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A suivre (1er janvier 2004)

 

La terreur ne conduit pas à la paix

 

En ce début d’année, alors que l’on s’échange des vœux de paix et de prospérité, peut-on “penser la paix” sans y intégrer une réflexion sur le terrorisme ?

 

Il faut bien en convenir, depuis le 11 septembre 2001, le terrorisme a pris une place centrale dans la vie internationale. Pour le spécialiste Gérard Chaliand, ses formes contemporaines ont plus de trente ans au moins (1). Sa naissance remonterait en 1968 avec le détournement de deux avions de la compagnie israélienne El Al par le FPLP de Georges Habache et la montée de la guérilla urbaine en Amérique latine après l’échec du Che en Bolivie. Mais rappelons tout de même que le détournement d’avion a été inauguré par l’Etat français, le 22 octobre 1956, avec l’atterrissage forcé de l’avion transportant Ben Bella et des dirigeants du FLN. La violence s’exercera ensuite en Allemagne fédérale, au Japon, aux États-Unis, en France, en Italie mais sans soutien populaire, excepté pour l’IRA en Irlande ou l’ETA en Espagne. En Occident, la plupart des mouvements vont dépérir au milieu des années 80.

A côté d’actions qui portent sur des conflits précis comme en Palestine, en Irlande du Nord, au Pays Basque ou au Cachemire, on a affaire aujourd’hui à un terrorisme qui ne revendique rien de précis dans ses objectifs. “Cette nouvelle forme de terreur se manifeste comme une sorte de châtiment ou de punition contre un ‘comportement général’ sans plus de précision, des Etats-Unis et plus largement des pays occidentaux…” écrit Ignacio Ramonet, rédacteur en chef du Monde Diplomatique (2).

 

A la question - qu’est-ce que le terrorisme? - il n’y a pas de réponse simple. Chacune des parties prenantes d’un conflit cherche à désigner comme “terroriste” les actes de violence commis par l’adversaire afin de le discréditer aux yeux de l’opinion internationale. Ainsi, les combattants tchétchènes étaient qualifiés de terroristes par Moscou alors que longtemps, au yeux des Européens, ils étaient perçus comme des “résistants” au même titre que ceux qui durant la guerre 40-45 ont résisté aux nazis.

 

Certes, dans terrorisme, il y a “terreur”. Apparu pour la première fois dans le Supplément du Dictionnaire de l’Académie française, le terme “terrorisme” se référait alors au régime de terreur qui ensanglanta la France entre 1793 et 1794, jusqu’à la chute de Robespierre. Le terrorisme ne peut pourtant se confondre avec la seule utilisation de la violence. Un des premiers droits “naturels et imprescriptibles” proclamés par la Révolution française et la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 est contenu en son article 2 : “Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.”

 

Les instances internationales ont tenté, sans beaucoup de succès, de définir le terrorisme et de faire la part entre une violence qui serait légitime, et une autre qui ne le serait pas. L’essai de définition le plus intéressant est contenu dans une Convention internationale portant sur le financement du terrorisme. On peut y lire qu’il faut considérer comme infraction “tout (…) acte destiné à causer la mort ou des dommages corporels graves à toute personne civile, ou à toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet axe est destiné à intimider une population ou contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque”.

 

Dans cette optique, le terrorisme est vu comme “un acte de guerre illicite dans la mesure où il s’attaque à la population civile, qui, du moins d’après les règles traditionnelles, devait rester en marge d’un conflit dont les acteurs n’étaient que les forces armées” commente John Brown, fonctionnaire européen et membre du mouvement altermondialiste Attac. Ainsi, dit-il, le terrorisme est assimilé à un crime de guerre au sens des principes du tribunal de Nuremberg : “les violations des lois et coutumes de la guerre, qui comprennent, sans y être limitées, les assassinats, les mauvais traitements ou la déportation pour les travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction perverse de villes ou villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires”.

 

Cette vue des choses est acceptable dans la mesure où, indépendamment de tout projet politique, elle définit l’acte terroriste comme un dommage portant atteinte à la société et aux personnes. Mais peut-on “mettre dans le même panier” les membres de la secte Aum perpétrant un empoisonnement au gaz dans le métro de Tokyo avec la résistance Kurde en Irak comme en Turquie ? Par ailleurs, cette définition ne fait aucune allusion à la violence des Etats : “Nous sommes aujourd’hui, en Occident, habitués à ne considérer la violence comme légitime que si elle est exercée par des Etats, écrit Gérard Chaliand (3). C’est faire peu de cas de qui ne dispose pas d’autres moyens pour être entendu ou pour tenter de modifier une situation ressentie comme oppressive. C’est aussi faire bon marché de méthodes utilisées par tel ou tel Etat, généralement non démocratique, pour lutter contre les actes à caractère terroriste.” La terreur ne peut conduire à la paix. Mais il ne suffira pas de criminaliser le terrorisme pour l’éradiquer, quand il s’agit de remédier à la dépossession et à l’humiliation qui en sont le terreau.

Christian Van Rompaey

 

(1) Les stratégies du terrorisme. Sous la direction de Gérard Chalian. Editions Desclée de Brouwer (1999).

(2) Le Monde Diplomatique (décembre 2001)

(3) Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (décembre 1999)

 

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