Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

A suivre... (5 mai 2005)

La démocratie, une passion occidentale ?

L’administration Bush a justifié l’invasion de l’Irak en invoquant tour à tour la lutte contre le terrorisme, la présence d’armes de destruction massive et enfin la volonté de mettre sur pied un Irak démocratique… Mais qu’est-ce que la démocratie si ce n’est la volonté de transparence et de débat.

 

Les liens supposés avec Oussama Ben Laden sont vite apparus comme hautement fantaisistes. Les informations fournies par la CIA se sont avérées mensongères. Il ne restait qu’un argument de réserve : l’instauration de la démocratie. Les Américains et leurs alliés avaient-ils délibérément menti ? Pas nécessairement explique un ancien diplomate britannique cité par le quotidien français Le Monde (12/04/2005) : “la question n’est plus la bonne ou la mauvaise foi, la vérité ou le mensonge, le respect des faits ou la propagande. C’est la construction d’un argumentaire pour soutenir ou contester une politique déterminée.”

 

A vrai dire, la plupart des pays occidentaux n’ont jamais été très regardants pour traiter avec le président Saddam Hussein quand cela leur était profitable, comme ils le font aujourd’hui avec l’Arabie Saoudite et la Chine aujourd’hui sans exiger de leur part de se convertir rapidement aux vertus de la démocratie.

Dans un petit livre intitulé “La démocratie des autres” et sous-titré “Pourquoi la liberté n’est pas une invention de l’Occident” (1), Amartya Sen, prix Nobel d’économie (1998), explique que nous avons une vision bien trop étroite de la démocratie lorsque nous en parlons uniquement en terme de scrutin et d’élections. Les tyrans se sont souvent accordés d’extraordinaires victoires électorales, moins par la pression exercée sur les électeurs que faute de l’existence de débats publics, de transparence, de multipartisme, de limitation des libertés individuelles et publiques.

 

Les élections, dit-il, ne devraient être en fin de compte qu’un moyen, très important, “de rendre efficaces les discussions publiques, quand la possibilité de voter se combine à la possibilité de parler et d’écouter sans crainte. La force et la portée des élections dépendent de l’existence d’un débat public ouvert.” Et, contrairement à ce que nous suggère un certain sentiment de supériorité proprement occidental, de nombreuses régions du monde connaissent et encouragent le débat public.

 

Dans son autobiographie, “Un long chemin vers la liberté”, Nelson Mandela raconte comment il était impressionné par la nature démocratique des procédures dans les rencontres locales de son pays : “Quiconque voulait pendre la parole pouvait le faire… Il se peut qu’il y ait une hiérarchie dans l’importance des intervenants mais qu’il soit chef ou sujet, guerrier ou médecin, boutiquier ou fermier, propriétaire ou travailleur agricole, chacun pouvait se faire entendre… Tous étaient libres d’exprimer leur opinion…” En se battant pour les valeurs démocratiques, Nelson Mandela ne s’est pas seulement inspiré d’un idéologie venue d’ailleurs mais en puisant dans la tradition de son pays. Il est certain que le “gouvernement par consensus” fait partie d’une grande tradition africaine, même si, malheureusement, celle-ci a trop souvent été mise en échec dans l’histoire contemporaine par des gouvernements autoritaires.

 

Ancrage local, retour à la diversité

 

Heureusement, de l’Afrique, nous recevons aussi de bonnes nouvelles. Ainsi, le Prix International Roi Baudouin pour le Développement 2004-2005, qui vient d’être décerné au malien Ousmane Sy (2), récompense une figure de proue de la décentralisation et de la réforme de la gouvernance au Mali et en Afrique de l’Ouest. “Tout mon travail, dit-il, consiste à montrer que les changements sont possibles, malgré les images et l’actualité négatives qui engendrent trop souvent un afro-pessimisme, à un certain nombre de conditions parmi lesquelles la décentralisation, une intégration régionale et une meilleure gouvernance s’inspirant du vécu des Africains”.

L’ampleur de la tâche de décentralisation accomplie au Mali peut se chiffrer : au début de l’opération, le pays comptait 19 communes urbaines. Cinq ans plus tard, en 1998, 703 communes avaient été instaurées, en impliquant les populations locales dans leur création. Ousmane Sy résume l’enjeu : “La décentralisation permet assurément de consolider le processus démocratique, en élargissant sa base. Elle l’ancre au niveau local, en soumettant la démocratisation à l’épreuve des réalités de l’échelle locale. Elle constitue également un levier pour la dynamisation de l’économie locale, en rapprochant les décideurs des acteurs locaux. (…) Désormais, les décideurs sont des proches, issus du terroir, et non plus des gens nommés par le pouvoir central. De plus, l’interpellation des pouvoirs locaux peut se faire dans les langues régionales : la décentralisation a été synonyme de reconnaissance de la diversité linguistique et culturelle”.

 

Le projet de décentralisation a effectivement servi de base aux négociations avec les mouvements rebelles des populations touaregs dans le Nord du Mali. Il a permis de satisfaire les revendications de ces mouvements portant sur la reconnaissance de leur existence : la décentralisation est une réponse aux questions que pose la diversité qui peut ainsi mieux s’exprimer.

 

Aujourd’hui, le Mali est toujours un pays pauvre, selon les statistiques internationales, mais il prouve aussi qu’il ne faut pas être riche pour accéder à la démocratie ! Beaucoup de pays devraient suivre le conseil d’Amartya Sen : “Il est dangereux de priver une population de démocratie pour parvenir à des objectifs économiques ou politiques ambitieux !”

 

Christian Van Rompaey

 

(1) Manuels Payot (Éditions 2005)

(2) Contact : Ousmane Sy, Centre d’Expertises Politiques et Institutionnelles en Afrique (CEPIA), BP E 867, Bamako, Mali, osy@afribone.net.ml 

 

 

 

Retour à l'index

A suivre 2004

A suivre 2005