A suivre... (19 octobre 2006)
REACH
et notre santé
Pour la
première fois, en France, un salarié agricole d'une cinquantaine d'années,
atteint de la maladie de Parkinson, a été reconnu comme souffrant d'une
«maladie professionnelle». Le Tribunal des affaires de sécurité sociale
(Tass) a en effet admis que les pesticides qu'il avait manipulés durant
toute sa vie étaient à l'origine de sa maladie.
C'est à la fin des années nonante,
que les premières études indiquent un lien possible entre l'utilisation de
pesticides et la maladie de Parkinson. En 2004, le prix Epidaure, décerné
par le journal français "Le Quotidien du Médecin" et destiné à encourager la
recherche en médecine et écologie, était remis au docteur Alexis Elbaz pour
ses travaux sur la relation entre la maladie de Parkinson et les pesticides.
Ces travaux révélaient une corrélation positive forte entre les pesticides
et cette maladie, avec une augmentation du risque selon le nombre d'années
d'exposition. Depuis lors, d'autres études, américaines notamment, ont
confirmé ces observations.
Quand une alternative existe pour remplacer une
substance chimique à haut risque, elle doit être systématiquement
utilisée. |
La presse a fait écho à ce
jugement alors que précisément les discussions sur la meilleure façon
d'assurer une protection des consommateurs et des travailleurs vis-à-vis des
substances chimiques a repris son cours au Parlement européen. Le projet
REACH (pour enRegistrement, Evaluation, et Autorisation des substances
Chimiques) est sans doute le projet de réglementation le plus ambitieux de
ces 20 dernières années dans la manière dont seront gérées les substances
chimiques à l'avenir. Pour la première fois, affirme Greenpeace : "les
industries chimiques devront fournir les données de sûreté sanitaire et
environnementales sur toutes les substances qu'elles produisent." Et cela,
avant de les mettre sur le marché. Actuellement, ce n'est le cas que pour
les substances dont la production a commencé après 1981, soit moins de 10%
des substances commercialisées.
Une
étape importante vient d'être franchie
Les consommateurs n'ont pour
l'heure guère d'information sur les dangers toxiques qui se cachent dans de
nombreux produits quotidiens, des tapis aux voitures en passant par la
nourriture. REACH identifiera également les substances chimiques
"extrêmement préoccupantes", pouvant provoquer des cancers, endommager le
matériel génétique, être une toxine de la reproduction ou celles qui ne
peuvent être décomposées par la nature et s'accumulent dans l'organisme des
êtres vivants. Un des objectifs de REACH est de s'assurer que ces substances
chimiques soient remplacées par des alternatives plus sûres (1)…
mais le lobbying intensif de l'industrie chimique s'efforce de limiter au
maximum l'impact de ce projet.
Après 6 années de discussions et
de débats, le projet REACH vient de franchir une étape importante à la
Commission environnement du Parlement européen en adoptant le rapport de
Guido Sacconi. Les parlementaires, notamment, ne veulent pas transiger sur
la substitution des substances les plus dangereuses et la limitation de leur
autorisation à 5 ans… alors que le Conseil européen souhaite une lecture
plus souple des principes de substitution et de leur limitation d'emploi.
Pour l'eurodéputée (verte) française Islier Béguin : "Les arguments avancés
par l'industrie chimique sur sa capacité à contrôler la libération de ces
substances chimiques à des "niveaux sûrs" ne sont plus recevables. Avec tous
les risques qui persistent quant à l'exposition aux produits chimiques, il
serait naïf de croire dans la notion de "contrôle approprié". La solution
est claire : quand une alternative existe pour remplacer une substance
chimique à haut risque, elle doit être systématiquement utilisée."
Reach et
la protection des travailleurs
L'enjeu est aussi d'importance
pour des milliers de travailleurs. Selon les estimations de l'institut de
recherche de la Confédération européenne des syndicats (CES), toutes
industries confondues, 30% des maladies professionnelles reconnues sont dues
à l'exposition aux substances dangereuses : "Pratiquement une maladie
professionnelle sur trois, c'est énorme !"
Les travailleurs, comme les
consommateurs, attendent donc du projet REACH, actuellement en discussion,
que se confirme un changement radical de comportement de la part des
entreprises concernées.
Grâce à cette réforme fondée
sur le renversement de la preuve (application du "principe de précaution"),
industriels, fabricants et importateurs devront collecter des informations
sur les produits chimiques qu'ils fabriquent ou qu'ils utilisent, mais aussi
sur les conséquences de leur utilisation. Selon la CES et une étude réalisée
par l'université de Sheffield, REACH permettrait "d'éviter chaque année en
Europe 50.000 cas maladies du système respiratoire et 40.000 cas de maladies
professionnelles de la peau dus à l'exposition aux substances chimiques
dangereuses…" soit, une économie moyenne de 3,5 milliards d'euros sur 10 ans
pour l'Europe des vingt-cinq.
Certes, le lobby industriel
pousse les parlementaires à adopter une version affaiblie du projet REACH
estimant que cette réglementation ne peut que mettre en danger des secteurs
"essentiels pour la compétitivité de nos entreprises actives sur des marchés
mondiaux extrêmement concurrentiels". Mais ne s'agit-il pas aussi d'une
véritable opportunité d'innover dans ce secteur en soutenant le
développement de nouvelles substances plus respectueuses des travailleurs,
des consommateurs et de l'environnement ?
Affaire à suivre… Le rapport
de la Commission de l'environnement sera voté au Parlement européen lors de
la session plénière de novembre prochain. Rien ne dit que celui-ci suivra la
position de la Commission tant les eurodéputés sont divisés sur le sujet !
Christian
Van Rompaey |
(1) Pour en
savoir plus : www.reachplus.org
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