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A suivre... (16 mars 2006)

 

Croissance contre santé

 

"La société dans laquelle nous vivons est-elle acceptable ? Souscrivons-nous aux grandes idées (souvent invisibles, souvent non dites) qui guident nos décideurs et qui, à travers les politiques sociales, influent sur nos vies quotidiennes?" Christian Arnsperger résume ainsi la question qui traverse l'ouvrage de Christian Léonard : "Croissance contre santé" (1). Un livre dense, documenté et engagé.

 

Responsable du département "Recherche et Développement" à la Mutualité chrétienne pendant dix ans, Christian Léonard prend comme point de départ l'état de notre système de santé et de protection sociale pour entreprendre une lecture critique du contexte économique et des règles dominantes auxquelles, sans trop s'en rendre compte, nous nous soumettons plus ou moins activement. Proposant d'appuyer le développement sur d'autres valeurs que celles "de l'individualisme, de la rentabilité maximale, ou de la concurrence 'dégraissante' ", l'auteur structure sa réflexion autour de la triade infernale : “privatisation, responsabilisation, technicisation.”

 

Privatisation de la protection sociale

La croissance du Produit Intérieur Brut est devenu le but ultime du développement économique. Tout se passe comme si l'augmentation de la taille du gâteau entraînait automatiquement un meilleur et plus juste partage des richesses. Voilà une "vérité" (?) qui perd de sa pertinence au vu de la montée des indicateurs d'insécurité sociale (difficultés sur le marché du travail, inégalités des revenus, situations d'endettement, difficultés dans la consommation des soins de santé ou de l'énergie). Entre 1990 et 2002 la montée de l'insécurité sociale suit parfaitement le Produit Intérieur Brut qui, par tête, a augmenté de 21%.

La privatisation, dont on vante tant les mérites, à savoir le fait de confier au secteur privé marchand des services qui devraient rester accessibles à tous, consiste en fait à restreindre les moyens budgétaires des États : "Il relève de l'évidence, écrit Christian Léonard, qu'un gouvernement qui décide de réduire substantiellement ses recettes ne peut ambitionner de jouer les premiers rôles dans la prestation de biens et de services" : les transports publics sont de plus en plus coûteux, l'enseignement de moins en moins gratuit, les soins de santé moins accessibles … Les faits restent malheureusement en retard par rapport aux espoirs d'une théorie économique s'appuyant sur les soi-disant bienfaits de la libre concurrence, une pensée qui trouve, hélas, un large consensus dans toute l'Europe.

 

Responsabilisation individuelle

Parallèlement au désengagement de l'Etat, nous assistons à la montée d'une stratégie qui, elle aussi, a toutes les apparences de l'évidence, celle de la responsabilisation individuelle : "Un consensus semble émerger en faveur des bénéficiaires des dépenses publiques (principalement les chômeurs et les patients). Cette responsabilisation doit permettre une modération de la croissance des dépenses sociales imposée par la réduction concurrentielle des recettes (impôts et cotisations sociales) reconnue [pourtant] comme un des moyens privilégiés pour assurer la croissance économique." Paradoxalement, tandis que l'on cherche à responsabiliser le consommateur de biens publics, on favorise au nom de la croissance économique, avec l'appui du système publicitaire, la consommation irresponsable de biens privés, jusqu'au gaspillage des ressources. 

Ne nous méprenons pas ! Etre "contre" la responsabilisation ce n'est pas immanquablement "être pour" son inverse ! C'est mettre en évidence le caractère injuste et inefficace d'un processus de responsabilisation, essentiellement financier, qui peut porter atteinte à la dignité des personnes.

 

Technologie et médecine

Enfin, le profond mouvement d'individualisation, porté par l'essor des moyens technologiques, se développe tout particulièrement dans le domaine de la santé. Selon Christian Léonard, nous serions plongés "dans une triade destructrice qui lie finance, science et conscience". On ne peut en effet ignorer les impératifs financiers sur les programmes de recherche. Les perspectives ouvertes par les progrès récents en matière de procréation assistée, de clonage, de manipulations génétiques, de diagnostic prénatal, etc, nous imposent une réflexion éthique approfondie. Tout développement technologique, bien qu’économiquement rentable, est-il éthiquement souhaitable ?

La réponse n’est ni un retour au ‘bon vieux temps’, ni la fuite en avant : «…le salut de la société telle que nous la connaissons, avec ses structures collectives qui concrétisent les principes fondamentaux de la solidarité, passe par un regain de morale et d’éthique comme frein aux élans dévastateurs des forces du marché. Se réapproprier les valeurs morales ne signifient pas […] étouffer les plaintes individuelles légitimes par des positions obscurantistes. La pluralité de fait de nos sociétés est le meilleur garant que l’on tienne compte des souffrances personnelles mais elle doit être aussi l’assurance que le bien-être collectif ne soit pas que la somme de bien-être individuels».

 

Il faut en arriver à ce que Christian Arnsperger appelait une "Critique de l'existence capitaliste". Nous sommes nombreux à ressentir que nos existences ne sont plus tout à fait humaines. C'est peut-être, explique Christian Arnsperger, "que quelque chose au fond de nous-mêmes y collabore, quelque chose qui participe de l'angoisse et du déni de notre condition d'humains. Les voies de sortie du capitalisme ne sont pas purement économiques, elles sont existentielles."  (2)

 

Christian Van Rompaey

 

(1) Croissance contre santé. Quelle responsabilisation du malade? Couleur Livres - 18 euros.

(2) Critique de l'existence capitaliste. Pour une éthique existentielle de l'économie. Collection La nuit surveillée, Editions du Cerf - 17 euros.

 

 

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