“Depuis le temps où je bavarde avec mon ami octogénaire, le voici
puisqu’il est toujours là, nonagénaire. Comme on dit toujours en pareil cas,
il ne les fait pas. Je l’ai interrogé comme si je l’interviewais afin qu’il
évoque sa longue vie.
Primum vivere: Il attribue sa longévité à ce qu’il appelle sa capacité
à dire non, au bénéfice des “oui” positifs. Il faut élaguer les arbres, me
dit-il, afin qu’ils poussent bien et longtemps. J’ai dit “non” à l’alcool,
au tabac, à l’excès de bonne chair. J’ai refusé des tas de repas dits
d’affaires, deux par semaine au maximum et j’ai toujours rejeté la tentation
des activités provoquant la dispersion. Je me résume: famille et profession.
Je bénéficie d’une épouse qui, à elle seule, vaut l’entourage de Justine, la
championne de tennis. Elle a toujours eu l’art de prendre une détente courte
mais bonne quand elle estimait que j’en faisais trop. Elle préparait des
vacances non pas vers les extrémités de la terre touristique, avec une
particularité réparatrice, à savoir la montagne en hiver, avec de longues
promenades dans la neige tassée de pittoresques et grimpants sentiers. Nous
avons toutes les chances puisque nos enfants et petits-enfants nous
entourent d’affection et d’aides diverses et constantes. Ma femme était une
pianiste de qualité. La musique nous a toujours accompagnés.
Pour le reste, mon grand
tourment a été le “Walen buiten” louvaniste où tant de catholiques, dans la
rue et les épiscopats, ne le furent plus. Pour le reste, mon trajet public à
été dominé par la construction européenne, depuis ses premiers vagissements
jusqu’à sa nécessité mondiale. J’ai peur de son élargissement, non à propos
des pays nouveaux venus, mais de ses autorités responsables, sans dose
suffisante de supranationalité, avec la domination des vingt cinq chefs
d’État et de gouvernement aux pouvoirs échappant à la discipline
d’institutions non nationales. Je n’ai plus guère d’appétit pour la
politique intérieure belge et en football, la télévision m’offre les
meilleurs ballons ronds, comme le tennis d’ailleurs. J’ai gardé un grand
attachement pour ma ville natale et adolescente. Il y aurait tant de choses
à dire mais je conclus en regrettant vivement que la démocratie chrétienne
belge oublie par indifférence coupable les membres du clergé qui lui furent
si efficaces. Il y aurait trop de noms à citer et j’en retiendrai deux. Il
s’agit du R.P. Arendt, Jésuite, qui, à la CSC encore au 13 de l’avenue de la
Renaissance, fut l’homme providentiel de la CSC. La Ligue des travailleurs
chrétiens fut vivifiée par le Chanoine Colens, grand cœur et grand stratège.
Je ne dirai rien de notre mutualité puisque j’en suis l’hôte. J’ai connu ses
premiers pas généreux et discrets. Qui n’apprécierait aujourd’hui sa
puissance et son organisation, sa richesse en réflexions aussi.
Voilà rapporté l’essentiel des
propos de mon jeune nonagénaire”.
Nemo
Jean Daloze, Nemo pour les lecteurs d'En Marche, est trop discret sur
la Mutualité chrétienne. Nous n'avons pas oublié ici, qu'au plus fort de la
tourmente anti-mutuelliste déclenchée par le docteur Wynen à la fin des
années 80, Jean Daloze fut l'un des rares journalistes (si pas le seul) à
avoir pris l'option de défendre la Mutualité chrétienne contre ceux qui
l'attaquaient injustement, non pas par parti pris, mais après un patient
travail d'enquête, assumant ainsi avec conscience sa profession de
journaliste.
Christian Van Rompaey