A suivre... (21
avril 2005)
Information et
télévision
Nous
sommes inondés d’informations. Télévision, radio, presse écrite, Internet
ressassent à longueur de journée les nouvelles du monde presque en temps
réel. Sommes-nous pour autant bien informés ? L’info TV transformée en
spectacle où l’émotion prime, ne nous désinforme-t-elle pas finalement ?
Deux citoyens
sur trois reconnaissent s’informer exclusivement grâce à la télévision,
surtout parmi les classes les plus populaires. Il est vrai que le soir des
centaines de milliers de téléspectateurs ne rateraient pour rien au monde
“leur JT”. En Belgique, les journaux télévisés de RTL TVI et de la RTBF se
talonnent chaque soir en matière d’audience même si celle-ci est en recul.
Mais en réalité, nous sommes assaillis d’informations. Dès potron-minet, les
flashs radiophoniques titillent nos pavillons avec les “Titres du jour”.
Dans les transports en commun, les navetteurs survolent le journal “Métro”.
Alors que dans les voitures, les automobilistes augmentent le volume de leur
autoradio lors des “Infos routes”… Malgré tout, l’info qui frappe et que
l’on retient reste celle de la télévision. Notamment parce que la télé est
présente massivement dans les foyers et qu’elle est abondamment consommée. “La
télévision, en Belgique francophone, domine l’ensemble des moyens de
diffusion de masse. 96,8% des ménages possèdent un téléviseur, 40% en
possède deux ou plus et un adulte consacre en moyenne 3h50 par jour à
regarder la télévision”, constate
Jean-Jacques Jespers, journaliste et professeur à l’Université libre de
Bruxelles, dans son introduction de la dernière Semaine sociale du MOC
consacrée à la télévision et la démocratie (1).
Opération
séduction
Ce média de
masse qu’est la télé et l’information qu’il diffuse est aujourd’hui formatée
par le marché qui lui dicte ses lois. “Si on veut plaire au plus grand
nombre, il faut déplaire au nombre le plus petit possible, ce qui a pour
conséquence de désidéologiser le discours”,
analyse Jean-Jacques Jespers. La course à l’audience, la concurrence
effrénée entre les chaînes, la marchandisation favorisent un certain
mimétisme dans l’information, une homogénéisation du discours. Ainsi, nous
sommes passé d’une télévision de message à une télévision de relation qui
cherche avant tout à séduire, à tisser des liens affectifs, à fidéliser ses
téléspectateurs. “L’information a pour but, non plus de faire des
choix plus réfléchis mais bien de mieux consommer et admettre la vie
quotidienne de manière plus aisée”,
explique encore le journaliste.
Ainsi,
l’information TV laisse une large place aux faits divers ; elle privilégie
l’émotion et bannit l’analyse qui tue l’audience ; elle demande leur avis
aux quidams lors de micros-trottoirs plutôt que d’interroger les
spécialistes. Les grands événements sont mis en scène de manière exagérément
pathétique. On multiplie les directs avec une kyrielle d’envoyés spéciaux
détachés sur place pour donner l’impression au spectateur de vivre
l’événement en temps réel et non pas dans l’intention de mieux l’informer.
La télévision devient un miroir.
L’info perroquet
Cette manière
de présenter l’information a pour conséquence que le temps consacré à la
fabriquer intellectuellement est de plus en plus court et le temps à la
construire concrètement est devenu par contre plus long. Conséquence? Les
journalistes manquent de temps et de moyens et ont tendance à se copier les
uns les autres. C’est ainsi que certaines “vérités médiatiques” circulent
sans être contrôlées, que certaines formules accrocheuses font le tour des
rédactions.
La fin de l’info
?
Le débat et
l’analyse dérangent les annonceurs car ils ne “rassemblent” pas assez.
L’information se perd à vouloir trop séduire… Dans
un tel contexte, “l’information est un produit en déclin qui s’efface
devant le divertissement, explique
Jean-Jacques Jespers. De plus en plus, les télévisions pratiquent
le mélange des genres (divertissement et information, documentaire et
fiction) pour regrouper les auditoires plus nombreux.”
Réveiller les consciences
Mais rien ne
sert de s’apitoyer dans une sorte de désenchantement devant une télévision
qui part à la dérive. “Si le citoyen exige une télévision d’information
créative, divertissante, et intéressante, le marché pourrait changer et une
autre télévision émerger. La télévision de demain est entre nos mains”,
conclu Jean-Jacques Jespers.
Lors de la
Semaine sociale du MOC, François Martou a tenu à rappeler que les mouvements
sociaux devaient être partie prenante des débats alors même que doit se
renouveler le contrat de gestion de la RTBF mais aussi ceux des télévisions
locales et communautaires. “L’information n’est pas un bien économique
comme un autre, rappelle le président du MOC, mais un bien public qui doit
être accessible à tous !”
Lors des
dernières grèves de la RTBF, les journalistes ont réellement pris conscience
du capital intellectuel dont ils étaient les garants avec la ferme intention
de faire bouger les choses. François Martou a appelé à soutenir les sociétés
de rédacteurs et de journalistes qui défendent le droit à l’information. “Le
travail journalistique est aussi affaire de réflexion, de mise en
perspective, de commentaire, de débat.”
Mais
l’aliénation n’est pas seulement économique. “La démocratie, l’égalité ne
sont pas qu’une question de salaire, de temps de travail… mais aussi une
question culturelle.” François Martou a
ainsi tenu à rappeler le rôle des mouvements sociaux dans la formation des
militants. “Il ne faut pas seulement s’opposer, résister, il faut
aussi proposer.”
Françoise Robert
(1)
Télévision et démocratie, Semaine sociale du Mouvement ouvrier chrétien des
7 et 8 avril 2005. Les actes de ces journées seront disponibles dans le
courant de l’année 2006.
Index "A suivre"
2005
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