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A suivre... (18 mai 2006)
Du mépris à la haine


Hans Van Themsche, 18 ans, abat en pleine rue une jeune femme de 46 ans d'origine turque, une jeune fille au pair, Malienne, ainsi que Luna, une petite fille de deux ans confiée à sa garde. Selon le parquet d'Anvers, le meurtrier a affirmé "être parti à la recherche de personnes d'origine étrangère, dans l'intention de les abattre", après avoir acheté, peu avant les faits, une arme de chasse et des munitions.


S’il revient aux autorités judiciaires de déterminer dans quelle mesure le mobile raciste a présidé à l'accomplissement de cet acte criminel, il ne fait pas de doute que la violence verbale des milieux d'extrême droite, marquée de la montée du mépris et de la haine de l'autre, ne peuvent que faciliter le passage à la violence physique, voire meurtrière. Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a raison de dire que "si le 'discours de haine' est sanctionné, ce n'est pas seulement parce qu'il constitue une atteinte à l'honneur et à la dignité des personnes ou de groupes qui en sont les victimes. C'est aussi parce qu'un tel discours nourrit et provoque des passages à l'acte qui peuvent se révéler dramatiques. C'est pourquoi la banalisation de ce discours, comme de toute discrimination est inacceptable."


Dans l'idéologie de l'extrême droite, il y a cependant plus que du racisme. La problématique de l'immigration n'est qu'un "attrape-voix", comme d'autres thèmes tels que ceux de la sécurité, de la criminalité, de l'emploi…, autant de micro-fractures bien réelles de notre société, devenues autant d'arguments qui font les beaux jours de l'extrême droite dans sa posture de dénonciation. Le succès du Vlaams Blok (et du Vlaams Belang aujourd'hui), expliquent Hans De Witte et Marc Spruyt (1), tient au fait que “ce parti a su, d’une manière bien pensée, se tailler un profil populiste capable de dissimuler son extrémisme.”


Il faut se demander, avec Patrick Moreau et Pierre Blaise (1) “comment les leaders de cette extrême droite populiste parviennent à concilier leur fonction autoproclamée d’avocats des défavorisés, travailleurs et classes moyennes avec des principes économiques portant atteinte aux acquis du passé (retraites, protection sociale…). La recette miracle proposée est celle de la préférence nationale dans le cadre de la région ou de la nation…” Mais reconnaissons aussi que dans la plupart des pays européens, " les partis extrémistes de droite sont devenus attractifs pour les électeurs parce qu'ils abordent dans leur propagande des sujets [trop longtemps] délaissés ou (…) jugés non pertinents par les autres partis."

 

Une machine à prendre le pouvoir

Cela dit, l'extrême droite a-t-elle un avenir politique ? Si, depuis la fin de la guerre, les retours de traditions antidémocratiques n’ont jamais vraiment cessé, on ne peut pas dire jusqu'ici que nous avons eu à faire face à un progrès électoral continu au niveau européen. Selon Patrick Moreau, nous n’aurions pas affaire à un cycle, “mais à des cycles de radicalisation, étroitement liés à des conjonctures(…) fluctuantes.”


Le FPÖ de Jorg Haider en Autriche est en recul, le FN français comme La Ligue du Nord en Italie stagnent. L’Espagne et le Portugal restent à l’abri de cette poussée d’extrême droite. La situation est plus préoccupante dans les pays du Nord, aux Pays-bas et en Pologne. Certes, il existe certainement partout “un potentiel de protestation” alimenté par des peurs, des incertitudes et des insatisfactions diverses qui nourrissent des mobilisations contestataires extrêmes. Mais ce n’est pour autant que l’histoire se répète… Bien des citoyens qui votent pour l’extrême droite ne se reconnaissent pas comme les héritiers du nazisme. Le modèle actuel de l’extrême droite est sans aucun doute très différent des modèles fascistes, national-socialistes des années 30 (auxquels font cependant référence les dirigeants d'extrême droite, flamands comme francophones, comme l’a bien démontré le travail réalisé par Jean-Claude Defossé pour la RTBF).


Et pourtant, comme l'expliquent Christian Boucq et Marc Maesschaelk dans leur ouvrage : "Déminons l'extrême-droite" (2), l'extrême droite est bien une "machine à prendre le pouvoir". Si elle ne semble pas capable aujourd'hui de devenir majoritaire ou de s'emparer du pouvoir par la force, il ne faudrait pas pour autant se rassurer à bon compte… Comme si nous n'étions qu'en face d'une réaction cyclique propre à des temps difficiles et incertains pour des gens précarisés. Voilà pourquoi il ne suffit plus de penser ce qui pourrait arriver lorsque l'extrême droite arrivera au pouvoir.

Croire que la réaction d'extrême droite ne serait qu'un épiphénomène - qui va et qui vient - ce serait sous-estimer la "capacité de succès de l'extrémisme de droite." L'appareil politique de l'extrême droite est en effet plus efficace par sa capacité d'action que par son idéologie simpliste en jouant sur le sentiment que nous traversons une période de crise, en assurant la primauté du groupe national, en faisant confiance aux instincts du chef. Il faut agir dès aujourd’hui.


L'extrême droite déploie une stratégie axée sur les failles de la démocratie. Son attractivité repose sur l'impression qu'elle présente une plus grande cohésion sociale en reliant insatisfaction et promesses (abusives) d'initiatives de grande envergure : "ce qu'elle permet de faire et la manière dont elle le promet a plus d'importance que ce qu'elle est réellement capable de faire." (2)

 

Christian Van Rompaey

 

 (1) “Extrême droite et National-populisme en Europe de l’Ouest. Centre de Recherche et d’information socio-politique. Analyse par pays et approches tranversales.” Ouvrage collectif sous la direction de Pierre Blaise et Patrick Moreau (CRISP - mai 2004 - 584 pages - 34,90 EUR).

 (2) Christian Boucq et Marc Maesschalk. Déminons l'extrême droite. Editions Couleurs Livres (14,80 EUR). Internet : www.couleurlivres.be

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