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Les patients organisés, sauvegarde de la Sécu (16 septembre 2004)

 

Chacun sait que les prévisions budgétaires de la Sécu, en Belgique comme ailleurs, et tout particulièrement celles des soins de santé, ne sont pas brillantes (1). D’aucuns ne voient d’autre issue que dans une refonte d’un système social qui serait trop généreux. En clair, cela signifie “casser le monopole de la Sécu” pour ouvrir le marché aux assureurs privés commerciaux.

 

On connaît la chanson ! “Le patient, l’usager, n’est probablement pas suffisamment responsabilisé. Il faut qu’il se rende compte que tout n’est pas gratuit !” (2) C’est oublier qu’au bout du compte, ce sont toujours les usagers qui paient. Que les ressources proviennent des cotisations ou de la fiscalité, il s’agit toujours, de manière indirecte, des revenus du travail. Mais, parce que ces revenus sont “collectivisés” ou “solidarisés”, ceux-ci semblent aux yeux de certains littéralement “tomber du ciel” (et on parle alors d’Etat-Providence !).

Pour dépenser moins, et surtout pour dépenser mieux, il “suffirait” selon certains d’établir de nouvelles règles qui rapprocheraient le secteur de la santé de celui du marché commercial, parce que là au moins, disent-ils, on saurait ce que gérer veut dire, comme si “tout ce qui est géré par le privé l’est mieux que par le public”.

C’est oublier tout simplement que l’assurance privée commerciale ne peut se contenter de redistribuer les sommes collectées à ses assurés. Elle doit encore rémunérer des actionnaires souvent forts gourmands.

“Comment les systèmes d’assurance privée, écrit Philippe Pignarre (3), pourraient, sur le long terme, être plus efficace que les systèmes mutualisés qui ont l’avantage décisif de ne pas avoir d’actionnaires à satisfaire? …Ainsi, dit-il, “une étude américaine estime que les assurances privées ne redistribuent aux patients que 76% des sommes collectées contre 91 % pour les assurances publiques qui n’ont pas d’actionnaires à rémunérer…” Et pourtant, c’est toujours au nom de la volonté de dépenser moins, de mieux réguler, d’être plus efficace que l’on demande au public de s’éclipser au profit du privé commercial ! (4)

Dans le débat qui agita la France tout au long de l’été dernier, ce n’est pas, en fin de compte, la solution la plus libérale qui a été retenue. Non parce qu’elle comportait d’évidents risques politiques, ni parce qu’elle était trop inégalitaire, mais pour des raisons tout à fait réalistes. La solution libérale (accorder plus de place au marché) était “économiquement stupide”, comme l’écrit le mensuel français Alternatives Économiques.

Aujourd’hui, on estime en effet que les frais commerciaux des assureurs (publicité, représentation, commissions…) sont au moins six fois plus élevés que les frais de gestion de la Sécu. Autrement dit, ajoute la revue Alternatives économiques, si la France voulait introduire la concurrence sur ce marché, cela impliquerait vraisemblablement une hausse de l’ordre de 10% des cotisations ! La libéralisation, de manière générale, n’a pas eu en Europe les résultats escomptés parce que “la concurrence coûte cher !”

 

Les patients s’organisent

Pour s’en sortir, écrit Philippe Pignarre (3), il faut s’en reporter aux usagers eux-mêmes. Car c’est à partir de leur expérience critique que l’on peut espérer évaluer l’efficacité et l’accessibilité de notre système de soins.

Il s’agit ni plus ni moins que de retrouver le vrai sens de l’expertise. “Est expert, celui qui a de l’expérience” écrit la philosophe Isabelle Stengers. Cela semble évident… et pourtant : l’idée d’une expérience apportée par les évènements, la vie, un métier, la maladie, les usagers…, dit-elle, a été éclipsée pour devenir la seule expertise qui ait autorité, celle du “spécialiste”. Or, qui d’autres que les assurés eux-mêmes, organisés en mutualités ou dans des associations de patients, peuvent nous dire si l’augmentation des coûts représente un vrai bénéfice du point de vue de leur santé, surtout quand on n’arrête pas de nous dire que l’augmentation de ces coûts est dû au “progrès” de la médecine et à la mise au point de nouveaux médicaments. Sans les usagers organisés, dont la première forme a été et est encore sans aucun doute le mouvement mutualiste, sans les associations de patients, sans l’ensemble du mouvement social, nous ne disposerons pas d’une force collective suffisante pour s’opposer aux glissements vers la privatisation.

“C’est en réveillant le public, c’est-à-dire en l’encourageant à conquérir un droit de regard sur le progrès médical et son financement, qu’il est possible de faire jouer à l’assurance maladie le rôle pour lequel elle a été imaginée” alors que “activer les réflexes de l’individu en tant que consommateur, revient au contraire à l’éloigner de tout ce qui le faisait participer à une expression publique, collective, ayant le souci du bien commun” conclut Philippe Pignarre.

 

Christian Van Rompaey

 

 

 

(1) Lire l’éditorial de Jean Hermesse, Secrétaire national de la Mutualité chrétienne, dans En Marche du 2 septembre dernier : “Déficit de la Sécu : poser un diagnostic correct” (sur l’Internet : www.enmarche.be ).

(2) Sur le thème de “La privatisation de la sécurité sociale : un phénomène croissant et multiforme” lire l’article de Christian Léonard dans MC-Informations, la revue du Service Recherche et Développement de la Mutualité chrétienne (disponible www.mc.be  rubrique MC-Informations )

(3) Philippe Pignarre, directeur de la maison d’édition “Les empêcheurs de penser en rond”

(4) Voir le dossier Alternatives Economiques sur la concurrence (juillet-août 2004)

 

 

 

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