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A suivre... (6 mars 2006)

 

Pâques ou le retour de l'Evangile

 

A l'échelle d'un siècle, notre espérance de vie est quasiment d'un tiers plus longue que celle de nos ancêtres. Du coup, observe le philosophe Marcel Gauchet, notre rapport au corps et à la mort s'en trouve bouleversé : "L'individu hypermoderne, pour une bonne partie, écrit-il, vivra sa mort sans s'en rendre compte et sans jamais l'avoir regardée en face, et comme un scandale absolu qui n'avait aucune raison de se produire." (1)

 

Il n'est pas rare, dans nos pays, de voir se côtoyer 3 ou 4 générations. Nous pouvons vivre pendant 30 ou 40 ans avoir la mort en perspective, alors qu'il n'y a pas si longtemps encore la mort était une donnée familière. On comprend pourquoi le culte du corps a pris une telle importance aujourd'hui. Puisque la vie s'allonge, il devient essentiel de bien vieillir, si possible sans handicaps ni souffrances. Il n'empêche qu'aujourd'hui, devant la mort qui est inéluctable, nous pratiquons le plus souvent l'art de l'esquive. Dans notre société de consommation, explique ainsi l'économiste Christian Arnsperger (2) "…le sujet veut être immortel et c'est en étalant indéfiniment sa consommation (…) qu'il se rassure quant à sa possible durée", cherchant ainsi à créer un "éternel présent". Sous une apparente rationalité, consommation, épargne et investissement se présentent bien souvent comme des moyens de dépasser, voire de nier, les limites liées à notre condition de mortels. Et l'on voit des américains fortunés chercher à prolonger la vie en soutenant des recherches sur les techniques de clonage de leur personne ou de leur animal favori !

 

Depuis des siècles, la culture chrétienne n'a pas manqué, elle aussi, de contribuer à "matérialiser" l'au-delà en imaginant de manière particulièrement réaliste, selon l'esprit du temps – des portails des églises  romanes aux tableaux de Jérôme Bosch – les feux de l'Enfer ou les bonheurs vaporeux du Paradis. Comme si les chrétiens ne pouvaient manquer d'entrer en concurrence sur ce terrain déjà largement occupé par de nombreuses autres cultures philosophiques et religieuses ! Que l'on songe aux pratiques de l'Égypte ancienne où la tombe était aménagée en un véritable lieu de vie ; au shéol, le pays du néant où errent les hommes éloignés de Dieu dans le judaïsme; au nirvana des bouddhistes où se retrouvent les "âmes" libérées des réincarnations successives…

 

Sobriété et spiritualité

Face à cette conception très matérialiste de l'au-delà, est-il impertinent de faire remarquer que les Évangiles nous en parlent paradoxalement très peu ? Le récit de la résurrection dans le texte original de Marc nous parle des évènements de Pâques avec une sobriété impressionnante :  un tombeau vide, un corps disparu, et… quelques rencontres. Le bruit courrait que le Christ était là ou ailleurs… Ce qui est sûr, c'est qu'on ne pouvait le reconnaître immédiatement. Ce n'est qu'à la qualité des gestes ou des paroles que se révélait la présence de celui qui avait disparu.

 

Ainsi, les compagnons d’Emmaüs, rapporte l’évangéliste, parlaient des évènements qui venaient de se dérouler la veille à Jérusalem. Celui en qui ils croyaient s’était fait arrêter. Il avait été crucifié avec des voleurs alors que c’était un juste. Même la femme de Ponce Pilate avait, paraît-il, prévenu son mari qu’il allait commettre une erreur judiciaire ! Mais lui s’en lavait les mains. Il n’allait pas risquer sa place pour un étranger !

Chemin faisant, les disciples endurent l’effroyable souffrance des espoirs déçus. C’est l’épreuve du tombeau vide. Mais voilà qu’un passant se joint à leur conversation. Les disciples lui expliquent ce qui s’est passé. Et tandis qu’ils conversent entre eux, le dialogue passe du désespoir à la compréhension. L’idée s’impose que la souffrance n’est pas un argument contre l’espoir et que la mort elle-même n’est pas une preuve suffisante contre la vie.

 

Tout l'univers dans une goutte d'eau

Dans son dernier livre, pour évoquer mort et résurrection, Gabriel Ringlet nous rappelle la métaphore de la goutte d'eau suggérée par le théologien catalan Raimon Panikkar, né de père indou et de mère catholique. A l'aune du monde, chacun d'entre nous n'est qu'une goutte d'eau. "Qu'advient-il de cette goutte d'eau lorsque je meurs ? Regardez mourir une goutte d'eau. Elle éclate. Elle disparaît. Elle rejoint la mer, l'atmosphère. Mais moi, qu'est-ce que je deviens, qu'est-ce que je rejoins ?…" La goutte, explique Raimon Panikkar, c'est le lieu de nos combats, de nos amours, de nos blessures et de nos joies. Mais nous sommes plus que nos échecs et nos réussites : "Il y a en nous plus grand que nous : nous sommes eau. Et lorsque la goutte cesse d'être une goutte, l'eau ne disparaît pas pour autant." (3)

 

Alors, qu'en est-il de la résurrection ? A hauteur d'homme, que peut-on en dire de plus, sinon de la suggérer à partir de nos raisons de vivre. Quand la mort nous sépare d'un proche et qu'il nous dit dans un souffle : "Ce que nous avons fait, nous ne l'avons pas fait en vain !" n'est-ce pas là la meilleure façon d'exprimer sa foi ? La résurrection, n'est-ce pas "naître de nouveau" comme l'exprimait si bien le prêtre, poète et romancier, Jean Sulivan : "Ne craignez pas ceux que vous laissez. Votre mort en les blessant va les mettre au monde." (4)

 

Voilà, sans doute, la première expérience chrétienne de "la vie après la vie" : "Je suis la résurrection et la vie”, disait Jésus. Celle-ci s’accomplit donc bien avant la mort. Marcher droit, parler vrai, vivre juste… Pâques n’est pas ailleurs.

 

Christian Van Rompaey

 

(1)  Marcel Gauchet dans L'individu hypermoderne (sous la direction de Nicole Aubert). Editions Eres 2004. Collection Sociologie clinique (± 25 euros).

(2)  Christian Arnsperger. Critique de l'existence capitaliste. Pour une éthique existentielle de l'économie. Collection La nuit surveillée, Editions du Cerf  (17 euros).

(3)  Gabriel Ringlet, Et je serai pour vous un enfant laboureur. Retourner l'Évangile. Editions Albin Michel (± 16 euros).

(4)  Voir sur le site internet : http://www.jeansulivan.org/ 

 

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