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A suivre... (2 mars 2006)

 

Compromis et incertitudes sur la directive “Bolkestein”

 

Le 16 février dernier, le Parlement européen a adopté la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, plus connue sous le nom de directive Bolkestein.

 

Présentée pour la première fois en janvier 2004, la directive relative aux services vise à instaurer "la libre circulation d'établissement et de circulation des services", ainsi que cela était prévu dans le Traité de Rome, afin de créer un marché unique des services comme il existe un marché unique des produits. L'en jeu est de taille. Principal gisement d'emplois en Europe, les services représentent plus de la moitié de l'économie européenne mais seulement 20% des échanges communautaires (1).

Chacun sait que la proposition élaborée par M. Bolkestein, approuvée par la Commission européenne et soutenue par tous les chefs d'Etat et de gouvernement qui demandaient son examen "dans l'urgence", fut contestée dans toute l'Europe par l'ensemble des mouvements sociaux. En apportant d'importantes modifications au texte originel, les eurodéputés, élus au suffrage universel, ont montré qu'ils entendaient jouer leur rôle et peser dans les décisions communautaires, surtout lorsqu'elles touchent au modèle social européen. Le compromis passé entre le parti socialiste européen (PSE) et le Parti Populaire Européen (PPE) est donc un mélange de libéralisme militant, tempéré d'une volonté sociale de préserver certains acquis sociaux… Mais, comme tout compromis, il s'accompagne d'un flou juridique qui aura pour conséquence de conférer à ceux qui devront interpréter la directive - à savoir la Cour de Justice des Communautés européennes dont on connaît l'orientation libérale - un pouvoir considérable.

 

Ce qui est sûr…

Aux matières déjà exclues du projet initial (parce que déjà soumises à des directives de libéralisation : les services postaux, les communications électroniques, les transports, la distribution de l'électricité et du gaz, le traitement des déchets…) les parlementaires ont ajouté une certain nombre d'activités relevant des services publics qui ne seront pas soumises à la concurrence : les soins de santé et leur remboursement, les services audiovisuels, les jeux d'argent, les professions associées à l'exercice de l'autorité publique, les services sociaux, les logements sociaux et les services de sécurité. Le droit du travail échappe lui aussi à la directive.

 

Ce qui est moins sûr…

"A partir d'aujourd'hui, la directive Bolkestein n'existe plus" s'exclamait le président du Parti Socialiste Européen, parce qu'elle aurait été vidée de l'un de ses éléments les plus contestables, le principe du pays d'origine, selon lequel c'est la réglementation sociale en vigueur dans le pays d'origine qui devait s'appliquer avec la crainte d'un dumping social, surtout de la part des nouveaux venus des pays de l'Est.

Certes, le principe du pays d'origine a bien disparu dans le texte, mais la directive relative aux services énonce une série d'exigences qui ne pourront être invoquées par les pouvoirs publics pour encadrer l'activité des prestataires de service. Au nom de la "simplification administrative", les États ne pourront plus, par exemple, exiger d'un fournisseur de service qu'il ait la nationalité du pays où il exerce une activité, qu'il réside dans ce pays, qu'il ait un établissement sur le territoire, qu'il se dote d'une infrastructure, qu'il soit constitué sous une forme juridique donnée… Cela peut poser problème là où existent des conventions collectives. Les pouvoirs publics nationaux seront amputés de nombreux moyens d'action et de contrôle. Les restrictions ne pourront être fondées que sur des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé ou de l'environnement. Un État pourra néanmoins imposer sa réglementation relative aux conditions d'emploi, y compris celles qui sont établies dans les conventions collectives.

Si l'énoncé du principe du pays d'origine a effectivement disparu du texte, aucune indication n'a été introduite qui préciserait que c'est le contraire qui s'applique, c'est-à-dire le principe du pays de destination (l'application de la loi du pays qui accueille un fournisseur de service d'un autre Etat de l'Union européenne).

 

Et maintenant ?

Maintenant, la Commission européenne va devoir présenter une "proposition révisée" de la directive. Rien ne dit qu'elle accepte les modifications avancées par les parlementaires européens, surtout si elle estime que celles-ci sont des obstacles à la libre installation des services.

Enfin, c'est le Conseil des Ministres qui tranchera. Il peut accepter tel quel le texte du Parlement européen, qui deviendrait alors une loi pour toute l'Europe. Il peut aussi le refuser et accepter un texte "révisé" par la Commission ou proposer son propre texte qui devrait alors revenir devant le Parlement…

Les partisans du libéralisme pur et dur ont été contraints de composer sur ce projet de directive devant la résistance très forte exprimée par l'ensemble des mouvements sociaux européens. Mais, comme on le voit, le risque est réel de défaire les réglementations nationales de protections sociales sans y substituer un socle commun de droits sociaux et de protection des travailleurs. Comme l'écrivait Thomas Ferenczi dans le quotidien français Le Monde (23 février 2006), "La libre circulation des services fait partie des objectifs du marché intérieur, au même titre que celle des biens. La différence est que l'échange des biens déplace des marchandises, alors que celui des services déplace des travailleurs. Il est normal que des précautions particulières soient prises pour que ceux-ci soient protégés…"

 

Christian Van Rompaey

 

(1) Vote sur la "directive services" : Alter Echos, le bimensuel de l'actualité sociale : www.alterechos.be

 

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