposé à l'aspect solidaire de notre protection sociale". Ils y voient "une provocation mal placée" tandis que des médecins invoquent leur déontologie : "Nous ne soignons pas en fonction des moyens mais des besoins des patients. C'est le sens du serment que nous prêtons tous." Quant au président de la Mutualité française, Jean-Pierre Davant (qui représente 98% des Mutuelles), il estime ce projet "choquant" alors que le parcours de santé proposé par la Mutualité "donne la même chance à tout le monde".


Ce système de contrat individuel, par lequel les contractants achètent "un réseau de médecins réputés" et se garantissent une sorte de laisser-passer prioritaire leur permettant de recevoir les meilleurs soins dans les meilleures structures traduit une "américanisation du système de soins et des esprits" qui tend à reproduire le système des HMO (Health Maintenance Organization) : des assureurs privés organisent des filières de soins incluant des médecins et des établissements dans lesquels leurs assurés sont tenus de se faire soigner, les médecins étant soumis à des contraintes fixées par l'assureur, les objectifs de rentabilité financière entrant en compétition avec les objectifs de santé.

Si certains médecins se sont sentis honorés d'être ainsi "étoilés" comme meilleurs médecins de France (à quand un Guide Michelin?) d'autres sont plus réservés parce que "les médecins connus ne sont pas forcément les meilleurs ", mais aussi et surtout parce que "beaucoup œuvrent ainsi à la démolition de la sécu." Les assurances qui demandent des cotisations de plus en plus élevées pour couvrir les médecins rétorquent à ceux qui s'en plaignent : "Ce n'est pas de notre faute si vous n'êtes pas assez payés, vous n'avez qu'à changer de système de santé."

Le projet des AGF montre bien comment toute réduction de couverture des soins de santé par l'assurance maladie obligatoire ne peut que favoriser le développement d'assurances complémentaires privées commerciales affranchies des règles d'une assurance santé basée sur la solidarité. AGF tente de gagner des points dans une démarche visant à la privatisation commerciale de l'assurance maladie qui aboutit à réserver l'accès rapide à des soins de qualité à ceux qui peuvent se le payer.


Certes, l'égalité dans l'accès aux soins n'est pas assurée aujourd'hui partout et pour tous. On sait bien que celui ou celle qui souhaite rencontrer rapidement certains spécialistes obtient plus rapidement un rendez-vous en privé qu'à l'hôpital. On sait comment peuvent jouer les relations, le carnet d'adresses… Mais peut-on accepter pour autant d'institutionnaliser cet état de fait? D'un point de vue éthique, comme l'affirme Didier Sicard, président du Comité national d'éthique, la proposition des AGF est "choquante" et "malsaine" parce qu'elle transforme le patient en consommateur. Par ailleurs, ce projet est dangereux pour la viabilité de la Sécu dont les plus fortunés pourraient penser à terme qu'ils pourraient de moins en moins contribuer au système général puisqu'ils peuvent s'offrir une assurance à leur mesure sans avoir à faire appel à la solidarité générale !


Spontanément, l'opinion publique a raison quand elle pense qu'un système d'assurance ne peut se passer de solidarité. L'assurance, c'est de la solidarité organisée. Mais on sait que tout le monde ne voit pas les choses de cette façon, comme en témoigne l’évolution des pratiques de ces dernières années qui tendent à considérer de plus en plus les assurances comme des techniques de sécurité individuelle. Dans ce système qui refuse d'intégrer des éléments de solidarité entre jeunes et vieux, malades et bien-portants, actifs et non-actifs… ce sont en fin de compte les individus qui ont le plus besoin d'une assurance santé qui seraient le moins en mesure de l'obtenir !

Vendredi 14 avril dernier, devant l'avalanche de protestations, les AGF ont annoncé la suspension de leur projet, mais en expliquant vouloir «se donner un temps supplémentaire de réflexion.» Affaire à suivre… Cela s'est passé près de chez nous dans une entreprise française bien implantée en Belgique : AGF Belgium a dépassé un milliard d'euros de chiffres d'affaires en 2005.
 


Christian Van Rompaey
 

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