A suivre... (1er septembre 2005)
L’assurance-maladie privée améliore-t-elle l’accès aux soins?
Dans plusieurs pays de l’OCDE, les pouvoirs publics ont
recours ou envisagent de recourir davantage à l’assurance-maladie privée.
Ils espèrent ainsi réduire la charge financière qui pèse sur les régimes
publics, élargir le choix des usagers et améliorer l’efficience des systèmes
de santé. Le moins que l’on puisse dire, à la lecture du premier rapport de
l’OCDE sur l’assurance-maladie privée, est que la privatisation est loin
d’être la solution ultime (1).
L’assurance-maladie
privée se distingue essentiellement des régimes publics par son mode de
financement. Les primes, versées en application d’un contrat conclu entre
une personne privée et un assureur, ne sont pas liées aux revenus. Dans les
régimes publics, les primes sont basées sur la fiscalité et/ou des
cotisations de sécurité sociale prélevées sur les salaires.
Dans certains pays, l’assurance-maladie privée est
la source primaire de la couverture santé pour une partie au moins de la
population (Etats-Unis, Pays-Bas, Allemagne) ; dans d’autres, elle a un rôle
duplicatif par rapport à celui du régime public (Australie,
Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni),c’est-à-dire qu’il y a le choix entre les
deux ; enfin, ailleurs elle joue un rôle complémentaire (France) ou
supplémentaire par rapport au régime public.
Dans les pays de l’OCDE, la santé est toujours très
majoritairement financée par des sources publiques, qui représentent en
moyenne 72% des dépenses totales de santé contre 6,3% pour
l’assurance-maladie privée et 19%pour les versements nets des ménages. Les
décideurs publics considèrent cependant souvent les marchés de l’assurance
privée comme une source de financement supplémentaire ou de substitution aux
systèmes publics, surtout lorsque les budgets peinent à suivre une
demande qui ne cesse de croître.
“L’assurance-maladie privée
peut aider à la réalisation des objectifs de performance d’un système de
santé”, constate le rapport très fouillé de l’OCDE, mais elle peut
aussi y faire obstacle !“Dans la plupart des cas, elle pose des
problèmes considérables d’équité et de maîtrise des coûts.”
•
Lorsque la couverture publique n’est
pas complète, l’assurance-maladie privée peut élargir l’accès aux soins…
mais de manière inéquitable. Niveau de soins, choix et rapidité
ne sont alors accessibles qu’aux revenus les plus élevés. Et rien ne permet
de dire que cela réduit du même coup les temps d’attente dans le secteur
public, qui est le seul choix possible pour les catégories à faible revenu.
Des problèmes d’équité se posent aussi du fait que dans certains pays le
secteur privé rémunère mieux les prestataires que le système public, ce qui
favorise des volumes élevés d’actes et une forte productivité, mais souvent
au détriment de la qualité et de la quantité des prestations financées sur
fonds publics.
•
L’assurance-maladie privée n’a dans la
plupart des pays de l’OCDE qu’un impact minime sur la qualité des
soins, car les
assureurs ne font généralement pas beaucoup d’efforts pour influer sur la
qualité des prestations qu’ils financent. Cela tient à une conjugaison de
facteurs, qui vont de l’absence d’incitations réglementaires et financières
jusqu’à un désir de ne pas restreindre les choix individuels, en passant par
’hostilité des prestataires à toute contrainte supplémentaire sur leurs
décisions quant à l’opportunité d’un soin.
•Quel
que soit son rôle dans le système de santé, l’assurance-maladie privée a eu
pour effet d’accroître la dépense totale de santé ainsi que les dépenses de
santé publiques.
La plupart des pays de l’OCDE exerce moins de
contrôle sur les activités et les prix du secteur privé que sur les régimes
publics et leurs prestataires. Diverses raisons font que l’assurance-maladie
privée n’a pas sensiblement réduit la charge des budgets publics. Elle les a
même parfois amplifiés. Ainsi, lorsqu’ils ont le choix, les clients
continuent souvent de se faire soigner dans les hôpitaux publics, les
hôpitaux privés se concentrant souvent sur une gamme limitée de soins,
laissant au secteur public la prise en charge des soins ou des catégories de
population qui coûtent le plus cher. Dans certains cas, l’assurance-maladie
privée a en fait accru les dépenses publiques de santé ou les dépenses
publiques en général. Lorsqu’elle couvre le ticket modérateur des régimes
publics, comme c’est le cas en France, l’augmentation de recours aux
services qui en résulte accroît les coûts pour le budget public du système
de santé. D’autre part, les pays qui subventionnent de façon importante
l’assurance-maladie privée, comme l’Australie et les États-Unis, ont vu les
recettes du budget public baisser et ses dépenses augmenter.
En conclusion, lit-on dans
le rapport de l’OCDE, laquelle, rappelons-le est une organisation
internationale vouée à la défense du marché et de la bonne gouvernance :
“Il est important de ne pas se faire d’illusions sur les avantages
potentiels de marchés d’assurance maladie-privée concurrentiels et, surtout,
d’être conscients de ce qu’ils
ne peuvent pas
réaliser. Par exemple, l’expansion du rôle de ’assurance-maladie privée est
rarement le meilleur moyen de maîtriser les coûts au sein des systèmes de
santé. Par ailleurs, les marchés d’assurance-maladie privée non réglementés
ne sont pas idéalement placés pour promouvoir l’accès des malades chroniques
ou des personnes à haut risque à une couverture maladie - notamment en
l’absence d’autres mécanismes permettant aux personnes à risque élevé
d’accéder à une couverture abordable.”
Christian Van Rompaey
(1)
L’assurance-maladie
privée dans les pays de l’OCDE, OCDE,
2004.
Les Synthèses de l’OCDE sont disponibles sur le site
Internet :
http://www.oecd.org/
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